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Early Access: Cantata

Cantata est développé par le studio Afterschool, et se présente comme un 4X au tour par tour et au visuel singulier en pixels colorés. Disponible par le programme d’accès anticipé de Steam pour environ 20€ depuis mai 2022, le jeu est proposé pour les systèmes à base de Windows, et tourne sur les PC équipés Linux grâce à la surcouche Proton que les amateurs de Manchots Libres connaissent certainement.

Après une démo intéressante bien que fortement limitée, des comparaisons à des jeux comme Advanced Wars, Civilizations ou encore le dernier 4X Dune ont commencé à poindre un peu partout.

Maintenant que le jeu offre une expérience complète et ajustée, que peut-on en dire ? Si vous arrêtez votre lecture ici, je réponds tout de suite : c’est une expérience unique, et insatisfaisante. Voilà, merci d’être passé. Pour les autres, ceux qui veulent des précisions, c’est maintenant.

On peut donc dire que le jeu offre une expérience ni complète ni ajustée. Je m’explique : dans sa version actuelle, ne sont jouables que trois cartes de campagne, chacune avec une faction différente, offrant environ 3 à 6 heures de jeu au total, sans compter évidemment les heures à rejouer éventuellement chaque campagne.

Une seule carte par scénario, toujours la même, avec toujours les mêmes évènements. Pas d’escarmouche, pas d’options pour des parties personnalisées, pas grand chose. Cet article ne peut donc être qu’un aperçu.

La linéarité de la campagne est frustrante. Par exemple le chapitre 2 exige d’explorer la région voisine, puis on découvre de l’infanterie ennemie, puis on doit l’éliminer, puis on doit nettoyer la région des envahisseurs, puis on doit construire le bâtiment Living Shrine, puis on doit poser un autre bâtiment pour créer un Healer qui est en fait le collecteur de ressources de cette faction, etc.

Tout cela, dans cet ordre uniquement. Le jeu ne donne pas accès aux bâtiments avoir d’avoir passé la première étape. Le jeu ne débloque pas la suite si on construit un autre bâtiment avant de construire celui demandé. De fait, rejouer la même mission pour tenter autre chose impose de refaire les même étapes encore et toujours.

C’est plus ou moins attendu pour une campagne d’introduction, sauf que le soucis de Cantata à l’heure de cet article, est qu’il ne propose que cela. Avec le reste de la campagne, et les escarmouches et les autres modes de jeu, l’ensemble devrait fortement gagner richesse et rejouabilité, mais quand ? Depuis trois mois les mises à jour n’ont touché qu’aux bugs et à l’ajustement de certains éléments.

Encore une fois, c’est attendu pour un jeu en accès anticipé, mais alors, pourquoi jouer aujourd’hui ? Le jeu n’est-t-il pas sorti trop tôt pour le grand public ? Cantata propose toutefois de quoi titiller l’envie et la curiosité.

L’aspect visuel est remarquable. Que l’on apprécie ou non, c’est un style singulier, et voir une capture d’écran du jeu ou une illustration d’un personnage marque les esprits et joue fortement en la faveur de l’identité de Cantata. Cependant une fois en jeu, la palette et le style en gros pixels tendent à la confusion et demandent un moment d’adaptation pour bien reconnaitre les unités et bâtiments notamment.

Les animations limitées et les rares effets spéciaux ne satisferont pas tout le monde. Personnellement, j’adhère tout à fait à l’esthétique générale et au risque pris par la direction artistique. Côté sonore, c’est également assez tranché mais on reste dans un domaine plus classique.

Les trois factions font des bruits d’humains, d’aliens et de machines. Le gameplay est un mélange de genres, un peu 4X, un peu chaine de production, un peu STR, au tour par tour, case par case, et honnêtement je ne vois pas un autre jeu vraiment comparable.

Chaque carte est divisée en plusieurs secteurs, un peu comme Dune: Spice Wars ou Northgard. On ne peut construire que dans un secteur que l’on contrôle, et seulement y placer un nombre limité de bâtiments. Pour capturer un secteur, la méthode varie selon les factions, tout en restant similaire : il faut augmenter la « pression » jusqu’à la capture.

Par exemple, une faction pose un drapeau spécial et gagne ainsi +5 Pression. Si le secteur appartient à une autre faction, celle qui a le plus de pression et dépasse un seuil, l’emporte. Par exemple si le seuil est à 10 et que l’adversaire exerce une pression de 5, il faudra placer 3 drapeaux. Un drapeau à +5 pour annuler le 5 adverse, puis deux drapeaux à +5 pour atteindre 10.

