VirtuaVerse
Il n’aura pas échappé à votre œil averti qu’en matière de jeux vidéo, on se mange du cyberpunk à toutes les sauces et en quantité industrielle. Au-delà du mastodonte de CD Projekt, les thèmes, les esthétiques, les problématiques du genre sont un terreau fertile et parfois un peu facile. Cela mériterait bien un article pour en rappeler les codes, les influences et les dérives, mais ce ne sera pas le sujet du jour.
Dans ces pages, j’ai apprécié des titres aussi divers que NeoCab, Whispers of a Machine, Silicon Dreams ou Mind Scanners. C’est maintenant le tour de VirtuaVerse, un Point&Click rétro assumé, que ce soit au niveau du gameplay, de la musique ou des graphismes en pixel-art, alors ressortez vos lecteurs de disquettes, on va pirater le passé.
Mon premier contact avec ce jeu me fut apporté sur un plateau par un artiste que j’adore : Master Boot Record. Celui qui se décrit comme un 486 DX 33 mélange metal, classique et synthwave avec un talent et une capacité à se renouveler qui fait mouche à chaque fois. Le rapport avec VirtuaVerse ? C’est le compositeur de la bande originale (fort logiquement) mais aussi le scénariste, un terrain sur lequel je l’attendais moins. Cela explique que le jeu soit publié par Blood Music, le label musical d’Emperor, Perturbator, Dan Terminus ou Cloudkicker, plus habitué à envoyer du lourd dans des oreilles averties que des jeux vidéo pour vieux nostalgiques.
Hacker vaillant
L’univers de VirtuaVerse, c’est un agglomérat de cyberpunk, de culte du retrocomputing et de post-apo. Il me rappelle par certains côtés celui de l’excellent Neofeud, un des meilleurs jeux d’aventure auxquels j’ai pu jouer ces dernières années. On y joue un hacker à la petite semaine, un gros rebelle de la société qui se retrouve enfermé dans son propre appartement par sa copine « pour son propre bien ». Cette fille, qu’on passera une bonne partie de notre aventure à chercher, sera le fil rouge du scénario.
Après avoir trouvé le moyen de sortir de chez soi et profité des nombreux éléments de décor pour appréhender l’univers et la personnalité de Nathan, notre avatar, on explorera tout d’abord une ville envahie de publicités intrusives. Après quelques péripéties qui impliqueront le pillage de la poubelle personnelle d’un clodo, le meurtre par procuration d’un gars qui n’avait rien demandé et le chantage auprès d’un vendeur de réalité virtuelle, on récupérera un accessoire qui deviendra un élément clé du gameplay : des lunettes de réalité augmentée.
Virtual insanity
En les activant, on aura accès à différentes versions du décor pour progresser dans l’aventure. Nathan est toujours plein de bonne volonté mais finit toujours par faire une connerie sans le vouloir, ce qui le rend attachant ; ce n’est pas la première fois que l’on joue le « comic relief » dans un jeu, mais c’est plutôt bien amené. Le gameplay est, en dehors de quelques petites trouvailles, assez classique, avec des dialogues, des objets à combiner et des tableaux à traverser.
Les environnements sont nombreux et variés, passant de la ville au désert, de la jungle au cercle polaire, pour finir bien au delà des limites de la Terre. Le propos du scénario est dans la lignée des thématiques cyberpunk, l’omnipotence des corpos, l’addiction à la technologie, l’augmentation des corps et le danger des intelligences artificielles pensantes. Le tout est parfois tiré par les cheveux, mais forme tout de même un univers crédible où l’on découvre au fur et à mesure une menace qu’on sera, bien évidemment, chargé d’éliminer.
Boomerpunk
L’amour de Theta Division pour les vieux ordis, les groupes de hackers des années 90 (le warez) et de la musique électronique transparait par tous les pores de VirtuaVerse : chaque énigme, décor ou dialogue y fait référence (et rarement subtilement). Sans parler des clichés qui composent le personnage de Nathan, au visage planqué sous sa capuche, pour bien nous montrer qu’il est avant tout la somme de ses créateurs. Pour moi qui ai connu les écrans cathodiques de 15″ qui pèsent un âne mort et les échanges de disquettes de jeux piratés, ces références me parlent et m’ont souvent fait sourire. Je serais tout de même curieux de savoir ce qu’en pense un joueur né après cette époque, s’il serait aussi sensible à cet appel à la nostalgie.
Cependant, j’ai un grief important à adresser à VirtuaVerse ; les Point&Clicks des années 90 étaient souvent victimes d’un abus de cette fameuse « moon logic », cette capacité pénible à demander au joueur d’effectuer des actions qui n’ont ni queue ni tête pour progresser. On n’en est pas au point de devoir donner un couteau à une poule pour obtenir un réacteur thermonucléaire, mais si, au début du jeu, nos possibilités sont réduites, dès que l’on peut se promener dans un nombre important de lieux, certaines actions nécessaires sortent véritablement de nulle part. Je me suis régulièrement retrouvé bloqué sans savoir quoi faire, le jeu n’étant pas généreux en indices.
Mooncheater
La seule solution pour continuer l’aventure fut, à mon grand regret, de consulter une aide. Les moments WTF furent nombreux, notamment à cause des très nombreux objets que l’on trimballe dans notre inventaire qui ne trouvent une utilité que bien après les avoir ramassés. On sait souvent ce qu’on cherche à faire, mais la solution est parfois tellement improbable qu’elle m’a gâché le plaisir. C’est une chose de demander de la réflexion au joueur, une autre de ne la récompenser que trop rarement à cause de cette vilaine logique lunaire.
Et c’est vraiment dommage, parce que tout le reste du jeu est réussi. L’ambiance sonore, les graphismes au pixel-art gras, l’humour bien distillé, les personnages intéressants et surtout l’univers qui fourmille de bonnes idées. A trop vouloir charger VirtuaVerse de contenu et lui garantir une durée de vie respectable, ils l’ont surtout complexifié à outrance. Mais malgré le fait d’avoir joué avec la solution sur les genoux, j’ai quand même continué avec plaisir les aventures de Nathan tant j’ai apprécié le scénario jusqu’au bout.
Si vous n’êtes pas allergiques au pixel-art et à la synthwave, je vous conseille tout de même l’expérience en sachant à quoi vous en tenir sur les énigmes. J’espère maintenant que la Theta Division, composée d’Alessio Cosenza à la programmation, Valenberg aux graphismes et donc Master Boot Record au scénario et à la musique, saura en tirer les conclusions et nous proposer de nouveaux jeux aussi intéressants et mieux ficelés.
Genre : Point&Click rétro
Développeur : Theta Division
Editeur : Blood Music
Prix : 14,99€
Date de sortie : 12 mai 2020