Twilight Struggle
Comment décrire un jeu peu accessible ? En manipulant le lectorat ? Je vais faire croire aux lecteurs de Dystopeek, habitués aux tests de Saavenger, que je leur présente un FPS qui se déroule pendant la 2ème GM dans la région de Valognes et qui se joue à l’échelle d’un peloton. Et ce serait roleplay, car justement il sera question de manipulation et de braingame dans le produit du jour, Twilight Struggle.
Ou alors, je peux prendre pour des adultes nos lecteurs : voici l’adaptation en Jeu Vidéo d’un jeu de société/stratégie qui figure au 5ème rang des meilleurs jeux toutes catégories du site référence en la matière, Boardgamegeek, après être resté longtemps en tête du classement.
La vengeance est une guerre qui se mange froide
Dans Twilight Struggle, vous serez le dirigeant d’un des deux pays leader de la période de la guerre froide, les USA ou la défunte URSS, entre 1945 et 1989. Vous simulerez la lutte pour l’influence politique sur des pays que vous tenterez de rallier à vos idées, et la gestion des conflits (je fous la merde si je veux Little John). La victoire s’obtient en accumulant des points. Pour les obtenir, il faut asseoir la domination de votre camp sur des pays.
A chaque manche, les 2 joueurs reçoivent des cartes : c’est le seul hasard qui régnera dans le jeu. Ces cartes symbolisent un dirigeant politique, un fait d’armes, un phénomène économique ou politique de la deuxième moitié du 20ème siècle. Des exemples : Fidel Castro, le Flower Power, la création de la CIA, l’élection du pape Jean-Paul 2, les sous-marins nucléaires, Kennedy, Gorbatchev, le plan Marshall… Chacune de ces cartes propose un événement qui favorise l’un des 2 camps… ou les 2. Vous pouvez donc avoir dans votre main une carte puissante de votre adversaire !
En jouant une de ses cartes, le joueur a le choix entre activer l’événement représenté et imposer au monde ses conséquences, ou bien utiliser la valeur en points de la carte (de 1 à 4) pour ajouter des points d’influence sur un pays. Avec assez de points d’influence, ce pays sera sous votre giron. Et au moment de l’évaluation d’une des 6 régions du monde, les points obtenus s’ajouteront à votre total.
Quoi ma struggle ?
On joue 10 manches maximum. Chacune représente une période historique avec des cartes respectant la chronologie (le blocus de Berlin a bien lieu à la bonne époque). Le premier joueur qui atteint 20 points d’avance gagne… ou alors celui qui contrôle l’Europe… ou qui fait monter la tension jusqu’à DEFCON 1 par l’autre, lançant ainsi la guerre atomique. Chaque coup d’état en effet augmente les risques de conflit généralisé en passant de DEFCON 5 (cool peace) à DEFCON 1 (War… war never changes).
Mais foin des règles, au delà de cet aperçu que vous complèterez si la curiosité ou l’envie vous envahissent comme la Russie en Ukraine.
Mais qu’est-ce qu’elle a ma struggle ?
Exigeant, Twilight Struggle l’est. Les règles et la construction de la stratégie demandent un certain nombre de parties avant de saisir ce que l’on est en train de faire. Mais ça vient ! J’ai vécu cet apprentissage délicat, jouant des parties au déroulement illisible, au décompte de points peu intuitif. Et c’est fini, je suis sorti du nuage, de ce stade de confusion qui pousse certains à abandonner ce jeu. Vous les casus. Pourquoi ce jeu s’impose à moi ? Quel plaisir peut-on trouver à poser des cartes avec des logos des années 60, ou des figures des livres d’Histoire en noir et blanc ? C’est « brain ».
En fonction de l’état des régions mondiales, des cartes déjà jouées, je tente de lire la stratégie de mon concurrent. De même, je joue pour dissimuler mon objectif : je vais jouer cette carte de score Afrique, mais renverser auparavant l’Angola pour maximiser mes points. Ou foutre la zone volontairement, passer à Defcon 2 pour l’empêcher de tenter des coups d’état sur les pays les plus influents. C’est un challenge intellectuel qui devient passionnant une fois que les mécanismes sont intégrés. Ce qui n’empêche pas de devoir jouer des coups désespérés pour sauver la situation, ou virer des cartes du jeu ! On ne contrôle pas tout. Un poker menteur stratégique s’installe. Après un début assez classique, le scénario est toujours différent et à un certain stade, chaque coup mène au cliffhanger. C’est un combat par cartes interposées, et c’est intense.
Le dessous des cartes
Twilight Struggle a la particularité d’être asymétrique, car même si un grand nombre de cartes ont des effets comparables pour l’Est et l’Ouest, des différences existent en termes de conséquences, de situation géographique etc. Changer de camp pour une partie oblige à jouer différemment. Les Rouges par exemple commencent à chaque manche.
C’est aussi pour moi le premier Card Driven Game : les cartes pilotent le jeu, en vous donnant le choix de jouer leur effet, ou d’utiliser leur force pour augmenter votre influence. Une partie complète de Twilight Struggle, c’est 10 époques, un peu plus de 70 cartes à poser, soit 70 choix entre souvent 4 ou 5 options (événement, influence, coup d’état, réalignement, course à l’espace). C’est riche.
Camarade, pousse ton bouton
Un aspect important : je joue à la version Steam (et Android du jeu). Elles me sont revenues à quelques euros en période de soldes. Le Twilight Struggle original, avec sa grosse boîte contenant les vraies cartes et ses marqueurs en carton, revient à une cinquantaine d’euros. Je ne l’achèterai sans doute jamais. En effet, la version numérique prend en charge le décompte des points, les calculs de score avant confirmation du coup, libérant ainsi l’esprit pour la stratégie. Sans compter l’aspect matériel de placement/retrait des marqueurs, déploiement du jeu, et « sauvegarde » de la partie. Le toucher des pions, des cartes, des marqueurs a son charme, c’est certain, mais ses contraintes aussi dans le cas d’un jeu au matériel conséquent.
Il faudrait également trouver dans mon entourage un partenaire amateur de ce jeu…
Je joue donc contre l’IA, et en ligne contre des adversaires humains inconnus mais aussi barjes que moi. Et stay tuned, car sous peu, Harvester figurera à mon tableau de chasse ! Pas Saavenger par contre, qui n’a pas compris l’absence d’un ironsight digne de ce nom pour un JV. Le jeu en asynchrone se passe mieux que je ne le pensais, une partie poussée dure environ une semaine, grâce à l’appli sur téléphone qui permet de prendre une minute pour jouer son coup quand c’est possible dans la journée, et qui se synchronise avec le jeu sur Steam via un comple Playdek à créer en 30 secondes..
L’IA est un compagnon de jeu qui joue assez rapidement, et permet de découvrir les cartes, leurs effets, les enchaînements intéressants ou foireux.
OK, ce jeu me procure actuellement une attraction peu raisonnable. 20 parties en moins de 2 mois. Du coup, pas le temps pour rédiger des articles…
Je m’y suis enfin mis et le jeu est à la hauteur de sa réputation : c’est touffu et chaque décision est lourde de conséquences. Faut qu’on y joue ensemble !
:bave: