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Vendée 93

Deux ans après l’excellent Saigon 75, dont je vous parlais ici-même, Pascal Toupy et Jean-Philippe Barcus reviennent avec le deuxième volume de leur série Under Pressure (actuellement en pleine campagne Kickstarter), dont le thème ne laissera pas indifférent : Vendée 93. Un thème français, des auteurs français – qui ont gentiment accepté de répondre à mes questions – et un éditeur français. Que demande le peuple ?

La série Under Pressure existe dans le but de proposer aux joueurs des titres simples à appréhender, rapides à jouer et proposant des camps asymétriques. Ce sont des titres à jouer en aller-retour afin de déterminer lequel des deux joueurs aura livré la meilleure prestation globale. Les joueurs de Saigon 75 savent de quoi je parle, vu la difficulté à faire quelque chose avec le Sud-Vietnam.

Vendée 93 nous propulse donc en cette riante année de 1793 en Vendée militaire – comprendre une région bien plus grande que la Vendée actuelle – où les Vendéens ont pris les armes contre la République. Un conflit sanglant que notre duo a su retranscrire avec une évolution du système Under Pressure.

Si dans Saigon 75 un joueur subissait les assauts de son adversaire en serrant les fesses (et en pleurant un petit peu, le grognard étant un animal très sensible), dans Vendée 93 les rôles vont graduellement s’inverser : au début, le Vendée prend son adversaire par surprise et tente de conquérir ses places fortes avant que la marée ne s’inverse et que les renforts républicains ne débarquent afin de mater cette révolte.

La carte du jeu est divisée en 22 zones, certaines – au centre – sous domination Vendéenne alors que le pourtour est dédié aux Républicains. Ceux-ci sont bien au chaud dans leurs forts, en plaine, mais sont faibles au départ. Ils vont devoir faire face à des armées éphémères mais puissantes, qui ne seront jamais aussi fortes que dans leur bocage. Si j’insiste sur le terrain c’est parce qu’il a, comme nous le verrons, une grande influence sur les combats.

Une partie de Vendée se déroule sur 8 tours, chacun étant divisé en deux grandes phases : celle du Vendéen puis celle du Républicain. La phase du Vendéen est décomposée de la manière suivante : Renforts, Evénement, Mouvements, Batailles et Retour aux Champs. Celle des Républicains est encore plus simple : Renforts, Evénement, Mouvements, Batailles et éventuellement phase de baraquements. Des étapes simples et habituelles me direz-vous, mis à part ce Retour aux Champs intriguant.

Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais je pointais à l’époque du doigt la part prépondérante du hasard dans Saigon 75. Malheureusement pour les allergiques, Vendée 93 repart sur les mêmes bases, avec un jet de dés dès l’étape de renforts. Le Républicain va jeter trois dés, correspondants aux trois secteurs que tient son armée, et y placer le nombre de renforts déterminé ainsi, qui ira de 2 à 4. Si toutes les zones d’un secteur ont été prises par l’ennemi, pas de souci, les renforts subissent un retard d’un tour.

Pour le Vendéen, c’est plus compliqué que ça. S’il est haut sur la piste de Prestige (de 6 à 9), alors il aura des renforts prédéterminés. Sinon il n’aura… rien. A moins d’utiliser un de ses 5 jetons de Tocsin et dans ce cas-là, il a le droit d’utiliser des dés spécifiques qui lui permettent, pour ses 3 armées (Armée du Marais, Armée d’Anjou et Armée du Centre) d’obtenir de 4 à 16 troupes. Oui, alors que le Républicain ne peut en avoir que 4 maximum par secteur. Autant vous dire que lorsque le Vendéen sonne le Tocsin, le sourire du Républicain s’efface.

Une fois les renforts placés dans les zones adéquates, le joueur actif joue une carte d’événement. Ceux-ci peuvent être neutres ou favorables à un camp et comportent parfois un petit cube rouge en dessous de leur valeur faisant gagner un point de Réaction. Une fois l’événement résolu, même s’il n’est pas favorable au joueur actif, ce dernier dispose de la valeur de la carte pour effectuer des mouvements avec ses troupes. Et c’est là encore une différence avec Saigon 75 : pour bouger efficacement tout ce beau monde il faut des généraux. Ils sont bien évidemment en nombre limité dans chaque camp et ont parfois une capacité spéciale utile (avancer après une bataille, relancer un dé de bataille…) mais peuvent surtout déplacer avec eux un nombre illimité de troupes appartenant à leur armée.

