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Redfall

Tous les pigistes vous le diront, il est bien plus simple d’écrire sur un bon – ou un mauvais – jeu que sur un jeu moyen. Parce que quand la balance penche d’un côté ou de l’autre, l’approche se fera via ces qualités ou défauts. Mais quand le jeu s’applique à contrebalancer chaque début de bonne idée par un détail foireux, le pigiste se roule en boule dans un coin et pleure en attendant de trouver un angle d’attaque. Bienvenue dans mon test de Redfall.

Redfall, à son annonce, c’était la promesse d’un jeu Arkane. Arkane Austin pour être précis. Ouais les gens derrière Prey, que j’ai adoré. Donc autant dire que j’étais un peu impatient de voir ce qu’allait donner leur promesse de monde ouvert envahi par des vampires.

Autant vous dire que l’impatience a laissé place à la surprise et un peu de peur en voyant les premiers retours. Mais chez Dystopeek, le journalisme total (et les blagues foireuses mais ça on essaie de pas trop le mettre en avant) c’est notre credo donc je n’ai trouvé personne me suis dévoué pour m’y coller.

Redfall est donc un FPS dans lequel le joueur, bloqué dans la ville éponyme, va devoir s’occuper d’une invasion de vampires et essayer de rentrer à temps pour le goûter. Heureusement pour lui, chaque héros dispose de pouvoirs uniques qui l’aideront un peu à ne pas trop s’ennuyer survivre et surtout aura accès à un arsenal qui évoluera au fil des niveaux.

Car oui, première bonne idée, dans Redfall, votre armement, divisé en plusieurs classes (armes de poing, fusils à pompe, d’assaut…) dispose d’une rareté et d’un niveau propre. Oui comme dans les Hack n’ Slash. Et comme dans ces derniers, on va passer de longues minutes à comparer des flingues et se préparer un loadout aux petits oignons. Seul souci avec toutes ces pétoires : les sensations ne sont pas terribles. Oh certaines ont bien un rendu sonore sympa, mais c’est tout.

Ca n’est pas grave se dira le lecteur optimiste, l’intérêt d’un monde ouvert c’est… son monde ! Et là encore, force est de constater que la patte graphique reconnaissable entre mille des studios Arkane flatte les mirettes, même s’il faudra une grosse config pour pouvoir pousser les curseurs.

Malheureusement pour nous, la ville de Redfall n’est pas très folichonne et certains quartiers semblent ne pas avoir eu le même traitement que les autres, se contentant d’une architecture et de textures quelconques. Mais bon, tant qu’on peut découvrir un monde riche, on s’en fiche un peu hein ? Parce que le monde est riche, me demande ce même lecteur dont les attentes sont en train de prendre une dérouillée dans une ruelle sombre.

Et bien non, malheureusement. Oh les développeurs ont bien essayé de créer des zones bien différenciées, ils ont mis ici et là des maisons visitables dans lesquelles on ira looter… du papier toilette et de l’eau de javel. Mais les rues de Redfall sont désespérément vides et monotones.

Aucun sentiment d’oppression, aucun stress en les parcourant, un comble dans un monde où des vampires ont pris le pouvoir. On court d’un trottoir à l’autre, on escalade deux toits, on trace en ligne droite, le regard fixé sur le radar. Le plaisir d’explorer est quasi nul et même la promesse de loot ne vient pas le relancer.

Ils ont tous monté l’escalier… dos à moi !

Bon, scénario inexistant, monde vide et monotone, armement mouif. Pour le moment, Redfall fait un sans-faute, mais dans le mauvais sens. On pourrait croire que les gunfights allaient redresser la barre mais non, même constat que pour le reste. S’il faut constamment jongler entre les différentes armes pour exploiter au mieux les faiblesses des ennemis, on se rend surtout vite compte que ceux-ci sont cons  comme la lune.

