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Labyrinth: The War on Terror, 2001 – ?

Publié pour la première fois en 2010, Labyrinth: The War on Terror, 2001 – ? est un card driven édité par GMT Games et dont l’auteur, Volko Ruhnke, n’avait à l’époque qu’une seule création à son actif, Wilderness War. Gene Billingsley, le patron de GMT Games, lui ayant commandé un jeu sur la lutte contre l’extrémisme, voici notre auteur parti pour mettre à profit son expérience d’analyste à la CIA en prenant pour base Twilight Struggle, encore et toujours lui.

Au programme, un jeu où les joueurs vont incarner les Etats-Unis et les Djihadistes avec des conditions de victoire très différentes. Pour l’Américain, il s’agit de faire passer un certain nombre de pays vers une gouvernance qui leur est favorable ou de se débarrasser des Djihadistes, tandis que pour ces derniers il va falloir soit faire passer sous la Loi Islamique plusieurs pays (avec moultes conditions bien entendu) ou commettre un attentat aux USA avec une arme de destruction massive (WMD).

Pour ce faire, chaque joueur va jouer à son tour non pas une mais deux cartes de sa main. Vous avez l’habitude maintenant, soit la carte sera jouée pour sa valeur en points d’opération, soit c’est son événement qui sera choisi. Dans le premier cas et comme toujours, si l’événement est favorable à l’adversaire il faudra obligatoirement le jouer.

Camps asymétriques oblige, les actions possibles seront très différentes. Le Djihadiste va pouvoir Recruter des Cellules (qui lui permettront de fomenter des attentats ou de prendre le contrôle politique du pays), Déplacer ses Cellules d’un pays à l’autre, Comploter pour diminuer le prestige américain en préparant des attentats et enfin faire un Jihad, majeur ou non, pour faire basculer la gouvernance du pays vers la Loi Islamique.

L’Américain va quant à lui faire des Guerres des Idées pour améliorer la gouvernance ou l’alignement des pays ciblés, faire des Démantèlements – c’est-à-dire chasser des Cellules si elles sont actives ou les révéler si elles étaient dormantes – mais aussi Déployer des troupes dans les pays alliés, faire un Repli si vous désirez les rapatrier (selon certaines conditions), tenter un Changement de Régime, c’est-à-dire intervenir dans un pays sous la Loi Islamique et enfin faire un Changement de Posture.

La Posture est un élément clé de Labyrinth, tout comme le Prestige américain. Il est possible pour l’Américain d’être en Hard ou Soft power, tout comme chaque pays non musulman aussi et c’est cette tendance qu’on appelle les Global War On Terror (GWOT) Relations, qui influent sur les Guerres des Idées. En effet, si vous allez à l’encontre de la mouvance mondiale, vous subirez des pénalités, tout comme si votre Prestige est bas, lorsque vous tenterez d’influer sur la Gouvernance et l’Alignement.

Tous ces concepts peuvent sembler assez difficiles à cerner et je vous rassure, ils le… sont. En effet, même si les règles de Labyrinth ne font qu’une petite douzaine de pages et semblent très claires – sûrement parce qu’elles le sont – il m’a fallu plusieurs parties contre le Bot pour commencer à comprendre comment tous ces concepts s’imbriquaient. Au point de me dire que le jeu n’était pas fait pour moi car je n’arrivais jamais à trouver par quel bout commencer. Et je ne vous parle même pas de gagner une partie…

Fort heureusement, à force de parties – et de défaites – les choses se mettent peu à peu en place. Pour l’Américain, le camp le plus simple à jouer en solo grâce à la présence d’un Bot, il faut non seulement surveiller le Djihadiste et contre-carrer ses plans, mais aussi savoir quand changer de posture et quand déployer ou retirer ses troupes.

Si la recherche de la destruction totale de l’ennemi est bien entendu un des premiers réflexes que le joueur américain peut avoir, il se rendra vite compte que ce sera loin d’être simple et que négliger la politique est suicidaire. S’assurer que le GWOT vous est favorable est indispensable, tout comme s’appliquer à garder un Prestige élevé.

De même, s’il faut profiter à fond de sa posture, il ne faut pas oublier qu’un simple jet de dés peut tout faire basculer et que le sacrifice (2 cartes à 3 points d’opérations) à faire pour revenir dans la configuration initiale est conséquent. Le joueur américain est donc constamment aux aguets, jouant à whac-a-mole avec les Cellules émergeant ici et là, toujours sur la brèche.

Le joueur Djihadiste n’a pas pour autant le rôle facile. Il doit savoir gérer ses fonds, qui lui permettront de se déployer, et s’infiltrer un peu partout en sachant quand et où frapper, pour que le prix à payer pour l’Américain soit trop élevé ou contraignant pour être contré. C’est en apparence plus simple mais comme on s’aperçoit très vite avec Labyrinth, cela ne manque pas de profondeur.

C’est d’ailleurs la force de Labyrinth. Derrière des règles simples, il y a un truc extrêmement complexe et difficile à appréhender. La gestion du Prestige pour l’Américain (et la nécessité pour le Djihadiste de le malmener), la gestion des troupes et des Cellules – dont on veut limiter le déploiement pour les premières et favoriser la dispersion pour les deuxièmes – ou encore du GWOT, il faut réfléchir sur plusieurs niveaux.

Mais encore et surtout, il faut toujours planifier à l’avance les actions contre la Gouvernance et la Posture car elles sont le nerf de la guerre pour le joueur américain et l’investissement pour les faire changer peut s’avérer conséquent si les dés ne sont pas favorables.

Labyrinth en étant à sa 5ème édition, inutile de vous dire que les règles sont parfaitement écrites et que plus aucune ambiguïté ne subsiste sur les 120 cartes que comporte le jeu. Comme quoi, cela a parfois du bon d’attendre avant d’acheter un jeu…

Autre avantage, deux extensions sont sorties : The Awakening et the Forever War, avec une autre en P500, the Rise of Al-Qaeda. The Awakening permet de prolonger jusqu’en 2015 et rajoute 120 cartes couvrant le Printemps Arabe et son lot de guerres civiles. Forever War semble quant à elle plus dispensable et nécessite de plus The Awakening. Je n’ai pas eu la possibilité de l’essayer mais crois sans peine Krev, grand fan du jeu.

Labyrinth est donc une surprise pour moi. Une bonne surprise, car le jeu est passionnant et nécessite une réflexion intense, mais aussi une surprise un peu moins bonne (je ne vais pas aller jusqu’à dire mauvaise, ce serait criminel) devant sa courbe d’apprentissage. Je pensais l’aimer inconditionnellement, en grand fan de card driven games (CDG) que je suis. Mais il y a une hésitation à chaque fois que j’ai envie de mettre un jeu sur la table.

Due au fait que je sais que les 3 heures qui suivront ne seront pas fluides, car non seulement j’ai toujours cette appréhension de rater un point de règles mais aussi et surtout il m’est encore difficile de dégager une stratégie viable quand je suis avec mes cartes en main, fixant le plateau d’un air désemparé. Ce manque d’accessibilité pour les nouveaux joueurs (à l’inverse par exemple de Republic’s Struggle) rend les premières parties assez difficiles, surtout quand un de vos partenaires de jeu s’appelle Faxo et se roule en boule en sanglotant quand vous lui montrez un CDG…

Il reste fort heureusement la solution du jeu en solo, qui est agréable grâce à un bot facile à jouer, ou l’achat du jeu sur Steam (dont sont tirées les captures), qui vous permettra de trouver une partie en quelques clics. C’est d’ailleurs la solution la plus raisonnable si vous êtes intrigués par le jeu mais se savez pas s’il est pour vous… C’est d’ailleurs comme ça que je vais conclure cet article qui fut aussi difficile à écrire que d’apprendre à jouer à Labyrinth : faites-vous votre propre avis, je suis incapable de trancher. Je l’aime, mais il ne me le rend pas…

Auteur : Volko Ruhnke

Artistes : Donal Hegarty, Rodger B. MacGowan, Leland Myrick, Volko Ruhnke, Mark Simonitch

Editeur : GMT Games

1 – 2 joueurs

180 minutes

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...