Et encore un point sur lequel les deux camps diffèrent : les Républicains ne sont qu’une seule et même armée, quel que soit leur point d’entrée, ce qui veut dire que tous les généraux peuvent déplacer n’importe quelle force Républicaine. Les Vendéens par contre ne peuvent déplacer que les troupes de leur armée, ce qui va vite créer des soucis de logistique. Parce qu’un point de mouvement permet de déplacer une troupe (un seul cube donc) sans chef ou n’importe quel nombre de troupes accompagnées du chef adéquat.

Ces chefs, qui peuvent bien entendu mourir – ce qui fera d’ailleurs perdre du prestige au Vendéen – vont donc s’avérer absolument vitaux. Heureusement pour eux, ils peuvent survivre à une bataille en réussissant un jet de fuite. Et je peux vous dire que la réussite (ou pas) à ce jet peut réellement changer le cours d’une partie si vous vous retrouvez à affronter des anguilles qui survivent à tous les combats.

Une fois les troupes déplacées (d’un territoire, deux au maximum si elles ont emprunté la route royale), place aux batailles dans les territoires envahis. Elles sont simples : chaque troupe permet de jeter un dé, pour un maximum de 5. Les faces des dés sont : Retraite, Perte et rien, un système identique à celui de son prédécesseur. Les éventuels pouvoirs des leaders s’appliquent bien entendu, tout comme l’éventuel effet de la carte événement joué. On continue jusqu’à ce qu’un camp batte en retraite ou qu’il ne reste plus qu’une armée dans le territoire. Facile et rapide.

Mais, me demandera le lecteur attentif, quid de l’importance du terrain ? Excellente remarque ! Il y a plusieurs types de terrain : le bocage, qui provoque de l’attrition aux troupes Républicaines qui y pénètrent sans utiliser la route et qui permet au Vendéen, s’il est en défense, d’appliquer son jet de dé avant l’assaillant ; le marécage, qui force l’arrêt des troupes y arrivant (sauf Charrette) ; la plaine, qui permet au Républicain en défense d’appliquer son jet de défense en premier et aussi la Loire qui, quand elle est traversée pour attaquer les villes fortifiées du Nord, empêche l’assaillant d’attaquer au premier tour.

Et enfin, les forteresses qui permettent au Républicain, grâce à un dé spécial, d’annuler des dés Vendéens. Il faut donc très soigneusement étudier ses axes d’attaque car une force conséquente peut très facilement devenir quasiment inoffensive si on cumule les malus. Surtout qu’il est possible de rajouter à la confusion – et de bien plomber son adversaire – avec les Réactions, qui sont spécifiques à chaque joueur.

Le Vendéen peut semer la confusion (et appliquer le résultat de dés Républicains à des troupes Républicaines) ou tendre des embuscades tandis que le Républicain va pouvoir relancer des dés, se rajouter des points d’action. Chaque camp a 5 actions parmi lesquelles choisir et la bonne utilisation de ces points de Réaction peut être déterminante.

Ses batailles résolues, le joueur Vendéen va procéder au Retour aux Champs : il jette pour chacune de ses armées un dé pour déterminer combien de ses troupes retournent à la maison s’occuper des labours. Evidemment, ce sont les troupes hors de leurs zones de déploiement qui sont retirées en premier. Mais si vous savez, celles qui viennent de vous permettre de conquérir les places fortes… Et si un jeton Tocsin a été joué en début de tour, les départs sont encore plus nombreux. Le Républicain n’a pas ce souci et gardera quant à lui ses troupes bien au chaud.

Le jeu se poursuit donc jusqu’au décompte final ou jusqu’à ce qu’un des camps remplisse les conditions de victoire immédiate : pour le joueur Vendéen être à 9 de Prestige à la fin du tour du Républicain ou avoir conquis toutes les zones Républicaines, pour le joueur Républicain avoir conquis toutes les zones Vendéennes ou si le Vendéen finit son tour à -4 de Prestige. Pour la victoire finale, il suffit au Vendéen d’avoir au moins 1 point de Prestige pour gagner, mais il perd s’il est à -1 ou moins.

Comme vous l’avez remarqué, seul le Vendéen peut gagner des points de Prestige : en gagnant une bataille ou en conquérant une place Républicaine, mais aussi si le Républicain ne livre pas bataille pendant son tour ou en ayant encore des jetons Tocsin à la fin de la partie. Il en perd quand il essuie une défaite, quand il perd un de ses généraux ou une zone d’objectif. Le marqueur de Prestige ne reste donc guère en place tout au long de la partie et la situation sera bien souvent critique plusieurs fois par partie, pour un camp comme pour l’autre.

Les règles de Vendée 93 tiennent en une quinzaine de pages aérées et ne poseront guère de souci de compréhension. Ce qui posera des soucis aux joueurs au départ, c’est la gestion de ce flux et reflux des troupes vendéennes, qui déciment les troupes républicaines avant de gentiment rentrer chez elles. Pour le Républicain, il faut espérer avoir un maximum de troupes survivantes à ces vagues, pour le Vendéen il faut arriver à prendre un maximum d’objectifs avant de devoir les abandonner faute de pouvoir les tenir. Les troupes non plus guère d’importance, seul le terrain et les leaders comptent. Et le tempo car, à le refuser, on s’assure la défaite. Faxo peut ainsi témoigner qu’un Vendéen trop timide se retrouvera très vite dans une impasse…

Et au fur et à mesure que la partie avance, les rôles s’inversent et les Républicains deviennent assez forts pour repousser assez durablement les Vendéens. Ils ne sont bien entendu pas à l’abri d’une contre-attaque fulgurante, et il faut garder cela à l’esprit pour ne pas trop se disperser. Et histoire d’être bien certain que les Républicains n’auront jamais franchement l’avantage (rappelez vous qu’il y a 5 marqueurs Tocsin et 8 tours à jouer), les événements sont majoritairement en faveur du Vendéen.

Ce sont toutes ces couches d’avantages, d’handicaps, de bonus et malus qu’il faut gérer, en plus de l’aléatoire amené par les dés. Et que les allergiques au hasard se méfient, il joue un rôle important dans Vendée 93. Au point que certaines batailles jouées d’avance peuvent rapidement tourner au désastre et qu’un beau plan s’écroule en quelques mouvements de poignet. Mais cela n’est jamais bien grave, les renforts arriveront et vous pourrez repartir de plus belle !

Tout comme son grand frère, Vendée 93 se joue rapidement et se joue en solo aussi, avec une originalité : vous jouez les deux camps en alternance du mieux que vous le pouvez grâce à un système inspiré de celui de GMT Games.

Le thème était compliqué à rendre dans un jeu accessible et il faut reconnaître que les auteurs ont parfaitement réussi à retranscrire les spécificités de ce conflit, tout en se passant de tables alourdissant les parties. Les effectifs fluctuant des arées, la surprise de l’attaque vendéenne initiale et l’importance du terrain sont parfaitement rendus et offre un digne successeur à Saigon 75.

S’il n’y a plus de camp irrémédiablement voué à perdre comme pouvait l’être le Sud Vietnam dans Saigon, il appartient au joueur Républicain de prendre aussi vite que possible le jeu à son compte. Mais le Vendéen a toutes les cartes en main pour résister et la fine gestion de ses appels aux armes et ses coups de boutoir sauront sans doute permis donner des sueurs froides à son adversaire.

Si notre binôme de choc est passé de Nuts! Publishing à Fellowship of Simulations (qui a édité l’excellent Verdun 1916: Steel Inferno) pour l’édition de Vendée 93, pas de crainte à avoir niveau matériel ou qualité globale : les généraux sont sous la forme de beaux standees, la carte est superbe et les livrets clairs et si on pourrait craindre que les cartes ne soient un peu trop fines, il faut se rappeler qu’elles n’ont pas vocation à être mélangées. Et comme il n’y en a pas non plus des centaines, les sleever ne coûtera pas grand chose.

