Rex Britannorum
Actuellement en pleine campagne de financement sur Gamefound, Rex Britannorum est un jeu de stratégie pour un à trois joueurs, qui se veut accessible grâce à des règles simples et des parties relativement courtes. Si en lisant cela vous avez pensé qu’il vient directement empiéter sur les plates-bandes de l’excellent Barbarian Kingdoms de Jester Games, sachez que non seulement j’ai pensé la même chose, mais qu’en plus nous avons tous tort. Explications.
Edité par la société Shakos, à qui l’on doit les excellents Napoleon 18xx et le petit (en taille) mais excellent Breizh 1341 dont il faut absolument que je vous parle, Rex Britannorum est un design de Stéphane Brachet dont je ne connais le précédent jeu, Border States, que de nom mais qui a fait bonne impression à sa sortie. Autant vous dire que Mitchpuru et moi, en installant le jeu, n’avions guère de repères.
Et je ne vais pas vous mentir, nous avions aussi un petit a priori en découvrant cette carte de l’Angleterre aux couleurs pétantes et découpée en grandes provinces, elles-mêmes regroupées en trois régions. La peur de tomber sur un jeu trop simple et dirigiste en voyant la séquence de jeu. L’appréhension de faire le tour du titre rapidement. Et comme nous sommes des joueurs aguerris et avisés, nous… nous plantions bien évidemment.
Parce que si le matériel de Rex Britannorum laisse effectivement penser qu’on ne va pas manipuler énormément pendant la partie, il faut absolument se sortir de la tête que le jeu va lasser au bout de deux parties tant la rejouabilité est là. Ce qui n’est pas un mince exploit avec un design aussi simple. Mais rembobinons et présentons-le comme il se doit.
Dans Rex Britannorum, vous devez établir un royaume le plus étendu possible en prenant possession de routes et de villes, tout en assurant votre présence dans un maximum de provinces. Le joueur ayant, à la fin des 7 tours que dure la partie, rempli le plus de ces critères en plus d’objectifs secrets est déclaré Roi de Bretagne. Le jeu favorise aussi les joueurs remplissant certains objectifs en premier : avoir une route serpentant sur trois lieux, prendre quatre cités…
Mais comment déterminer qui va gagner tel lieu ou telle cité ? Par le combat bien entendu ! Chaque joueur dispose d’un deck contenant des troupes dont la valeur guerrière va de 1 à 7. Tous les decks sont identiques, donc pas de spécificités ni de pouvoirs à prendre en compte comme dans Barbarian Kingdoms.
Au début du tour, on tire d’un sac 7 jetons comportant chacun une lettre et un numéro : ce seront les lieux qu’il va être possible de conquérir pour le tour. Le tirage étant totalement aléatoire, il peut y avoir une région sans rien ou une répartition équilibrée. Chaque joueur a devant lui 3 cartes troupes visibles, 3 cartes en main (inconnues des autres donc) et une pioche.
Il peut piocher dans cette dernière et/ou prendre une carte visible pour monter à 5 cartes en main. Puis il va affecter – toujours secrètement – une carte à une région. Il peut bien entendu affecter ses deux armées à la même région mais dans le cas où il aurait trois armées à affecter (nous verrons cela plus tard), il ne pourrait pas tout mettre dans la même région.
Chaque joueur ayant secrètement choisi où envoyer ses troupes, tous révèlent en même temps et les puissances d’armées sont comparées. Le ou les gagnants choisissent 3 lieux au maximum à conquérir dans la région où ils ont remporté le combat, les vassaux (qui ont participé mais n’ont pas gagné) en prennent deux. On passe à la région suivante jusqu’à ce que tous les lieux piochés aient un nouveau propriétaire. A noter que si aucun joueur n’a envoyé de troupes dans une région, les lieux de celle-ci passent sous domination romaine.
Une fois que tout le monde a placé ici son nouvel oppidum, là son marqueur de route, on recalcule les points de victoire : qui a réussi à rallonger sa route ? Qui a gagné de la présence dans de nouvelles régions ? Le joueur étant devant aux points passe premier joueur, on défausse les cartes jouées et on passe au tour suivant. Des règles faciles on vous dit. Mais alors, qu’est-ce qui rend les parties de Rex Britannorum croustillantes ?
Plusieurs choses. D’une part, le tirage aléatoire des lieux à conquérir. Certains peuvent vous intéresser, d’autres non mais s’ils sont dans la même région, il va falloir mettre le paquet pour gagner. Ou peut-être se contenter d’être vassal pour en récupérer moins, mais en gardant ses meilleures troupes pour plus tard ?
