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WORLD OF HORROR

Qu’est-ce qui provoque l’horreur ? Un bruit, une image, une parole, un monstre ? Et qu’est-ce qui nous pousse à chercher cette horreur dans les jeux vidéo ? Le besoin de frissonner tout en étant en sécurité derrière son ordinateur ? Mais si vous pensez encore au jeu une fois votre ordinateur éteint, si ses images et ses sons vous hantent encore bien après y avoir joué, êtes-vous toujours autant en sécurité ?

Je vais vous présenter un jeu qui est au-delà de la niche, au-delà du concept, un jeu qui va vous demander d’entrer dans son monde, de l’accepter en vous, pour en ressentir toute sa ténébreuse beauté. Ne réglez pas votre ordinateur, bienvenue dans WORLD OF HORROR (oui, tout en majuscules).

Bienvenue à Sunnydale

La fin du monde est proche, très proche. Surtout en ces années 1980 à Shiowaka au Japon. Des dieux très anciens s’éveillent et des phénomènes paranormaux secouent cette petite ville. Nous voici donc dans la peau d’une jeune personne de retour chez elle, bien décidée à combattre les créatures qui peuplent les lieux.

Si ce genre de pitch vous rappelle furieusement un croisement entre une nouvelle de Lovecraft et un manga du génial et maître de l’horreur Junji Itō, c’est tout à fait normal, car c’est exactement le cas.

Mélange de jeu d’aventure – époque Atari ST -, de mécaniques de Rogue-like, de fiches de personnages et de graphismes 1bit (voir 2bits) travaillés, WORLD OF HORROR surprend dès l’introduction. Son premier scénario vous propose d’explorer un lycée japonais où se déroulent des rituels étranges dignes d’un épisode de Buffy contre les vampires.

Il vous plonge directement dans l’atmosphère à part du titre, mais également dans sa grande difficulté. Car, à moins d’avoir beaucoup de chance, vous risquez d’échouer de nombreuses fois avant de voir la fin de l’épisode. En effet, le jeu ne vous donne que très peu d’indications et vous pousse au contraire à explorer et à expérimenter. Mais on sait très bien comment les explorations finissent dans les films d’horreur, n’est-ce pas ?

La fin du monde

Comme on peut être facilement dérouté par l’interface et par la direction artistique générale, le créateur de WORLD OF HORROR a inclus un tutoriel décrivant précisément chaque élément composant l’écran principal, mais également les caractéristiques de votre personnage, votre inventaire et vos possibilités d’action. Et vous en aurez besoin, croyez-moi.

En résumé, vous naviguerez entre différents lieux, collectant des indices et affrontant d’étranges créatures. Ces indices et combats vous amèneront à mieux appréhender une situation particulière et à résoudre la ou les crises constitutives du scénario proposé. La dimension RPG est marquée non seulement par la présence de plusieurs personnages jouables (et d’autres que vous débloquerez au fur et à mesure de votre progression dans le jeu), mais également par les choix, judicieux ou terribles, que vous aurez à effectuer.

Chaque scénario peut être joué individuellement, mais c’est dans le mode campagne qu’ils prennent tout leur sens. Vous aurez le choix de les parcourir dans l’ordre que vous souhaitez, le scénario terminé créant de fait des modifications pour les suivants. Ne vous y trompez pas, il va vous falloir beaucoup de patience et d’essais pour triompher d’un seul, alors imaginez le temps passé pour la campagne entière.

Heureusement, comme la mécanique de Rogue-like le suggère, même en cas de décès prématuré vous débloquerez des objets ou des nouveaux personnages accessibles pour votre prochaine run. De même, plusieurs niveaux de difficulté sont disponibles. Je ne vais pas vous mentir, m’étant régulièrement fait démonter au niveau le plus facile, je n’imagine même pas la difficulté délirante des niveaux les plus costauds.

Magie noire

Tout cela est bel et bon mais que dites-vous de la DA ? Si les screenshots vous donnent envie de fuir, passez votre chemin car c’est exactement pareil, mais avec des petites animations en plus. C’est très spécial et ça peut être rebutant. Si par contre vous êtes intrigué, sachez que certaines illustrations sont sublimes. Niveau graphisme, on est sur du 1bit ou du 2bits. Monochromatique ou bichromatique, le choix vous appartient. À l’instar de The Shrouded Isle, vous pourrez modifier la palette de base pour encore plus de personnalisation… Ok d’accord, c’est jaune, vert, bleu ou gris, mais quand même !

La musique est tout aussi « vintage ». Elle est volontairement dissonante et vous plonge un peu plus dans une atmosphère dérangeante. De plus, elle reprend, elle aussi, les codes des vieux jeux sur Atari ST ou Amiga, quelques notes crachées à travers un petit speaker à membrane d’un autre siècle. Et pourtant, ça fonctionne étrangement bien là encore. Passé le malaise initial, on se prend à apprécier cette musique et ces sons, voire même à en redemander.

La fin des temps

Dire que j’ai énormément accroché à WORLD OF HORROR serait en dessous de la vérité. J’ai positivement adoré ce jeu. Il réunit tout ce que j’aime : une narration maîtrisée, une DA clivante, une musique qui fait saigner les oreilles et un gameplay qui vous donne envie de vous taper la tête contre les murs.

Oui, dit comme ça, c’est bizarre, mais c’est pourtant le cas. Est-ce que j’ai eu peur ? Non, ce n’est pas un jeu d’épouvante. C’est un jeu d’horreur fantastique. Pas spécialement de jump scare mais une ambiance oscillant entre malaise et angoisse.

C’est un jeu qui fait la part belle au cinéma d’horreur japonais et, comme on l’a vu, aux mangas de Junji Itō. Cette réalisation polonaise, faite par un développeur solitaire et incroyablement doué, montre un amour profond pour l’ensemble des références qu’elle cite. Ce jeu sort enfin d’early access après plusieurs années de travail.

WORLD OF HORROR a su prendre son temps pour devenir une des plus belles créations de la scène vidéoludique indépendante. C’est pour toutes ces raisons que je lui décerne un Dystoseal of Quality enthousiaste. Il se doit de figurer dans la ludothèque des amateurs de jeux originaux.

Genre : aventure horrifique

Développeur : panstasz

Editeur : Ysbryd GamesPLAYISM

Date de Sortie : 19 oct 2023

Plateforme : PC, Mac, Switch, PS4, PS5

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.