Vendée 93 était donc attendu, d’une part à cause de son thème (je vous conseille, que dis-je, je vous impose d’ailleurs de lire les notes historiques), de l’autre parce que les joueurs attendaient de voir si messieurs Toupy et Barcus allaient confirmer leur premier essai. La réponse est très simple et laisse espérer le meilleur pour la série Under Pressure : oui Vendée 93 est un excellent jeu, intense et très divertissant, oui il est accessible et oui, il mérite de figurer à côté de Saigon 75 pour lequel il n’est pas un remplaçant. Ne traînez pas, la campagne participative est en cours ou, si vous préférez que Walter Vejdovsky ne s’enrichisse (et accessoirement continue à nous sortir des perles pareilles), achetez le directement sur le site ! Et ne prêtez pas attention aux cartes en anglais, le jeu est bien entendu disponible en version française.

Bonjour messieurs, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Jean-Philippe : J’ai découvert le wargame et les jeux de rôle au début des années 80 avec le magazine Jeux & Stratégie comme nombre de passionnés de ma génération. J’ai travaillé dans le domaine du paintball professionnel, dans la traduction de jeux vidéo, entre autres. Je me suis lancé dans la conception de jeu, en 2014 avec le module Lock n’ Load Days of Villainy sur la guerre civile libyenne. A cette époque nous jouions beaucoup à ce système avec Pascal avec qui je partage une prédilection pour l’échelle tactique. Puis cela été le début de notre collaboration avec Saigon 75.

Pascal : Je suis musicien professionnel, et j’ai également découvert le wargame dans les années 80. J’ai créé une dizaine de jeux, le plus souvent sur des sujets que je souhaitais jouer et pour lesquels il n’y avait pas d’offres ou elle ne me convenait pas.

Quels sont les avantages à travailler en binôme ?

J.P : Deux cerveaux sont plus efficaces qu’un seul ! Nous avons découvert qu’il nous était facile de travailler ensemble et d’arriver à un compromis équilibré même lorsque nos approches ou nos visions divergent sur une mécanique ou la rédaction d’un point de règle. De plus, nous nous sommes naturellement partagé les tâches selon nos appétences, par exemple, j’apporte l’essentiel de la recherche historique, Pascal quant à lui prend en charge le volet communication (réseaux sociaux, recherche d’éditeur…). En revanche, tout le travail de modélisation, d’élaboration des mécaniques et d’écriture des règles se fait ensemble ainsi bien entendu que le développement proprement dit sans oublier les tests.

Pascal : Travailler en équipe en sachant s’écouter permet de poser des garde-fous qui évitent de sombrer dans l’uni-directionnel. Ainsi, si vous faites fausse route, vous avez quelqu’un pour vous ramener de suite sur la bonne voie, ce qui évite perte de temps et confusion. J’aime beaucoup également le fait qu’une idée énoncée soit reprise et modifiée dans un système d’aller-retour, la faisant évoluer tout en la bonifiant.

L ’aventure Vendée 93 a commencé en 2017, pouvez-vous nous la conter ?

J.P :  Je suis né en Vendée et j’habite aujourd’hui tout près des lieux qui ont été le théâtre de ces événements, ce qui m’a incité à approfondir mes connaissances sur le sujet par différentes lectures historiques et des visites sur le terrain. Après Saigon 75, nous étions à la recherche d’un sujet pour le deuxième opus de la série UP, j’ai proposé les guerres de Vendée à Pascal qui n’a eu aucune hésitation à valider ce choix.

Pascal : La Révolution française est une période fascinante qui est aux origines mêmes du fonctionnement actuel de notre pays. C’est une période dramatique parcourue par des personnages hors-normes. La guerre de Vendée en est une des composantes, et l’aborder par le jeu d’histoire peut permettre d’en comprendre les éléments contextuels.

Le sujet est assez polémique en France, on l’a vu avec la sortie du film « Vaincre ou Mourir ». Avez-vous fait face à des réactions hostiles à l’annonce du projet ?

J.P : Pas le moins du monde, mais nous ne sommes pas dupes, d’aucuns jugeront que le jeu privilégie tel ou tel camp. C’est une question qui est agitée régulièrement dans notre hobby. Y a-t-il un biais pro-allemand dans les wargames traitant du front de l’Est ? Est-il moral de proposer des jeux sur des conflits récents comme le Libéria des années 90 ou la guerre actuelle russo-ukrainienne ? Personnellement, je trouve vain et improductif ce genre de débat. Pour Vendée 93, nous ne nous sommes pas autocensurés mais nous ne souhaitions pas non plus évoquer dans notre jeu les épisodes dramatiques de la période comme par exemple les colonnes « infernales » de Turreau ; c’est pourquoi le jeu s’arrête à la mi-octobre 1793.