Une fois fait, le secteur change immédiatement de propriétaire, ce qui ne détruit pas les bâtiments éventuellement présents, mais les rend fragiles ou inactifs. Dans un territoire conquis, on va choisir quels bâtiments construire. Les factions diffèrent, mais des principes généraux restent applicables : collecteurs de ressources, raffineries des matières premières, casernes de production d’unités, défenses stationnaires.

Le nombre de bâtiments est limité par région : impossible de poser toute sa base dans une petit coin de la carte, il va falloir absolument explorer et s’étendre pour récupérer territoires et ressources, et donc affronter la concurrence afin de dominer la partie. Nous avons bien nos 4X, en anglais : eXplore, eXpand, eXploit, eXterminate aussi bien qu’en français : eXploration, eXpansion, eXploitation et eXtermination.

La faction humaine, présentée dans le premier chapitre comme The 111th Reign of Harmony and Prosper, domine en plaçant des drapeaux pour faire pression, puis exploite les ressources assez classiquement : une foreuse creuse sur les gisements de la carte, puis on achemine le minerai à une usine de pièces, qui vont dans une structure d’assemblage d’engins : armes, voitures, canons ou chars.

Toutes les trois factions ont un arbre de progression différent, tout en gardant les mêmes principes. Le chapitre 2 fait jouer la faction The People of Sun and Shadow, des aliens chasseurs mystiques écolo. Eux ont des esprits qui peuvent et doivent s’incarner dans d’autres unités, et la chaine de production dépend donc de ces fantômes.

Le troisième chapitre introduit les machines pensantes de The Unified Spirit, dont les drones peuvent se transformer en d’autres éléments, et aux chaines un peu plus complexes et entrecroisées.

Au tour par tour, on donne des ordres de construction aux différents bâtiments, ce qui consomme certes des ressources mais aussi de l’énergie et de la planète. Cette énergie s’utilise également pour forcer un déplacement. Par défaut, les unités (infanterie, véhicule…) on une valeur de mouvement propre, par exemple, 4 cases par tour.

En utilisant de l’énergie, certaines unités peuvent outrepasser cette limite, et se déplacer une seconde fois. Cependant, c’est coûteux, et on n’utilisera cette option que lors de mouvements décisifs, ou si l’on a rien à faire pour ce tour. Au combat, les unités tombent généralement en 1 à 3 tours.

En mêlée, à distance, avec ou sans riposte, avec ou sans zone d’effet, en ligne devant soit ou en croix sur 4 cases autour, Cantata puise des idées dans sa grille de placement et semble être assez tactique, bien qu’au final dans ce qui est proposé sur ces trois missions, on aura peu d’occasions de réellement l’exploiter.

La faction gagne des niveaux en cour de partie, et l’effet le plus visible est l’augmentation de la réserve d’énergie. On passe ainsi de 5 points à 10 points ou plus, selon la longueur de la mission. Sachant qu’une simple Surge (dépassement des points de mouvement) consomme 3 unités d’énergie, on voit vite l’intérêt de cette augmentation.

Pour conclure, je passe rapidement sur les bugs inhérents à ce type de projet (interface qui louche, unité qui clignote, mouvement qui saute…), qui sont et seront corrigés, pour souligner mon insatisfaction. Cantata pourrait être je pense excellent, mais il est bien trop tôt encore.

La RoadMap officiel annonce l’escarmouche pour « bientôt », avec un générateur de cartes et du multijoueur, le modding pour les unités, et des compétences passives pour certaines. Plus tard, les chapitres 4 à 6 étofferont la campagne, pour un final prévu de 9 chapîtres, soit je pense d’après ce qui existe déjà, 12 à 20 heures de jeu pour un novice.

Excellent, mais ça, c’est la RoadMap. La version du jeu à laquelle j’ai joué pour écrire cet article est beaucoup plus limitée. Sorti trop tôt, la communauté s’endort. Même pas 45 critiques chez Steam (88% positives), trois Hotfix qui n’ajustent chaque fois que quelques lignes de notes, et après un afflux massif de vidéos d’influenceurs la semaine de la sortie, plus rien.

Cantata doit donc faire ses preuves, et si le jeu devient ce qu’il pourrait être, alors ce sera réellement excellent. En attendant… attendons.


Genre : 4X au tour par tour

Développeur : Afterschool

Editeur : Modern Wolf

Plateforme : Steam

Prix : 19,99€

Date de sortie en Early Access : 12 mai 2022

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur