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Turrican Anthology: Volumes I & II

Alors que les joueurs commencent à délaisser les micro-ordinateurs pour se tourner vers les consoles 8-bits qui ont accueilli au cours des dernières années une multitude d’adaptations d’arcade (surtout du côté de Sega, qui a inscrit à son tableau de chasse de nombreux classiques des salles malfamées qui transforment nos chères têtes blondes en punks alcooliques fumeurs de Gitanes) et d’immenses classiques tels que Metroid (on y reviendra) ou Super Mario Bros, le développeur Manfred Mann décide de replacer l’église au centre du village et développe, dans son coin, ce qui deviendra à la fois un succès critique et public et un classique du genre. Turrican est né.

Oui, ça sent bon le micro-ordinateur de la fin des 80’s

Modestement, tout d’abord, sur le Commodore 64, machine qui tient plus du grille-pain que de la monstrueuse Megadrive de Sega qui s’apprête à débarquer sur le continent européen en septembre 1990, puis sur Amiga, Amstrad, ZX Spectrum (lui-même ancêtre putatif et monochrome du grille-pain susnommé) et Atari ST dans la foulée. Turrican, outre le fait d’être un jeu qui vous hait viscéralement et veut vous faire crever de toutes les manières possibles, est un mélange de run & gun et de jeu de plateforme qui s’inspire assez nettement de Metroid et de son héroïne Samus.

Ouaip, il y avait bien des cochonneries là-dedans.

Tout comme dans le hit de Nintendo, le scrolling est multidirectionnel, permettant au personnage tout de métal vêtu, de se balader librement de gauche à droite et de bas en haut tout au long de niveaux parsemés de bonus et de secrets (un peu), de pièges mortels (beaucoup) et d’ennemis (énormément) à la recherche d’une sortie, le tout sous la menace permanente d’un chrono vicelard. Comme les lecteurs les plus sagaces l’ont finement deviné, la fin du décompte entraine la mort du personnage. Bref, pas le temps de faire du tourisme si l’on veut sauver la galaxie.

Je passe sur le scénario à base de robot psychopathe voulant asservir la galaxie et réduire l’humanité en Corned-beef. Comme tout bon jeu d’action de l’époque, il est sans intérêt. Tout comme Samus (ou le récent Sonic) notre brave héros des temps modernes peut se rouler en boule, aussi bien pour se faufiler dans des passages étroits que pour botter des culs et prendre des noms (mais je crois que je m’égare). Si la faune est aussi hostile que le forum des halles en fin de soirée, notre héroïque boite de conserve dispose d’un arsenal assez conséquent pour faire régner la paix, l’amour et la justice dans l’univers.

Appelons-le Exterminatron 2000

Outre son fusil laser, il peut également compter sur un laser multidirectionnel à courte distance qui grille tout sur son passage. Les amateurs du shmup Raiden sauront de quoi je parle. Turrican peut également poser des mines et envoyer une onde de choc assez dévastatrice. Attention, le stock reste très limité.

Comme tout bon run & gun / shmup qui se respecte, il pourra également compter sur des upgrades qui amélioreront les capacités de son arme (triple tir, laser) et augmenteront de quelques minutes son espérance de vie. À partir de là, votre serviteur va devoir s’atteler à vous rappeler qu’il s’agit d’un jeu qui fête ses 30 ans et qui présente assez logiquement quelques menus défauts d’époque. Comme tous les précurseurs, Turrican a vu ses bonnes idées reprises et améliorées et ses défauts gommés par les jeux qui ont suivi.

Hop, RétroTuriccan

Le joueur qui le découvre en 2022 ne manquera pas d’être rebuté par ce scrolling mollasson qui fait que le personnage se trouve constamment collé aux bords de l’écran et, de facto, prêt à se prendre tous les tirs et ennemis vicieux qui déboulent sans prévenir. De la même manière, les sauts lunaires et les plateformes qui ne sont pas traversables risquent de tirer du joueur néophyte quelques grognements gutturaux plus ou moins aimables qui éloigneront rapidement tout public potentiel et assureront un espace de jeu dégagé.

Pour le reste, il n’échappera pas au joueur que le pixel art très coloré reste étonnamment plaisant 30 ans plus tard et que la musique signée Chris Hülsbeck, rien que ça, justifie à elle seule d’y rejouer. Sorti un an plus tard, en 1991, le second Turrican dénommé… ahem Turrican II, toujours avec Chris Hülsbeck à la bande son, reprend peu ou prou la recette du premier en améliorant toutefois le rendu des armes.

Décors plus chiadés, armes plus bourrines pour ce Turrican II

A noter cependant que le laser à 360 degrés voit son champ d’action étendu mais se contente désormais de figer brièvement les ennemis. Tristesse. Enfin, Turrican se prend désormais pour Super Mario et peut maintenant sauter sur les ennemis pour les étourdir puis les tuer. La prise de risque est minimale mais qu’importe, le jeu est toujours aussi beau, coloré et réussi. Mission accomplie.

Le troisième opus, sorti en 1993, réalisé par une nouvelle équipe sous la supervision de Factor 5, apporte quelques changements plus ou moins bienvenus à la formule. Le laser paralysant disparaît au profit d’un grappin tandis que les armes offensives sont désormais plus nombreuses et variées (tir triple, tir rebondissant etc.). Et, miraculeusement, le coup du scrolling à la bourre par rapport au personnage a enfin été rectifié ! Merci, messieurs les développeurs… Il n’est jamais trop tard.

