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Rogue Waters

Trahi par votre compère lors de votre dernière chasse au trésor, vous vous retrouvez anéanti. Sans rien. Vous, le redoutable Capitaine Cutter ! Mais gracieusement sauvé par la providence, une seconde chance s’offre à vous. L’heure de la vengeance a sonné, seulement il vous faut d’abord reprendre du poil de la bête avant de déchaîner le Kraken qui sommeille à vos côtés. Reconstruire une caravelle digne de ce nom, constituer une équipe de choc et entrainer vos talents au combat. Rogue Waters, c’est Xcom en roguelite au pays des pirates, avec un système d’itinéraire inspiré par Slay the Spire. Une formule rafraîchissante qui a naturellement attiré mon attention et propose de belles idées de gameplay.

Votre planque représente le hub du jeu, par lequel vous transiterez entre chaque mission. Un passage à la taverne pour recruter de nouveaux héros, un détour dans vos quartiers pour les reposer ou les entraîner, puis un arrêt onéreux dans les ateliers pour installer de nouveaux canons, modules ou améliorations diverses sur votre vaisseau rutilant.

Une fois prêt (ou les caisses vides), l’heure d’entamer un raid a sonné. Trois options s’offrent en permanence à vous. Le raid faisant progresser l’histoire, emmenant avec lui de nouveaux concepts et ennemis, ou des virées optionnelles pour vous y préparer (pour farmer). De difficulté et durée variables, chaque raid se constitue d’un itinéraire à embranchements multiples d’une dizaine d’étapes en moyenne, alternant batailles, événements et zones sûres.

Contrairement à de nombreux roguelikes, directs dans leur approche, Rogue Waters est un jeu narratif. Il vous inonde de dialogues et de situations à choix multiples, qu’il est possible d’accélérer si les murs de textes ne sont pas votre tasse de thé. J’ai en revanche apprécié la transparence dont fait preuve le jeu dans le choix de votre itinéraire.

Vous connaissez les types de batailles et leur récompense avant de faire votre choix, là où en général vous savez simplement que vous allez vous battre. Le raid terminé, vous empochez le jackpot. Des ressources utilisées pour améliorer votre navire et vos capacités tactiques.

Et si par le plus des malheurs vous échouez, vous écoperez d’un simple retour à la base avec un plus maigre butin et des héros amochés qu’il faudra requinquer. Une formule roguelite et non roguelike donc, où la défaite, inévitable, fait partie intégrante de l’expérience.

… et les marins tombent à l’eau.

La force de Rogue Waters réside dans ses raids addictifs et rapides à jouer (« 20 minutes seulement ? Allez, un petit dernier et j’arrête »), soutenus par un système de combat bien échafaudé. La bataille, toujours face à un seul navire, commence par une phase d’approche stratégique. Vous avez trois tours pour préparer votre abordage en endommageant avec vos canons le bateau ennemi qui fera de même.

Détruire ses canons inhibera ses attaques, dont vous connaissez leur cible. Détruire ses modules retirera le bonus en question, comme une armure ou une régénération de vie pour toutes les unités.Vous pouvez enfin attaquer directement l’équipage ennemi pour faire face à une résistance moins nombreuse lors de la phase tactique.

L’idée est excellente et force à la réflexion comme aux compromis. J’accepte de perdre ce canon pour détruire tel module qui octroie à mes adversaires 2 points de vie supplémentaires, ou subir des pertes humaines pour ne pas avoir à affronter cet ennemi que je gère difficilement.

À contrario des jeux tactiques habituels où les armes peuvent rater leur cible, dans Rogue Waters les canons touchent tout le temps mais occasionnent des dégâts variables. Une façon différente de gérer l’aléatoire qui s’avère particulièrement frustrante au début mais que l’on apprivoise par la suite.

Vient ensuite l’abordage, sous la forme d’un combat au tour par tour inspiré par les xcom de Firaxis. Un déplacement puis une attaque ou une compétence. J’ai souvent du mal avec les affrontements tactiques de mêlée au tour par tour, que je trouve absurdes, mais ici le résultat est convainquant. Les unités avancent et poussent en attaquant, créant un ballet dynamique appréciable où elles se bousculent (et se blessent), se cognent contre les murs ou passent par-dessus bord. Le jeu tourne d’ailleurs autour de cette mécanique, avec la recherche de trajectoires d’attaques capables de générer les plus beaux effets dominos ou d’interagir avec l’environnement.