Ensuite, les objectifs secrets. Si les pistes d’enjeux (longueur de route, nombre d’oppidums placés et présence dans les régions) sont visibles par tous et donc faciles à contrer (Mitchpuru l’a bien compris en me pourrissant régulièrement la vie…), au début de la partie chaque joueur pioche des cartes d’objectifs qui peuvent rapporter trois points de victoire chacune si chaque étape est remplie. Ces objectifs vont de « Prenez possession de la route allant de S05 à S11 » à « Contrôlez telle région » et sont répartis en trois catégories : Jonction, Cité et Fief. Il y a donc 3 objectifs par carte et ceux-ci sont bien évidemment répartis sur les 3 régions : impossible de faire l’impasse sur une d’entre elles !
Le dernier point d’importance est le fameux deck de troupes, formé de 14 cartes, qui n’est jamais mélangé en cours de partie. Ce qui veut dire que si vous utilisez vos deux 7 dès le début, ils vous manqueront par la suite. A cette notion de gestion de deck, il faut rajouter une gestion de… pouvoirs. En effet, si les cartes valant 5, 6 ou 7 n’ont aucune particularité, sinon d’être les plus fortes, les autres révèlent des surprises.
Une carte de valeur 1 jouée contre une carte de valeur 7 se transformera en carte de valeur 7. Une carte de valeur 2 permet de prendre au Vainqueur une de ses cartes jouées dans la bataille concernée. Cette carte pourra ensuite être jouée au tour prochain en plus des deux cartes habituelles. Oui, vous faites l’impasse sur une bataille mais au tour d’après vous serez potentiellement plus fort que vos adversaires car capable d’intervenir partout. Les cartes de valeur 3 permettent quant à elles de cohabiter sur un emplacement de route avec le Vainqueur de la bataille. A utiliser quand vos intérêts dans la région sont limités. Et pour finir les cartes de valeur 4 qui annulent gentiment les pouvoirs des cartes à 2 et 3. Sympa pour ruiner le plan adverse !
Dire que Rex Britannorum est malin et diablement retors est un euphémisme. Sur notre première partie avec Mitchpuru, nous sommes partis bille en tête en jouant nos grosses cartes sur les Régions qui nous intéressaient, sans vraiment prêter attention à l’aléatoire des tirages des lieux à conquérir.
Et au fur et à mesure que la partie avançait, nous nous rendions compte de nos erreurs, réalisant que telle carte aurait permis d’aider à remplir telle objectif, qu’abandonner certains objectifs n’étaient pas forcément profitables. Il y a eu de longs moments d’analysis paralysis où chacun essayait désespérément de se souvenir de ce que l’autre avait joué tout en essayant de bluffer et anticiper les prochains tirages.
Mais une fois ces concepts intégrés, Rex Britannorum a révélé tout son potentiel. Celui d’un jeu que vous pouvez expliquer en quelques minutes mais qui va quand même vous obligez à réfléchir et vous concentrer. Et c’est là où il part dans une direction très différente de celle de Barbarian Kingdoms, qui est plus rentre-dedans avec moins de facteurs à prendre en considération.
Dans Rex Britannorum, certains paramètres sont cachés, d’autres sont aléatoires. Certains tours peuvent être frustrants car ne proposant pas de lieux intéressants à conquérir (pour la stratégie choisie bien entendu), mais cela signifie qu’il va falloir en profiter pour jouer ses cartes les moins utiles (et pourquoi pas espérer faire quand même un bon coup) tout en se préparant aux futurs tirages qui seront bien plus prometteurs.
Mais dans tous les cas, à la fin de la partie, il est impossible de ne pas avoir eu sa chance pour remplir ses objectifs. Le côté aléatoire du tirage assure en plus une grande rejouabilité au titre et le fait de disposer de decks d’armée identiques impose de savamment exploiter le bluff et les pouvoirs.
Là où Barbarian Kingdoms oblige chaque royaume à jouer avec ses forces pour exploiter les faiblesses des autres, ici impossible, il faut ruser et agir au bon moment pour à la fois remplir ses objectifs secrets et grimper sur les pistes d’objectifs normaux.
Rex Britannorum n’est donc pas un concurrent de Barbarian Kingdoms, même s’ils partagent le même esprit de jeu de stratégie accessible et rapide à jouer. Grâce à la possibilité de facilement transformer les factions non jouées en bots, la production de Shakos est facilement modulable et s’adapte à un grand nombre de configurations de joueurs. Comme son prix est en plus tout doux et sa boîte bien compacte, c’est un titre à amener avec soi en vacances ou au boulot pour les pauses repas et à faire découvrir à un maximum de personnes.
Bon, la campagne Gamefound n’étant pas encore finie, vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous cherchez un titre pour initier gentiment mais sûrement aux jeux de stratégie des amis néophytes en la matière. Pas de frais de port, pas de Stretch Goals déséquilibrant le jeu, juste une jolie petite boîte bien remplie !
Auteur : Stéphane Brachet
Artiste : Giuseppe Rava
Editeur : Shakos
de 1 à 3 joueurs
de 60 à 120 minutes
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur