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Salerno ’43

Aujourd’hui, je vais vous présenter Salerno ‘43 un jeu édité par GMT Games du vétéran Mark Simonitch et qui fait partie de sa série 194X de wargames purs et durs sur la seconde guerre mondiale. Salerno 43’ est un jeu à l’échelle opérationnelle sur le débarquement  des forces alliées en Italie au sud de Naples le 9 septembre 1943 : l’opération Avalanche.

Les forces alliées, sous le commandement du général Mark Clark, comprenant la 5e armée, la 82e aéroportée et le 10e corps britannique s’élancent sur les plages au sud de Salerno pour envahir l’Italie. Le jeu retrace donc le débarquement et l’avancée initiale des alliées de cet épisode. Sur le site, il est indiqué qu’il ferait partie d’une série de trois jeux retraçant la campagne d’Italie.

Le jeu vendu en boite n’est pas plus cher que certains jeux en magazine (38 euros), ce qui est plutôt sympa. Cela semble être à la mode en ce moment de faire des jeux « accessibles » et moins chers : mini BCS , mini Coin… Bon, on sait tous que c’est pour ensuite nous faire acheter les autres jeux de la série ! Et ça a marche, sur moi, en tout cas. Stratégie commerciale de la part de GMT mais ne boudons pas notre plaisir.

Alors, qu’est-ce qu’on trouve dans la boîte ? La qualité du matériel est au standard actuel de production GMT nécessaire pour attirer le chaland / gogo / pigeon / wargamer de base (cochez la case qui vous correspond). Commençons par les counters : 80 pour les Alliés et une cinquantaine pour les allemands donc faible densité de pions sur la map, ce qui renforce le côté accessible du jeu et c’est pourquoi il est mis en avant comme porte d’entrée pour commencer à jouer aux jeux de la série.

Les pions unités sont lisibles et fonctionnels, à part le numéro d’identification de la division de vos unités (qui est en tout petit mais en gras, effort de production non négligeable pour les vieux yeux de grognard). Vous en aurez besoin pour les combats !  Il y a aussi de nombreux pions administratifs pour rappeler les différents effets que peuvent subir les unités (disrupted, full retreat,1/2 effectif …) ainsi que les marqueurs pour les différentes pistes et tables.

Suivent deux fiches d’ordre de bataille pour chaque camp, 2 aides de jeu assez complètes et identiques, un pour chaque joueur donc, ce qui est bien pratique. La carte est assez petite – avec comme échelle un hexagone = 3,8 km – claire et se divise en trois panneaux au lieu de quatre habituellement, dont celui de gauche (la mer) est rempli par les différentes tables et pistes de jeu. Donc, en gros, on ne joue que sur 2 panneaux donc sur une demi-carte.

Tout est fait pour que le joueur se dise « wahou ! C’est cool, tous les éléments sont sur la carte, pas besoin de s’échiner à chercher dans les règles ». ce qui simplifie la jouabilité. Enfin presque… Il manque juste sur la carte, à mon goût, le coût des terrains sous les icônes des différents terrains présents sur la carte, pour aller jusqu’au bout de la démarche de facilitation (je sais, c’est laid comme mot). Sachez aussi que vous pouvez acheter la carte montée à part, pour un peu moins de la moitié du prix du jeu si vous préférez…

Et bien sûr que je l’ai achetée ! J’ai une raison valable de me l’être procurée : avec la carte montée, vous n’avez pas les petites montagnes de plis mal aplatis qui font bouger les pions si vous n’avez de plexiglas. Ça change tout ! Si, si, je vous assure ! Ça permet de rester concentré sur le gameplay au lieu de vérifier toutes les 5 secondes que les pions n’ont pas bougé (si vous ne le faisiez pas avant dorénavant vous ne pourrez pas ne pas y penser toutes les 5 secondes !).

Voilà pour le matériel, abordons maintenant le jeu en lui-même. Il comprend deux scénarios : « Avalanche » en huit tours et la campagne en vingt deux tours. Le premier est jouable en moins d’une journée – quatre à six heures je dirai – et dispose d’un ordre de bataille différent pour le jeu en tournoi. Pour gagner, le jouer Allié doit obtenir un certain nombre de PV à la fin de la partie en s’emparant de certains hexagones (des villes principalement) et en faisant sortir des unités par le nord de la carte.

A noter que la perte de certaines unités spéciales modifient le décompte des PV. Il existe aussi une condition de victoire immédiate à partir du tour 4 : si l’Allié possède 5 PV au dessus de ceux indiqués sur la piste de tours de jeu, il gagne automatiquement. Le joueur allemand gagne si les Alliés n’ont pas rempli leurs objectifs.

Les scénarios commencent par un tour de débarquement qui aurait pu se réduire à poser les unités sur les plages (ce qui est le cas en tournoi). Mais bon, là, ils ont rajouté une case dans la mer pour faire genre : let’s go, boys ! C’est gratuit, c’est fun et ça met dans l’ambiance. Ce premier tour a sa propre séquence de jeu, différente de celle du reste du jeu : le seul combat autorisé est celui de Salerno et les mouvements sont réduits pour les deux camps.

Les objectifs de ce premier tour sont, pour le joueur Allié, d’avancer le plus possible et de se positionner dans les passes au nord et de prendre Salerno, point névralgique de communication entre le nord(-est) et le centre de la carte, ce que les commandos anglais ont de grandes chances de réussir. Ensuite, le travail se complique pour les alliés…

Après ce premier tour, la séquence de jeu redevient classique et se divise comme suit : phase de météo, avec détermination des points d’aide navals et aériens et les points de ravitaillement pour activer les unités d’artillerie. Puis chaque joueur enchaîne avec la phase initiale (placement des renforts / rétablissement des unités abîmées (récupération d’un pas) et réactivation des unités d’artillerie utilisées le tour précédent), la phase de Mouvement puis de combat, la phase de récupération, puis la phase de ravitaillement pour vérifier les lignes de ravitaillement et de commandement pour l’isolation des unités. Vient enfin la phase de vérification de victoire automatique ou de fin de scénario.

L’Allemand joue en premier puis l’Américain, ils enchaînent les phases de jeu jusqu’à la fin. Au niveau stratégie, le script pour les Alliés est d’avancer pour se créer une voie vers le nord et/ou s’emparer des villes pour remporter un nombre de VP nécessaires. Pour l’Allemand, le but est de former une  ligne de défense pour contenir les progrès alliés. Les Allemands reçoivent beaucoup de renforts au début du jeu et doivent s’en servir pour empêcher les Alliés d’avancer, tandis que ces derniers reçoivent les leurs de façon assez régulière mais doivent les faire accoster ce qui coûte des landing points qui sont limités par tête de pont.

Je vais maintenant détailler quelques particularités et concepts du jeu qui me paraissent importants. En premier, le combat qui occupe 10 pages sur les 24 effectives de règles mais qui n’est pas si compliqué, il faut juste dérouler la séquence. Ses points importants sont la MAF : la Main Assault Force (le stack principal, en somme), qui doit être principalement composée d’unités de la même division plus une autre unité, soit d’une autre formation ou indépendante. Ses points de force sont comptés en entier, alors que s’il y a d’autres stacks qui attaquent la même cible, ils auont leurs facteurs d’attaque est divisé par deux. Il aurait dû l’appeler la Main Assault Formation ou Division pour une meilleure compréhension.

Autre point important, le tableau des effets du terrain sur les combats, car selon le terrain que l’on attaque, les facteurs d’attaque ou de défense sont modifiés. Par exemple, les villes permettent de multiplier par deux le facteur de défense, ce qui amène l’attaquant à réfléchir avant de foncer tête baissée ! Ensuite, les défenses déterminées et désespérées que le… défenseur, donc, peut utiliser pour annuler sa retraite (très énervant pour l’attaquant !). Puis le Breakthrough Combat si l’attaquant a obtenu d’avancer de deux hexagones minimum après le premier combat, il peut attaquer à nouveau un nouvel ennemi (pas forcément le même) à portée.

En dehors du combat, j’ai noté le stacking différent du stacking habituel : ici, chaque unité a un coût d’empilement noté de 0 à 3 points, le maximum d’empilement étant de six points. Il y a aussi une différence entre lignes de ravitaillement et de commandement : si la première est coupée, cela entraîne une diminution des capacités (indiquée par un marqueur OOS et non pas OSS) et ce n’est que si la deuxième est coupée que les unités risquent de perdre un pas définitivement. Était-ce vraiment nécessaire de les différencier ? Pas convaincu.

Pour finir, j’évoquerai les bond… ZOC bonds qui, ici, ne semblent pas aussi importants que dans les autres jeux de la série, compte tenu du relief très accidenté du terrain ne permettant pas de former une ligne de front étendue et donc ne nécessitant pas de former une ligne de défense en conséquence qui profiterait des fameuses ZOC bonds. Toutes ces règles permettant de renforcer la simulation notamment lors des des combats.

J’aborde maintenant le point qui fâche pour moi : le livret de règles ! Il est très joli, bien illustré, la mise en page est bien faite mais il ne suit pas la séquence de jeu. Au début je ne comprenais pourquoi je n’arrivais pas à accrocher à sa lecture : en fait, c’est simplement à cause de ça ! Comment ça, je suis névrosé ? C’est toi qui clippes tes 12 000 pions du dernier jeu de MMP qui me dis ça ?

Par exemple alors que la Sequence of Play est expliquée en page 3 et que le premier truc à faire est de tirer 1D6 pour la météo, il te renvoie à l’item 22 en page 21 ! Euh pourquoi ? Et c’est comme ça pour tout ! La séquence de débarquement du tour 1 ! page 22 aussi… TOUR 1 : PAGE 22 ! Idem pour la phase de recovery (récupération) expliquée au milieu de la séquence de combat …  Alors qu’elle a lieu après le combat dans SOP ! Tout est dans le désordre ! (Kevin le stagiaire a encore frappé !). Je ne sais pas ce que les proofreader ont proofreadé : tout sauf ce qui saute aux yeux…

C’est quand même évident que ça simplifie l’apprentissage quand ça suit la séquence de jeu, comme lorsque tu apprends un cours, ton cerveau retient mieux si c’est dans l’ordre ! Là, ça demande une certaine gymnastique intellectuelle pour tout remettre dans l’ordre ! C’est fatiguant et très désagréable, surtout après une journée de travail ! J’ajouterai que la rédaction mériterait d’être plus synthétique aussi parfois.De toute façon, comme je l’ai pris en grippe, je ne vois plus que les défauts. Ça ne me donne pas envie d’acheter les autres (bon ok, j’ai un pote qui les a tous !) (NdHarvester : je ne vois pas de qui tu parles !). J’ai hâte de feuilleter les livrets de règles des autres jeux de la série !

Pour conclure, Salerno’ 43 est quand même un bon wargame à l’échelle du bataillon/régiment classique avec une faible densité de pions, de complexité moyenne avec ses 24 pages de règles sans compter les notes du designer. J’ai pris beaucoup de plaisir à y jouer : les deux camps sont engagés dès le tour 1 et vont devoir batailler dur pour chaque mètre carré de terrain ! Il est présenté comme un jeu plus accessible pour commencer la série : au vu du faible encombrement sur la carte, je dirai que oui. Son seul défaut majeur est le livret de règles qui n’est pas au top. Ce n’est pas insurmontable mais ça demande un investissement en temps et unité de cerveau. En espérant que GMT fasse mieux pour les prochains opus.

Auteur : Mark Simonitch

Dévelopeur : Christian Diedler

Artiste : Mark Simonitch

Editeur : GMT Games

Date de sortie : 2022

De un à deux joueurs

De 180 à 600 minutes

Mitchpuru

Revenu au wargame et aux jeux de plateau en général à l'occasion de la pandémie mondiale. J'ai retrouvé les cartes avec des hexagones et les symboles NATO avec plaisir. J'apprécie le mélange de graphisme et de réflexion qu'apportent les jeux ainsi que les ascenseurs émotionnels que peuvent procurer les jets de dés.