Poussez vos adversaires dans les flammes, fragilisez-les en les jetant dans du goudron, empalez les plus virulents sur des piques… En bon pirate, balancez-vous avec les cordes environnantes pour vous déplacer en un clin d’oeil de part et d’autre du navire et vous rapprocher d’un ennemi lointain. Enfin, des consommables traînent dans les rangements alentours, comme des fioles de soin ou des filets immobilisant. Dans la tradition du jeu tactique, vos compétences diffèrent selon la classe de vos héros. Le mousquetaire attaque à distance avec un tir destructeur qui nécessite un tour de charge quand le cuisinier découpe ses victimes en restant immobile. Le lancier bénéficie d’une belle allonge, contrairement au lutteur qui recherche le corps à corps pour envoyer bouler les ennemis à sa guise. Le scélérat, plus discret, cherchera à se faire bousculer pour planter sournoisement sa cible.

Enfin, le capitaine joue un rôle polyvalent, avec des attaques de mêlée, à distance et des options de soutien. Un panel d’actions nécessaire pour affronter le bestiaire ennemi varié, du simple matelot aux sapeurs et leurs grenades insupportables (que l’on peut renvoyer), en passant par le goliath armé de sa lourde épée qui ratisse large ou la mouette qui se déplace avec une corde pour tomber sur votre unité affaiblie. Option tactique ultime, faites appel aux pouvoirs d’entités surnaturelles pour vous sortir d’un mauvais plan. Rien de tel qu’un bon coup de tentacule de Kraken pour effrayer l’ennemi ! Et obtenir, si la jauge de peur atteint son plafond, une victoire par reddition.

Le mal des mers

Je pourrai continuer mon discours dithyrambique tant les combats m’ont plu, seulement le jeu souffre de deux pathologies potentiellement graves selon vos exigences : un équilibrage aux fraises et une répétitivité sans précédent. Passé le mur de difficulté initial (et bon sang, quel rempart !), le jeu devient subitement trop simple -pour ne pas dire trivial- une fois les premières améliorations acquises. Si j’ai perdu mes premiers raids, j’ai ensuite navigué à pleines voiles du début à la fin du jeu sans aucune défaite, et ce en mode difficile.

Les développeurs ont prévu le coup en instaurant une dizaine de difficultés optionnelles de plus en plus dures, seulement le titre peine selon moi à tenir sur la durée. Les batailles navales amusantes au début deviennent fastidieuses tant elles se ressemblent, et si les phases d’abordage restent stimulantes, on fait toujours les mêmes actions dans les mêmes environnements exigus (à 90% des ponts de bateaux). La faute à un contenu tactique chiche, qui autorise peu de créativité sur les builds des personnages et l’aménagement du bateau.

Pour donner envie de replonger maintes fois dans l’aventure, il aurait fallu étoffer l’ensemble, proposer de véritables arbres de compétences au lieu de l’ersatz actuel, des armes différentes ou à minima des variantes (une classe = 1 arme), des affrontements à l’intérieur des bateaux ou des missions sur des cartes plus vastes et ouvertes.

Seulement Rogue Waters est sorti en version finale et non en accès anticipé, il faut donc espérer des extensions, sous réserve que le jeu soit une réussite commerciale. Il le mérite, mais à moins d’aimer faire et refaire stricto sensu les mêmes choses, vous ne dépasserez peut-être pas la douzaine d’heures de jeu. Un mot rapide sur le visuel. Le jeu laisse à désirer sur le plan technique, avec des modèles et des textures grossières, mais l’ensemble reste fonctionnel et pas si désagréable en pleine action. Cependant, pour une raison que j’ignore, les captures qui illustrent cet article ne rendent pas honneur au jeu.

À bord moussaillon !

J’ai envie de vous recommander Rogue Waters pour la fraîcheur qu’il apporte aux roguelites et au genre tactique. Un jeu fun, avec de l’idée et des affrontements dynamiques simples mais exaltants. Il subsiste pourtant une impression que les développeurs ne sont pas allés au bout de leur projet, qu’ils auraient mérité à creuser davantage, à pousser le concept au-delà du résultat actuel. Le jeu devient donc rapidement redondant, et pour cela je ne peux le conseiller qu’à ceux qui acceptent le risque de lâcher leur nouvel achat au bout de 15h de jeu.

Genre : Roguelite tactique

Développeur : Ice Code Games

Editeur : Tripwire Presents

Date de sortie : 30 Septembre 2024

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Krev

Passionné par le jeu de stratégie sous toutes ses formes. Aime y jouer... et joue à écrire dessus !

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