Pardon my French comme on dirait outre-Manche. Les adversaires, surtout humains, sont donc des concentrés d’inintelligence artificielle qui – au choix – ne réagiront pas pendant un combat, vous fonceront dessus, s’éloigneront ou viendront se mettre à l’abri, mais dos à vous !

Certains paysages sont quand même superbes

C’est impressionnant de voir une telle variété de comportements idiots, même les réunions à la rédaction font pâle figure à côté ! Les combats contre les différents types de vampires sont un peu plus intéressants, ces derniers ayant un comportement un peu plus complexe et n’hésitant pas à utiliser leurs pouvoirs, même si en fin de compte il suffit de leur coller une décharge de chevrotine dans la tête avant de s’écarter d’un pas pour enfin leur planter un pieu dans le coeur (sans quoi ils reviennent à la non-vie). Seule difficulté : le surnombre.

On alterne ainsi entre des combats très (trop ?) simplistes où on aligne tranquillement les adversaires – surtout que les humains se one-shootent au pistolet sans souci – à d’autres où on se fait submerger et coincer sans pouvoir faire grand-chose. Et on meurt. Et on réapparaît à l’autre bout de la carte dans la planque principale, ou dans une safe house.

Chaque quartier en comporte une, qu’il va falloir d’abord alimenter en électricité pour accéder à une mission unique nous fournissant la localisation d’un mini-boss. Qu’il faudra bien entendu descendre pour libérer le quartier. Ce qui ne changera absolument rien au monde extérieur, mis à part que vous pourrez faire des voyages rapides. Qui vont donc encore plus flinguer l’immersion. Mais ça vous ne vous en apercevrez même pas, vu que vous serez déjà en pilotage automatique, flinguant tout ce qui bouge jusqu’à l’objectif suivant.

Euh… Coucou ?

Redfall n’en finit pas de creuser sa tombe avec, comme cerise sur la pierre tombale, une réalisation technique aussi bancale que les blagues de Cekter lors des réunions à la rédac’. Non seulement le jeu se permet d’avoir l’air dépassé techniquement, mais le framerate joue au yoyo de manière inexplicable et il n’est pas non plus rare d’avoir des bugs de collision.

A se demander si quelqu’un a lancé le jeu avant sa sortie… Heureusement tout de même que le prix est en adéquation avec… à non, même pas, on m’annonce un ticket d’entrée à 70€, rien que ça.

Et le pire dans tout cela, après avoir passé tant de temps à tirer dessus à boulets rouges, c’est que je dois vous avouer une chose : j’aime bien jouer à Redfall. Oui, j’assume parfaitement ce que je viens d’écrire. Restons clairs : non, le jeu d’Arkane n’est pas bon. Non il n’est pas fini, oui il a écarté toutes les bonnes idées de chaque open world auquel vous avez déjà joué pour les passer dans une moulinette incompréhensible le rendant fade et sans saveur.

Non les pouvoirs des héros ne ravivent pas l’intérêt et oui, le plaisir d’explorer la ville est parti cueillir des fraises. Et ce ne sont pas ces mini-donjons que sont les nids de vampires qui vont vous redonner envie, ce ne sont que de simples couloirs vers du loot…

Mais il y a quand même un côté si apaisant lorsqu’on lance le jeu, le plaisir simple et limité de flinguer des trucs en faisant mentalement sa liste de course, de se vider l’esprit jusqu’à atteindre la plénitude. C’est une sensation étrange, pour laquelle je ne vous conseille pas de dépenser 70€ – ni même 15 – mais que vous pouvez découvrir si vous avez le GamePass de Microsoft.

Je pense que Redfall va être mon plaisir coupable de 2023, comme ces séries un poil trop agréables pour être nulles mais bien trop nanardesques pour avouer publiquement qu’on les regarde. Dans tous les cas, oubliez vite ce moment d’égarement d’Arkane et faites comme si Redfall n’existait pas. Ignorez le. Ce qui ne sera pas spécialement difficile.

Genre : FPS

Développeur : Arkane Austin

Editeur : Bethesda Softworks

Date de sortie : 2 Mai 2023

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...