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The Republic’s Struggle

Les jeux d’histoire n’en finissent pas de nous faire voyager dans l’espace et le temps ! Après une virée à Gallipoli en 1915, nous voilà partis pour l’Espagne entre 1931 et 1936 avec The Republic’s Struggle, créé par Teo Alvarez dont c’est – si mes informations sont bonnes – la première création.

Edité par NAC Wargames, la branche dédiée aux wargames de la société espagnole Ediciones MasQueOca, The Republic’s Struggle est un card driven très largement inspiré par la référence absolue du genre, Twilight Struggle.

Est-ce un mal ? Non, bien au contraire tant le moteur est éprouvé et surtout parce qu’il permet de très vite trouver ses marques lorsque l’on joue aux différentes déclinaisons. Heureusement pour nous, The Republic’s Struggle n’est pas une simple adaptation sur un thème différent mais bel et bien un titre apportant de nouveaux mécanismes.

Sur une carte de l’Espagne divisée en sept fronts eux-mêmes divisés en régions, les deux joueurs vont s’affronter en jouant soit les Républicains (en rouge) soit les Nationalistes (en bleu) et prendre le contrôle des villes qui jouent ici le rôle des pays de Twilight Struggle.

Chaque ville peut être un lieu stratégique (ou pas) et contenir un centre de recrutement, une base navale ou une base aérienne (ou rien du tout). De manière tout à fait classique, il faudra avoir autant d’Influence que le nombre inscrit à côté du nom de la ville (dans le cadre vert ou rouge) pour en prendre le contrôle, sous certaines conditions mais nous y reviendrons.

Les joueurs gagnent des Points de Victoire lorsque des cartes de scoring sont jouées ou grâce aux événements inscrits sur les cartes. Si le premier à 20 points gagne automatiquement, il est possible de l’emporter en remplissant les conditions inscrites sur une carte unique propre à chaque joueur avant le 4ème tour (ce qui me semble difficile voire impossible mais sait-on jamais) ou si la piste European Status Quo arrive à zéro lors du tour de votre adversaire.

Si la condition de victoire avec la carte spéciale est originale, le reste ne surprendra guère les habitués du genre qui pourront se consacrer aux spécificités du titre, à commencer par les utilisations possibles pour chaque carte. Si les éternels points d’opérations, piste de relations diplomatiques (la course à l’espace de TS) et autres événements se passent de commentaires, avec toujours le petit côté vicieux de devoir jouer l’événement adverse si on utilise la carte pour les points, il y a deux icônes qui font leur apparition et qui méritent une petite présentation.

Chaque Front dispose d’une zone circulaire, le Battlefront, dans lequel les joueurs vont placer des Combattants. Ces Combattants servent à permettre la prise de contrôle politique dans toutes les villes où la popularité des joueurs est suffisante. Vous lisez bien, si vous n’avez pas de Combattant déployé sur le Front concerné, aucune ville ne peut passer sous votre contrôle, à moins que celle-ci ne soit un centre de recrutement.

C’est une couche stratégique supplémentaire à prendre en compte et qui permet de faire basculer un Front que l’on pensait verrouiller. Pour placer des Combattants, il faut utiliser une carte disposant, sous son nombre de points d’opérations, d’un petit cube à votre couleur. Vous pourrez placer, dans un Front où vous contrôlez un Centre de Recrutement, un Combattant et ses deux barrages routiers, qui servent à couper les connexions terrestres entre villes et de fait empêcher le joueur adverse de répandre son Influence.

Les joueurs vont donc non seulement se battre pour prendre possession des villes avec leur Influence, mais aussi des Battlefronts dont ils vont essayer de déloger l’adversaire. Et pour ce faire, deux solutions : soit utiliser une carte avec une petite bombe à sa couleur (située au même endroit que le cube du Combattant), soit déclencher un combat en jouant une carte de manière classique.

Attention cependant ! Si ces attaques permettent de faire grimper la piste des Actions Armées, comme dans Twilight Struggle, elles impactent aussi l’European Status Quo. Un bombardement ne faisant baisser ce dernier que d’un point par Combattant éliminé, combattre de manière classique le fera diminuer d’un point par territoire dont l’adversaire perd le contrôle. Souvenez-vous : pas de Combattant dans le Battlefront, pas de contrôle dans les différentes villes. Il faut donc faire attention afin de ne pas provoquer la fin de partie !

Les Combats, tout comme les actions de Propagande, visant à éliminer l’Influence de votre adversaire, se résolvent comme toujours via un lancer de dés auquel on ajoute divers facteurs comme la défense du tour ou les territoires contrôlés adjacents. Notons que la défense du tour est déterminée par la première carte jouée pour l’initiative : ses points d’opérations deviennent la défense et son événement est joué.

Les autres mécanismes de The Republic’s Struggle sont pour le reste très classiques, avec des événements interdisant ou nécessaires à la pose d’autres événements, restant pour une durée déterminée ou au contraire étant sortis du jeu une fois joués. Qui a déjà joué à un Card Driven sera à son aise.

