The Shrouded Isle
On n’est pas toujours maltraités chez Dystopeek. Alors, effectivement, on vit dans une cave un peu humide, et pendant qu’on boit l’eau croupie qui suinte des murs, on entend Harvester et ses actionnaires rire aux éclats en se goinfrant de petits fours et de champagne. Mais, parfois, il arrive qu’il nous laisse sortir pour faire quelques pas dans le jardin. Il nous parle alors avec une voix douce et nous demande si l’on veut traiter d’un jeu qui nous tient à cœur. C’est ce qui m’est arrivé hier, et c’est donc avec émotion que je vous présente The Shrouded Isle, un jeu Kitfox Games. Oui, les mêmes qui ont édité Dwarf Fortress et Caves of Qud. Vous le sentez le fun ?
La main au culte
Dans The Shrouded Isle, on vous demande d’incarner le haut prêtre d’un culte clairement cthulhien dont la divinité, Chernobog, doit attendre cinq ans pour envahir notre monde. Vous êtes chargé de diriger une petite communauté de dévots isolée sur une ile, et de la guider à travers cinq fois quatre saisons, tout en maintenant l’équilibre entre les différents groupes de la communauté.
Une partie se déroule donc sur un cycle de vingt saisons ayant ses propres défis et événements aléatoires. Vous devez gérer les ressources du village, affecter les membres du conseil aux tâches appropriées, et enquêter sur les secrets et les péchés cachés de chacun. La vie d’un petit village classique en somme.
Les âmes sont tordues
Au début de la saison, vous désignez un membre de chaque domaine qui vous accompagnera dans la gestion du village. Chaque domaine, ou maison, est responsable d’un trait de cette société occulte repliée sur elle-même : l’ignorance, la ferveur, la discipline, la pénitence et l’obéissance. La personne choisie au sein de la maison pour la saison devra donc vous conseiller et, ce faisant, modulera un ou plusieurs de ces 5 éléments.
Chaque candidat a une position au sein de sa fratrie, une vertu et un vice. Bien entendu, l’idéal sera de découvrir son vice et sa vertu avant de l’envoyer au casse-pipe. Pour cela, vous avez l’inquisition qui vous permet de poser une ou deux questions afin d’en découvrir un peu plus sur vos ouailles. Attention toutefois, poser des questions c’est soupçonner un membre de la maison et donc se mettre un peu plus à dos la famille. Le même équilibre sera à trouver à la fin de la saison, puisque votre dieu vous demandera de sacrifier un de vos conseillers.
Burn the witch
C’est sous cet augure fort peu appréciable que commence la première saison. Chaque mois, vous devrez choisir trois parmi vos cinq conseillers. Ce sont eux qui vont « promouvoir la foi » dans le village. Autant dire qu’ils vont y faire régner la terreur. Vous pourrez d’ailleurs en profiter pour en apprendre un peu plus sur chacun d’eux et mettre à jour leurs plus profonds secrets.
Si les maisons choisies sont contentes et si celles délaissées vous en veulent un peu, la roue tournera probablement à la fin quand il s’agira d’égorger l’un des leurs, grâce à ce que vous aurez appris. Au bout de trois tours, la fin de la saison est là, vous devez alors choisir le conseiller à sacrifier. Le choix vous appartient totalement, mais sachez que chaque décision aura ses conséquences, que ce soit sur le village dans sa globalité ou, plus spécifiquement, dans les relations que vous entretenez avec la famille de « l’élu ».
L’affaire Veur
Le cycle se répète alors, et à vous de faire tenir tout ce petit monde entre haines farouches, population qui se réduit de plus en plus, exigences du dieu plus ou moins difficiles à satisfaire, et folie qui gagne peu à peu ceux qui restent en vie. Le tout dans une ambiance qui hésite en permanence entre dérision, désespoir et terreur. Pour rajouter une dose de difficulté et d’imprévu, des événements aléatoires se produiront de temps à autre, allant d’une simple requête d’une des maisons à, là encore, le devoir de choisir entre deux terribles maux.
Si le ton de The Shrouded Isle est particulier, on y retrouve en partie l’écriture tragi-comique de Darkest Dungeon, ses graphismes ne sont pas en reste. Ils sont sobres, peu animés et consistent principalement en des dessins fixes auxquels on a rajouté quelques effets visuels et sonores. Le style crayonné est à mes yeux une véritable plus-value au jeu, et je me prends à regarder chaque écran comme on regarderait un tableau, notant tel ou tel détail. De son côté, la musique participe elle aussi à l’inquiétant propos du titre. Oscillant entre arpèges à la guitare, violon lancinant, cloches d’église et rythmiques pulsatiles, elle s’insinue entre nos oreilles et nous fait basculer, peu à peu, dans l’étrangeté de cette ile sanglante.
Faute avouée à moitié dans ton lit
Comme souvent, l’ambiance, les graphismes et la musique auront eu raison de mon objectivité et c’est évidemment avec enthousiasme que je vous conseille ce jeu. Un bémol cependant, le jeu est très difficile. Vraiment très difficile. D’abord parce qu’il n’y a pas de sauvegarde, à la manière d’un rogue-like vous triomphez ou vous mourrez.
Et d’autre part parce que les thèmes sont très sombres et parfois même dérangeants. Rien de visuel bien sûr, mais l’ensemble peut rapidement porter sur le système et vous faire commettre des fautes irréparables, ce qui est le but. En conclusion, si vous avez envie de vous confronter à un jeu de gestion original et particulier, et si les thèmes ou les ambiances sombres ne vous font pas peur, alors foncez sur ce titre souvent soldé à moins de deux euros sur Steam.
Genre : Horror – Gestion
Développement : Jongwoo Kim, Erica Lahaie, Tanya Short
Éditeur : Kitfox Games
Plateforme : Switch
Date de Parution: 04 Aout 2017