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Early Access: Fellowship

Dans la jungle épaisse des jeux plus ou moins indépendants a surgi un phénomène inattendu il y a presque deux ans. Ce phénomène c’est Vampire Survivors, dont le succès fut immédiat et colossal. Les « médias spécialisés » n’ayant pas une très longue mémoire, ont porté aux nues un titre qui devait pourtant tout à son ancêtre, Gauntlet, et à ses contemporains, les twin-stick shooters. Mais allons, ne boudons pas notre plaisir, ce jeu reste extrêmement addictif et réussi. Il a surtout généré des millions d’euros, ce qui a bien entendu éveillé les appétits de toute l’industrie vidéo-ludique. Comme de juste, on a vu fleurir des VS-like qui, comme les doom-like en leur temps, essayent de grappiller un peu de la gloire de leur illustre modèle.

Chacun de ces jeux essaye d’apporter sa spécificité, son originalité, par son contexte, son gameplay, ses graphismes, etc. Ainsi Brotato fait le choix d’une zone de combat très restreinte et d’une DA lorgnant vers The Binding of Isaac, Halls of Torment reprend le look & feel du premier Diablo, untel sera en 3D, An Ankou rajoute du craft, Pathfinder Gallowspire pour sa part utilise le célèbre univers de jeu de rôle éponyme, j’en passe et des meilleurs. C’est donc au tour de Fellowship, premier jeu PC d’Elraim Studio, de proposer sa vision du VS-like. Le jeu est en beta/early-access et, même si il subira probablement des modifications au cours de son développement, il affiche clairement sa différence. Mais est-ce que différence est synonyme de bon jeu ?

Prime au log

Je vous passe rapidement le pitch : « on est des aventuriers, on cherche à combattre le mal et on défonce tout ce qui bouge pour y arriver ». Vous vous en doutez, l’intérêt n’est pas là. Dès le départ, nous devons choisir entre 3 archétypes. Ces derniers seront rapidement rejoints par tout un tas d’autres personnages (jusqu’à 12). C’est parmi ces douze que l’on constituera une équipe de cinq, au fur et à mesure de la progression. Chaque personnage apportant ses compétences et pouvant créer des synergies spécifiques avec les autres.

On ne va pas se mentir, c’est l’originalité de Fellowship. Est-ce que c’est la seule ? Et bien oui, mais elle est vraiment étonnante. En effet, nous dirigeons les cinq protagonistes en même temps, dans une sorte de danse étrange et hypnotique. Le principal est au centre et les quatre autres viennent se placer autour de lui. Bien entendu, chacun d’entre eux peut devenir à volonté le point central, les autres se repositionnant alors automatiquement. Ce qui apporte une dimension stratégique à l’ensemble.

Ce « groupe » avance en tirant automatiquement sur tout ce qui bouge, dans la plus pure tradition des VS-like. On récupère de l’expérience, on monte de niveau, on choisit de nouveaux pouvoirs ou améliorations, et on essaye de survivre le plus longtemps possible alors que des hordes de créatures toujours plus nombreuses nous foncent dessus. On connait tous la formule.

Duo Lingot

Autant buter l’éléphant dans la pièce à coup de missiles : je n’ai absolument pas compris l’intérêt de la constitution de ce « groupe ». Ni dans ce que ça apporte à Fellowship, ni dans ses synergies, ni dans son déplacement, ni rien en fait. Je vous explique. Contrairement à ce qu’on pourrait penser (et à ce qui se fait dans Pathfinder Gallowspire par exemple), chaque personnage a sa propre hitbox et ses propres points de vie. On arrive donc rapidement à une sorte de « blob » de personnages à déplacer et à faire slalomer entre les monstres et les éléments du décor.

Dans un type de jeu où l’esquive doit se faire au millimètre, ce n’est vraiment pas une bonne idée. On passe notre temps à devoir choisir quel tas de monstre nous fera des dégâts et à quel membre de l’équipe. Bien sûr, quand ce n’est pas un de nos pauvres gars qui, coincé contre un mur, se fait totalement défoncer par les ennemis sans pouvoir réagir.

