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Suffer the Night

Vous connaissez Resident Evil ? Pas la série de films plus nuls les uns que les autres. Je veux bien sûr parler de ce (je cite) « grand classique du Survival-Horror ». Je n’ai jamais aimé les Resident Evil. J’ai toujours trouvé ça bancal. On commençait par avoir peur de son ombre pour au final dégommer des monstres mutants à la mitrailleuse lourde. J’avais l’impression qu’il s’agissait surtout de survivre à l’ennui. Et même si Silent Hill, autrement plus réussi, m’avait fait bonne impression, j’ai toujours eu un peu de mal avec le genre. J’étais donc plus que méfiant en abordant Suffer the Night, un jeu se définissant comme « Survival-Horror à la première personne ». Mais bon, c’est de l’indé et du low poly (ou je ne sais pas quel terme technique pour ne pas dire « graphisme d’un autre âge »), donc pourquoi pas. Après tout, quand on supporte quotidiennement un rédacteur en chef avec un fez, qui insiste pour utiliser Slack, on est habitué à l’horreur et aux vieilleries.

80’s a state of mind

L’histoire de Suffer the Night commence de façon très classique. Vous êtes dans la peau de Stacey Linden, une jeune artiste de la fin des années 80, qui aime les représentations macabres, porter des Dr Martens et des blousons en cuir. Elle aime aussi les films fantastiques et être indépendante puisqu’elle habite seule dans une bien trop grande maison perdue au fin fond du grand rien américain. Et en plus, c’est la tempête et la pleine lune ! Vous le sentez que ça va bien se passer ? Après un début amusant où le jeu vous fait visiter la maison et les alentours sous divers prétextes (j’ai faim, je veux un café, la machine à laver est pleine), le véritable jeu commence alors que l’on sonne à votre porte. Bien sûr, il n’y a personne, seulement une mystérieuse enveloppe contenant une disquette bien mystérieuse. Tout ça est très mystérieux…

J’arrête là pour l’histoire, je n’ai pas envie de vous gâcher les différents éléments de surprise. Sachez seulement que si vous avez l’habitude des récits fantastiques et horrifiques, vous ne serez que peu surpris. Ou alors je suis un sale type blasé (les deux sont possibles). Le fait est que les situations s’enchaînent comme dans un roller coaster d’épouvante, véritable pot-pourri de tout ce qui a été fait auparavant. Oui, il y a même des morts-vivants au QI d’huitre. Mais ce n’est pas très grave parce que c’est plutôt bien fichu, et que le jeu joue justement sur ces tropes narratifs pour tenter de nous surprendre.

Surprise sur prise

Sauf que nous surprendre en jouant sur les conventions de ces récits est aussi devenu un trope. Merci Wes Craven d’avoir dégommé en trois films géniaux toute possibilité de renouvellement pour les générations futures. Oui, je parle de Scream. Mais revenons à notre Stacey en bien fâcheuse posture. Un enchaînement d’événements va donc la conduire à traverser tout un tas d’endroits plus horribles les uns que les autres. Énigmes, pièges, affrontements, esquives, munitions limitées, antagoniste emblématique et révélation finale, tout le manuel du parfait petit Survival-Horror est respecté à la lettre. Des clins d’oeil plus ou moins appuyés à d’autres jeux et films parsèment intelligemment le jeu.

Ainsi on sauvegarde sa progression sur un vieux lecteur de cassettes et l’on s’éclaire avec un briquet. Quand le jeu nous octroie une arme, c’est pour être plus que chiche en munitions. Les statues ont des éléments qui pivotent ; on doit collecter des cartes de tarot ; une énigme mène à une situation horrible et grotesque, à moins que ça ne soit l’inverse. À aucun moment on ne se sent vraiment libre de ses choix, le principe étant d’avancer coûte que coûte pour en finir avec l’horreur de la situation.

Stupeur et tremblements

Je dois dire que l’ensemble fonctionne plutôt bien, on se surprend à épier le moindre son, à essayer de distinguer des formes dans le noir, à avancer avec prudence mais détermination. On est rarement vraiment coincé, que ce soit par une énigme ou un affrontement. La progression reste fluide tout au long des quatre heures que dure le jeu.

« Quatre heures seulement ? » vous entends-je hurler derrière votre écran. « Mais vous avez perdu le sens commun, quelle est cette diablerie ? » rajoutez-vous dans votre juste courroux. Je me dois de nuancer le propos. Certes, c’est court. Mais d’une part c’est intense, et d’autre part j’ai speedrunné le jeu, en majeure partie parce que la peur n’a pas fonctionné sur moi. Comprenez-moi bien, je ne suis pas un être froid et je suis sensible aux jumpscare.

Mais, mon sursaut vient du fait que si vous venez me hurler à 10 cm de la figure alors que je ne m’y attends pas, oui je réagis. Mais pas parce que j’ai peur, uniquement parce que j’ai mal aux oreilles (puis au front quand le fameux « coup de boule réflexe » se déclenche).

Bref, pour me faire peur ou en tout cas pour me faire entrer dans un univers où je vais ressentir une certaine forme de malaise, il va me falloir un peu plus que des morceaux de viscères, des crânes et du sang rouge vif. Heureusement, le jeu sait se renouveler par moments et rendre l’ambiance plus oppressante et malsaine. Malheureusement pour moi ce crescendo est arrivé bien trop tard pour m’atteindre. J’ai donc fini le jeu en mode « devinons ce qui se passe » et j’ai souvent deviné juste, sans ressentir de frisson.

l’équilibre, ça tient à un fil

En résumé, je pense que Suffer the Night est un bon Survival-Horror indépendant. Ce n’est pas parce qu’il n’a pas marché sur moi que ce n’est pas un bon jeu. Ce qu’il fait, il le fait bien. La spatialisation du son est réussie et utile dans le jeu. Quant à la musique, elle est présente mais pas intrusive. Et le côté foutraque des situations est expliqué au cours de la progression.

D’un point de vue technique Suffer the Night est propre avec très peu de bugs, et surtout aucun de bloquant. Sur tous ces points, c’est un sans faute. On pourra éventuellement lui reprocher sa durée de vie qui dépendra énormément de votre façon de jouer, et donc de votre implication.

Sans être un must have du genre, son prix très contenu (moins de 13€) et sa réalisation de qualité font qu’il pourra trouver sa place dans votre ludothèque.

Genre : Aventure, Action, Survival-Horror

Développement : Tainted Pact

Éditeur : Assemble Entertainment

Date de Parution : 17 avril 2023

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.