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Early Access: Blood West

À quel moment un jeu en fait trop ? Quand il est tellement intransigeant avec son gameplay que la progression est laborieuse ? Quand il ne donne que des bribes d’informations insuffisantes ? Quand il décide que la direction artistique sera tellement sombre qu’il faudra y jouer dans l’obscurité complète ? Ou peut-être un mix de tout ça ? Je ne sais pas. En tout cas ce que je sais, c’est que Blood West c’est un peu à la fois, et qu’on va prier très fort pour qu’il ait changé deux ou trois trucs d’ici sa sortie d’Early Access.

Lonesome Cowboy

Au début, tout va déjà mal. On se réveille mort, enfin ressuscité plus exactement. Recomposé version puzzle. Bref, c’est pas la grande forme. Tout ce qu’on sait, c’est que notre « retour » marque le début d’une longue et douloureuse aventure dans l’ouest américain sauvage et monstrueux. Pourquoi monstrueux ? Parce que visiblement l’enfer s’est vidé et est bien décidé à rester sur terre.

Les esprits du pays nous ont donc ramené à la vie pour que nous soyons leur bras vengeur. Notre mission principale : faire du nettoyage pour retrouver la paix. Au début, nous serons faible et sans armes, mais très vite… Nous serons largement moins faible et avec des armes en plus. Nous pourrons également compter sur certains personnages rencontrés au hasard de nos pérégrinations ainsi que sur des totems parlants. Ces derniers serviront, entre autres, de point de respawn.

Pour triompher face à des ennemis plus forts que nous, il nous faudra ruser, rester caché et attaquer de dos ou de loin. En effet, qualifié de « Survival-Horror Immersive Sim » par ses développeurs, le jeu nous promet de trouver notre propre façon de progresser au milieu d’un monde semi-ouvert. C’est majoritairement vrai, mais j’y apporterais quelques nuances.

Secret South

L’ensemble se déroule en vue FPS et en 3D style PS1, dans la grande lignée du revival actuel des jeux en low poly, tel Suffer the Night (qu’on a traité ici), Valheim ou Gloomwood. C’est une esthétique particulière qu’on appréciera ou pas. Personnellement j’aime beaucoup cette modernisation de la 3D balbutiante des années 90. C’était inéluctable, surtout après la mode du 8bits, puis du 16bits. Dans Blood West cela se traduit par une ambiance poisseuse, légèrement « vibrante », avec une distance de vue courte (nous sommes dans une nuit éternelle) et des ennemis qu’on peine parfois à distinguer des décors.

Si j’insiste sur la DA, c’est qu’elle va influencer énormément le gameplay. En effet, le style low poly va de paire avec une appréciation discutable des distances. Ajoutez à cela la faible luminosité du titre, on se retrouve bien souvent à ne pas exactement savoir si nos ennemis peuvent nous toucher ou pas. Et comme une bonne partie des affrontements se font au corps à corps, je vous laisse imaginer le carnage…

Surtout que, comme on l’a vu, notre personnage est très faible et les monstres sont très forts. Cette disproportion (la plupart d’entre eux peuvent nous tuer en deux coups) incite à la prudence et aux actions furtives. On retrouve alors la nécessité de devoir étudier minutieusement les déplacements et de surveiller la jauge de discrétion, indicateur prenant en compte si les mobs vous ont détecté et de quelle façon (vue ou ouïe, ou les deux). Voilà pour la théorie.

En pratique, comme on n’y voit pas grand chose, et que les teintes sont principalement maronnasses, on se fait surprendre trois fois sur quatre. De plus, l’appréciation foireuse des distances rend l’assassinat extrêmement aléatoire. Je me suis retrouvé plusieurs fois à donner un grand coup de couteau dans le vide alors que je pensais ma proie à portée, ou au contraire buter littéralement dans ses genoux alors que je ne me voyais pas si proche.

Il en va de même pour les armes à distance. Si viser se fait de façon assez fluide et efficace quand on prend son temps, il est peu évident d’utiliser ses colts pour se défendre quand une bestiole nous fonce dessus. Enfin, les monstres sont très résistants. il faudra plusieurs coups de couteau, ou plusieurs balles, pour les éliminer.

Et les balles sont très, très précieuses. Là encore je comprends l’intention initiale, qui est de rendre la discrétion et l’utilisation des armes de contact quasiment obligatoires. Après tout pourquoi pas. Sauf que, très rapidement et même si on a souffert au début, on débloque des compétences et des nouvelles armes. Et là, c’est le drame !

Ring of Fire

En seulement deux ou trois heures, et en suivant scrupuleusement les règles édictées par Blood West, on collecte assez de ressources pour pouvoir acheter de meilleurs armes. On a aussi pris quelques points de compétence, et ainsi amélioré notre précision au tir ou notre furtivité. Il devient alors presque accessoire d’être discret car on obtient une telle puissance de frappe (surtout en choisissant judicieusement les compétences de mêlée) que les créatures démoniaques ne sont plus qu’une formalité. Voire même, on gagne du temps en leur fonçant dessus plutôt que de chercher une approche discrète.

Le pire c’est que le jeu en a conscience ! Pour nous inciter à rester discret, les développeurs ont mis en place un système de malus que nous cumulons à chaque mort. Ces malus ne peuvent être levés qu’en réalisant des actions furtives. J’ai trouvé ce système profondément injuste et gratuitement punitif. Quand est-ce qu’on mourra le plus ? Au début du jeu, quand on est très faible. Les malus vont donc s’accumuler alors que nous sommes déjà au trente-sixième dessous. Ce n’est même plus tirer sur l’ambulance, c’est carrément la prendre au lance-roquette… Notre personnage perd un quart de sa vie, ou un quart de son endurance (à croire que le monde explose si un jeu post-Dark Souls ne propose pas de barre d’endurance), ou est ralenti, ou tout ça en même temps (et ils se cumulent). Bref, autant vous dire que le rage quit n’est pas loin.

Sauf que même cet élément de gameplay ne tient pas très longtemps face à la progression du personnage au fil de la partie. J’ai fini les niveaux de l’Early Access avec 3 malus qui ne m’ont gêné en rien. Tout simplement parce que mon personnage était devenu quasiment increvable. On a donc un concept un peu bancal, très handicapant au début, qui devient une simple nuisance par la suite.

This world is evil

Est-ce que tout est à jeter pour autant ? Non, car le jeu a d’indéniables qualités. Les contrôles sont bons, l’ambiance est prenante, la DA est accrocheuse et, pour un peu qu’on se prenne au jeu, il y a un petit côté angoissant bien agréable. De plus, Blood West étant encore en Early Access, on peut espérer une amélioration du côté des mécaniques de gameplay.

Il ne s’agit après tout que d’un soucis d’équilibrage et de progression dans la difficulté. Rien d’insurmontable puisque le cœur du jeu est, quant à lui, très solide. En l’état, surtout si vous êtes réellement en manque de titres d’infiltration, Blood West mérite qu’on le suive et qu’on l’encourage.

Genre : Immersive Sim Horrifique

Développeur : Hyperstrange

Editeur : Hyperstrange

Date de Sortie : 10 Fevrier 2022

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.