Autre conséquence problématique de ce choix de gameplay étonnant : plus on a de personnages et moins ils progressent. En effet, à chaque montée de niveau, on doit choisir entre trois cartes d’effet (boost de dégât pour l’arme d’un de nos héros, ou une vitesse améliorée pour tout le groupe, etc). J’imagine que vous avez déjà compris le problème : si j’ai 5 personnages pour 3 choix, dois-je choisir de privilégier la progression d’un seul ou au contraire essayer d’équilibrer l’ensemble ? J’aurais nécessairement une courbe de progression plus lente sur les pouvoirs spécifiques à chaque archétype que si je n’ai qu’un ou deux personnages sur le terrain. Et puisque les passages de niveau demandent de plus en plus d’expérience, il y a un ralentissement très important de la puissance des protagonistes, alors même que les mobs deviennent eux, de plus en plus forts.

Tri gône aux mies

Dernier point qui, à mon avis, rend Fellowship très problématique en l’état : la lenteur des personnages. Comme vous le savez sans doute, il est très important dans ce genre de jeu que notre personnage aille sensiblement plus vite que les monstres. Tout simplement parce qu’ils foncent en ligne droite sur lui, il doit pouvoir les balader dans le niveau, tourner autour, en faire des packs, bref exercer un contrôle des foules (« crowd control »). D’ailleurs un des personnages de Vampire Survivors est lent au début du jeu, ce qui est compensé par un pouvoir de base très fort en début de partie : les dégâts de zone.

Sauf que dans Fellowship ce n’est pas le cas. Chaque héros commence en étant lent. Plus ou moins lent certes, mais lent quand même. On se traine. Ce qui a également pour conséquence de ralentir l’accès aux gemmes d’XP que les mobs ont lâché en mourant, et ainsi de ralentir encore un peu plus la progression. Alors oui, il y a bien un petit boost de vitesse (en appuyant sur la gâchette droite) pendant quelques secondes, mais c’est laborieux car ça dépend d’une jauge d’endurance qui se recharge. On se retrouve à smasher la gâchette en espérant le déclenchement. Ce point venant s’ajouter aux précédents, on se retrouve avec un gameplay étrangement mou, une action difficilement lisible, des personnages qui meurent à toute vitesse, avec au final un jeu frustrant.

Quad rit lacté

C’est vraiment dommage pour Fellowship, parce que la DA est plutôt sympathique et agréable à regarder. Les protagonistes ont leur personnalité, les monstres aussi. Les couleurs sont vives mais pas fatigantes, le dessin (fait à la main à priori) a un style qui lui est propre et que je trouve très réussi. Et même si je ne suis pas fan des représentations « grosses têtes », il faut bien avouer que c’est plutôt joli. L’ensemble est fluide, et même si il subsiste encore quelques bugs, le jeu est tout à fait jouable en l’état. Une démo est disponible sur Steam afin de vous faire votre propre idée, je vous conseille d’y jeter un oeil.

Toutefois, et à moins que vous ayez fortement envie de soutenir le projet, je ne peux que vous conseiller d’attendre encore un peu avant de rajouter Fellowship dans votre collection. Il est très prometteur mais demande pas mal de petits ajustements. Mais, et je veux insister là dessus encore une fois, je ne fonde mon opinion que sur une beta pré-early access. Le jeu n’entrera en early-access que le 7 novembre 2023, et au moment où j’écris ces lignes nous sommes début Octobre de la même année. Je pense qu’il y aura pas mal de changements sur les points que j’ai soulevés plus haut. Il vous appartient de suivre de près ce projet qui, une fois ses problèmes évidents d’équilibrage résolus, débouchera sur un résultat tout à fait sympathique.

Genre : Vampire Survivors-like

Développeur : Elraim Studio

Editeur : Elraim Studio

Date de Sortie : Novembre 2023

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.