Pascal : Oui, le jeu s’arrête à la mi-octobre 1793, car ensuite le conflit change d’aspect et quitte la Vendée au travers de la Virée de Galerne, épisode éminemment tragique que nous n’avons pas souhaité traiter.

Quels étaient les principaux aspects de cette campagne que vous vouliez absolument retranscrire ?

J.P : Les différences marquées entre les caractéristiques des armées des deux camps ainsi que le fait que le sort des armes a été longtemps indécis avant de basculer inexorablement en faveur de la jeune République révolutionnaire. Prenons deux exemples parlants : le rôle des chefs et le retour aux champs. Les nobles à la tête des insurgés étaient les seuls à posséder une connaissance militaire. L’exemple de bravoure et de compétence qu’ils pouvaient donner aux combattants de leur cause s’avérait déterminant pour la conduite des combats.

Dans le camp républicain, la valeur et l’expérience des commandants à la tête des unités bleues étaient variables, de médiocre (Leschelle) à excellente (Kléber). C’est pourquoi, nous avons choisi pour Vendée 93, de mettre l’accent sur le rôle des chefs ; que ce soit dans le moteur même de gestion des forces, dans la mécanique de “test des chefs” ou bien encore dans l’attribution de traits spécifiques utilisables au combat. Une autre des spécificités de ce conflit réside dans le fait que la plupart des combattants vendéens étaient des paysans, requis par les travaux de leurs champs et en particulier par les moissons. Ils avaient donc tendance à vouloir rentrer chez eux pour vaquer aux dites tâches et ce, dès la fin des batailles.

Ce comportement ne facilitait pas l’exploitation d’éventuels succès militaires des Blancs. Pour restituer cette “fonte des effectifs” en termes de jeu, nous avons associé à chaque Armée vendéenne un ratio de retour aux champs intégré directement dans un lancer de dés, ce ratio dépendant de l’ampleur de la mobilisation (utilisation ou non d’un marqueur Tocsin) par le joueur vendéen lors de son tour.

Comment vous est venue l’idée de remplacer un maximum de tables par des dés spéciaux ?

J.P : L’idée était de gagner du temps et de la fluidité de jeu. Les dés spécifiques permettent effectivement de s’affranchir de la consultation de tables. Ils indiquent le nombre de renforts, le nombre d’unités vendéennes qui « retournent aux champs », la disponibilité d’un chef, l’efficacité des places fortes.

Quelle est votre carte préférée pour chaque camp ?

J.P : Du côté vendéen, Communication par moulins. C’est à la fois une carte qui relève de l’image d’Épinal de ce conflit mais qui en terme de jeu peut être déstabilisante pour le Républicain tout en offrant 3 points d’action. Du côté Républicain, Les civils suivent est une carte très forte qui peut ruiner une offensive des Blancs comptant sur une force vendéenne comprenant de nombreuses unités.

Pascal : J’aime beaucoup la carte Kléber. Tout d’abord parce que ce chef républicain avec son trait particulier (il peut exploiter une victoire au combat afin d’attaquer immédiatement une zone adjacente) est un atout majeur pour le républicain. C’est une bonne carte pour le Républicain car, même si elle ne lui octroie que deux points d’action, elle lui donne son meilleur chef disponible avec six renforts. Encore faut-il qu’il ait cette carte en main ! Il y a 36 cartes, et seulement 22 sont tirées au cours du jeu. Il est donc déraisonnable pour le Républicain de baser toute sa stratégie sur l’arrivée de Kléber grâce à cette carte… Et si le joueur vendéen a la carte, il peut soit ne pas la jouer (en acceptant que ce poids mort alourdisse sa main tout au long de la partie), soit la jouer de la manière la moins avantageuse pour le Républicain. C’est tout l’art de la gestion des cartes offerte par un jeu dirigé par les cartes ! Et puis Kléber est un des personnages principaux de mon jeu Napoleon in Egypt, actuellement en P500 chez GMT Games. Il est comme un fil rouge pour moi sur cette période !

Quelles sont les principales différences et points communs avec Saigon 75 ?