Devinez où est la sortie

Développé à l’origine pour la Megadrive (c’est une première) puis adapté sur Amiga, Mega Turrican / Turrican III, désormais réalisé par le papa d’Apidiya X et du futur Mr Nutz, propose des niveaux plus resserrés et moins verticaux que des deux prédécesseurs. Le tempo du jeu se trouve également plus posé. Pour autant, cette saleté de chrono n’a pas disparu. Afin de limiter la casse, cette édition anniversaire propose d’accéder, en un instant, à une carte qui répertorie l’ensemble des lieux déjà visités.

J’avoue ne plus me souvenir si cela était déjà possible dans la version d’origine. Et là, on arrive au gros point noir d’une série de compilations par ailleurs très bien fichues : qui a pu penser qu’activer la carte avec un click sur le stick droit était une bonne idée ? Oui, le même stick droit qui sert au laser à courte distance orientable à 360 degrés et qui nous sauve généralement d’une mort aussi soudaine qu’atroce ?

Bon, là, j’ai cliqué involontairement. Game over.

Je résume, le joueur en panique arrose l’écran de son laser pour survivre et… Il clique malencontreusement sur le stick, ouvre la carte, referme la carte et… meurt. Voilà, voilà. Merci messieurs les développeurs. Maintenant, je hais ce jeu encore plus qu’il y a trente ans.

Coup de pot, c’est moins gênant dans Mega Turrican et Turrican 3 puisque la touche sert désormais au grappin (qui remplace donc le laser paralysant qui avait lui-même remplacé le laser super destructeur. Du côté des bons points, les deux compilations font le plein.

Ici, un shader CRT et scanlines pour un look plus old school

Entre la bonne restitution du son (essentielle pour cette série), l’émulation est de qualité et propose un bon paquet de réglages pour adapter l’expérience aux attentes de chacun : choix du format (pixel perfect, plein écran, format respecté), shaders, réglage des commandes (tiens, maintenant que j’y pense…), choix de l’arrière plan, activation des cheats, musique émulée ou au format CD, remasterisée ou non, etc.

Faut bien reconnaître que cette compilation est joliment présentée

Pour faciliter la vie du joueur moderne, Turrican Anthology propose des sauvegardes rapides et une fonction rembobinage. Côté bonus, la première compilation propose Turrican version Amiga, SNES et Megadrive, une version score attack sur Megadrive, une version director’s cut sur SNES, des jukebox, des pochettes et manuels d’origine (si, si, rappelez-vous : ces bouts d’arbres morts avec des artworks et des instructions), des succès etc.

La seconde compilation se concentre sur les différentes versions de Turrican III (Amiga) / MegaTurrican (Sega) Super Turrican II (Nintendo) et propose également une version score attack sur SNES et director’s cut sur Megadrive.

Logiquement, Turrican III Amiga et Mega Turrican Megadrive sont quasiment identiques tandis que le Super Turrican II de la Snes est un jeu complètement différent (aussi bien visuellement, notamment grâce au recours aux effets hardware propres à la machine, qu’en ce qui concerne le gameplay, plus rapide et proche du premier opus). Bref, comme souvent avec l’éditeur Strictly Limited Games, c’est du boulot sérieux et respectueux de la série.

Reste un point noir : le tarif.

Turrican 3 / Mega Turrican

Aussi bien conçues soient-elles, on ne peut que déplorer que l’éditeur ait choisi de scinder le contenu en deux compilations distinctes. Malgré toutes les versions (Amiga, Megadrive, Super Nintendo, score attack etc.) proposées, la série Turrican reste néanmoins assez limitée. S’agissant des versions, je ne peux que déplorer l’absence des adaptations Atari ST, PC, micro-ordinateurs 8 bits et consoles portables, qui auraient donné une valeur ajoutée réelle aux deux compilations (tout en devenant une usine à gaz en matière d’émulation). L’omission aurait été bien plus pardonnable sur une compilation unique vendue à un tarif attractif. Là, c’est une occasion manquée.

Turrican 3 version SNES

Cela dit et au delà de toutes considérations financières, les différents opus ont plutôt très bien vieilli et restent très agréables à jouer, même si certaines mécaniques de jeu peuvent aujourd’hui sembler un peu rudimentaires, voire désuètes. S’agissant de la plateforme à recommander, j’aurais tendance à opter pour la version Switch qui me semble être le support idéal pour de plus ou moins courtes sessions retrogaming.

Genre : Jeu de tir / Plateforme

Développeur : Factor 5 / Ratalaika Games

Editeur : Strictly Limited Games

Plateforme : Nintendo Switch / Sony Playstation

Prix : 34,99€ (chaque volume)

Date de sortie : Avril 2022

Test réalisé sur une version presse fournie par l’éditeur

 

 

Baalim

Vieux joueur, atariste convaincu, collectionneur de trucs bizarres et hétéroclites, geek à ses heures perdues, pratiquement certain de n’avoir rien signé et de ne pas être payé, il se demande encore ce qu’il fait là.