Les cartes de scoring sont un peu plus originales, avec deux types : un pour les Fronts et un pour les bases militaires. On calcule à chaque fois si un joueur a au moins une ville/base contrôlée, s’il en a plus que l’adversaire (qu’elles soient stratégiques ou non) et s’il a la domination totale. Si un adversaire ne marque pas le moindre point, alors la carte n’est pas mise dans la défausse mais ajoutée au dernier deck. Ces derniers sont au nombre de 3 : le deck The Republic, joué du tour 1 au 4 , auquel on rajoute le deck In Arms au tour 5 pour enfin ajouter le deck In Ruins au tour 8.

Les événements uniques étant retirés au fur et à mesure de la partie, les joueurs ne se retrouveront heureusement pas avec un deck de 110 cartes à gérer. Si bien entendu ils arrivent au bout des dix tours maximum que peut proposer une partie de The Republic’s Struggle…

Maintenant que vous connaissez en gros les mécanismes de The Republic’s Struggle, laissez-moi me confier : j’aime ce jeu mais il m’exaspère au plus haut point. Pourquoi ? Parce qu’il a, derrière d’indéniables qualités, des défauts énervants que j’ai du mal à accepter.

Tout d’abord, la version anglaise. C’est très bien d’avoir une version bilingue espagnole-anglaise (il y a même un jeu de cartes dans chaque langue), mais pourquoi ne pas avoir fait d’efforts pour cette dernière ? Les règles sont extrêmement mal traduites et rendent certains concepts très confus, obligeant à sortir la version espagnole du livret pour essayer de la traduire et avoir la vraie règle. Exemple : dans la version anglaise, il n’est jamais précisé combien d’Influence enlever lorsqu’on réussit une action de propagande, ce qui est tout de même le point le plus important de l’action. Alors que c’est écrit en toutes lettres dans la version espagnole.

De même, certaines phrases sont tellement bizarrement construites qu’il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour comprendre quelque chose. On voit bien que la traduction n’a pas été faite par un professionnel, loin de là, ni même un natif. Une faute qui nécessitera une deuxième édition à coup sûr et qui est assez incompréhensible. Oserais-je vous parler du livret de jeu qui non seulement ne donne qu’un exemple de tour où les joueurs ne font aucune action spécifique, mais en plus ne décrit pas toutes les cartes et leurs effets ? Ou ces événements mal traduits qui inversent les camps ?

Tout aussi incompréhensible, le manque de réactivité de l’auteur et de l’éditeur sur BoardgameGeek. Il y a de nombreuses questions posées et personne ne daigne venir y répondre officiellement. On y apprend qu’un groupe Telegram est créé par l’auteur mais qu’il faudra parler la langue de Don Quichotte en plus d’avoir un compte actif. Un point à changer de toute urgence, les Grognards n’aimant guère être ignorés !

Autre point à considérer, même si ça n’est pas réellement un défaut : la carte. Elle est très dense avec un grand nombre de villes et régions que bien peu de gens en dehors de l’Espagne sauront situer. Il en résulte de très longs temps morts où les joueurs regardent leurs cartes en main, lisent les événements, cherchent frénétiquement où sont situés les villes nommées… Je suppose qu’au bout d’un moment des automatismes apparaissent, mais au départ cela rajoute un temps de jeu conséquent à un titre divisé en 10 tours pendant lesquels les joueurs jouent 7 cartes chacun… Inutile de vous dire que les 3h minimum annoncées sur la fiche sont vraiment le strict minimum.

The Republic’s Struggle est donc un jeu un peu trop long pour son bien, victime peut-être de ses bonnes idées et de son mélange d’actions guerrières et politiques. Il nécessite clairement deux joueurs motivés et expérimentés, surtout qu’il ne propose qu’un seul scénario et aucun Bot pour jouer en solo. Oui c’est étonnant de sortir un titre de nos jours sans cela et peut-être est-ce une piste à explorer pour la v2 : des scénarios courts, se jouant à chaque période et qui permettraient de découvrir chaque deck.

Vous devez vous dire que je me suis arrêté avant la conclusion pour aller brûler mon exemplaire mais pas du tout, bien au contraire. Parce que derrière ses défauts, qui sont facilement corrigeables avec une bonne grosse mise à jour, The Republic’s Struggle a beaucoup d’atouts pour lui. Le matériel est de qualité malgré la pauvreté de la traduction et le fait de pouvoir attaquer son adversaire sur deux fronts, militaire ou politique, oblige à ne jamais se considérer à l’abri.

Et bien entendu, comme dans tous les card drivens, les régions changent très vite de camp et nul n’est à l’abri d’une main foireuse mettant à mal une belle stratégie. Alors maintenant, traduisez moi correctement ce jeu et fournissez moi des scénarios plus courts monsieur Alvarez ! Que les amateurs de CDG aient la possibilité de découvrir l’histoire de votre pays et de s’essayer à cette sympathique production.

Auteur : Teo Álvarez

Artiste : Ruben Megido

Editeur : Ediciones MasQueOca, NAC Wargames

2 joueurs

de 180 à 340 minutes

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...