J.P : Vendée 93 se joue moins rapidement que Saigon 75, il possède plus de chrome historique (par exemple, les joueurs manipulent des chefs aux noms évocateurs), les options tactiques sont plus nombreuses (un combat peut durer plusieurs rounds, le terrain a une influence sur le combat, les places fortes sont prises en compte…), l’introduction des Fiches de réaction ajoute une dimension prévisionnelle supplémentaire. Nous avons également inclus un scénario historique qui contraint les joueurs à jouer leurs cartes dans un ordre chronologique. Néanmoins, il partage avec Saigon 75 la même préoccupation de traiter d’un conflit asymétrique rarement simulé, d’être simple et non simpliste (selon la formule dorénavant consacrée) tout en mettant l’accent sur les enjeux historiques spécifiques au sujet traité et ainsi offrir aux joueurs une expérience ludique singulière.

Pascal : Vendée 93 est plus dirigé par les cartes que Saigon 75, car ce sont les cartes qui fournissent les Points d’Action permettant de réaliser des actions sur le terrain, plutôt que le résultat d’une Table d’Activation comme dans Saigon 75. Lorsqu’elle est jouée, une carte fournit des Points d’Action (PA), déclenche un Événement et parfois des Points de Réaction. 

Pouvez-vous nous parler du mode solo ?

Pascal : Je me suis fortement inspiré du système CDG Solo de GMT pour le réaliser. Grâce à ce système simple, le joueur peut jouer alternativement chaque camp du mieux qu’il peut tout en restant fidèle au jeu et en instillant une dose de brouillard de guerre nécessaire à l’expérience solo. Le mode Solitaire utilise des plateaux Solo virtuels pour gérer les cartes de chaque camp. Au début du tour de chaque camp, il lance 1D6 pour déterminer quelles cartes seront disponibles. Il y en a généralement 2 ou 3 simultanément, mais la décision finale revient au joueur.

Pourquoi être passé chez Fellowship of Simulation ?

Pascal : Walter (fondateur de Fsim) est un camarade et un excellent designer de jeu. Nous avons choisi sa jeune compagnie afin de poursuivre la série Under Pressure.

Le premier tournoi de Verdun Steel Inferno vient de se terminer, pensez-vous organiser avec Walter Vejdovsky un tournoi sur Vendée 93, ou même Saigon 75 ? Le format semble plutôt bien s’y prêter.

Pascal : Effectivement autant Saigon 75 que Vendée 93 se prêtent très bien à la forme tournoi. Et nous soutiendrons toute bonne volonté qui souhaiterait organiser ce type d’événement. (NdHarvester : avis aux intéressés…)

Quel sera le thème du prochain « Under Pressure » ?

J.P : Notre prochaine collaboration toujours pour le système Under Pressure aura pour sujet la Révolution mexicaine (encore une guerre civile !) et mettra en scène Emiliano Zapatta et Pancho Villa. A noter, qu’il offrira vraisemblablement une option multi-joueurs.

Pascal : Viva Mexico !

Sur quoi planchez-vous maintenant que Vendée 93 est terminé ?

J.P : Plusieurs projets sont sur le feu qui ne sont pas forcément des wargames mais des jeux de société au sens large. Le projet le plus avancé, Tatoo Masters devrait voir le jour en 2025 si le financement participatif le permet. C’est un party game ayant pour thème, comme son nom le suggère, l’univers du tatouage !

Pascal : Je supervise actuellement les derniers playtests pour l’extension Front de l’Est de Great War Commander, et en parallèle j’ai soumis mon système Batailles de la Poudre Noire (Cowpens 1781, VaeVictis 176) aux affres des champs de bataille de la guerre de Succession d’Autriche et de la guerre de Sept Ans. Je rentre juste de la convention du Cercle Occitan de Stratégie où des joueurs ont pu playtester Fontenoy 1745. Les retours sont très bons et m’encouragent à développer plus avant ce système qui comprend déjà d’autres batailles de la révolution américaine et de la guerre de sept Ans dans les Caraïbes et au Canada.

Merci pour votre temps, je vous laisse le mot de la fin !

J.P : Il existe très peu de jeux historiques sur les guerres de Vendée, j’espère pour ma part que Vendée 93 recevra un bon accueil du public et qu’il pourra s’inscrire comme référence sur le sujet.

Pascal : Merci Aymeric pour le travail que tu effectues à travers Dystopeek. Cette fenêtre ouverte sur les jeux, et plus particulièrement le wargame, est d’une grande utilité pour notre communauté.

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...