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Super Mario Maker 2 – Un outil qui casse des briques pour te rendre marteau

Après le carton de Super Mario Maker et l’absence remarquée de nouvel épisode 2D canonique des frangins moustachus (depuis 7 ans maintenant), il fallait se rendre à l’évidence : la licence de plateforme traditionnelle Super Mario Bros. est arrivée à son pinacle avec la mise au point de cet outil communautaire. J’ai arpenté les créations de créateurs en herbe plus ou moins talentueux. J’ai tâtonné dans une collection de niveaux tous plus pétés les uns que les autres, toujours à la recherche d’une pépite. Un trésor d’inventivité ou un éclat de génie comme seul Nintendo EAD en est capable. Ma quête d’alors était loin de s’avérer vaine, encore fallait il parvenir à séparer le bon grain de l’ivraie.

Autant poser le contexte tout de suite : je piaffais d’impatience à l’idée de mettre cette fois le nez dans la création ludique, ayant personnellement tenté d’aiguiser mes notions de game design ces quatre dernières années. Cette fois j’ambitionnais de dépasser ma condition de simple joueur, pour m’atteler à la confection minutieuse de niveaux que j’estimerais à la hauteur.

Super Mario Maker 2 était l’un des jeux que j’attendais le plus pour 2019, tout simplement.

Pourquoi remettre la main à la poche lorsque l’on a d’ores et déjà écumé les internets grâce à la première incursion du plombier italien dans le DIY ? Je pourrais m’aventurer dans un inventaire à la Prévert des nouveautés que toi lecteur averti trouverais probablement rébarbatif, alors je m’abstiendrai en éludant rapidement la question : les ajouts sont nombreux (en tout cas par rapport à la build sur laquelle je décidais de remiser l’original dans son boîtier) et décuplent les possibilités. Pentes, interrupteurs, niveau de fluides variable, scrolling forcé, plateformes mouvantes et banque d’effets sauront titiller la créativité des wannabes level designers. Et si les quatre skins ne vous suffisaient pas (Super Mario Bros 1 & 3, Super Mario World et New Super Mario Bros), vous pouvez désormais compter sur Super Mario 3D World et ses assets 2D complètement différents, d’ailleurs incompatibles avec les 4 autres versions. Une belle générosité en terme de nouveautés, histoire de relancer la bétonnière de plus belle. Au pool d’outils mis à disposition actuellement, nous pouvons nous attendre à de nombreux ajouts, ce qui semble être la politique éditoriale du géant nippon depuis quelques années. Gageons que le parc de consoles vendues assurera à SMM2 un suivi digne de son prédécesseur.

Un petit Nintendo Direct vaut parfois mieux qu’un long discours…

Mais quand même, il faut bien avouer qu’ouvrir le mode création pour la première fois a un côté excessivement intimidant, même pour un joueur chevronné. Parce que s’il est aisé de proposer un niveau bas du front bourré d’ennemis vindicatifs, de couloirs de deux blocs de hauteur ou de phases de plateformes indigentes, développer sa sensibilité au level design et aux principes fondamentaux des niveaux d’un Mario 2D requiert une tonne d’itérations. Du travail. Car Super Mario Maker c’est avant tout appliquer religieusement le mantra de l’apprentissage par la pratique. Se rendre compte avec stupeur que les choses que nous considérions hier comme naturelles découlent en fait d’un artifice méticuleux, imperceptible. Apprendre que la gestion du pacing est un art, au même titre que la gestion de la concentration et de l’attention du joueur. La récompense sera toujours la même : celle de l’atteinte du sacro-saint état de flow… ou pour commencer de la reconnaissances de nos pairs, à force de likes et de gentils commentaires. Car cette reconnaissance sera le carburant inépuisable pour le Sisyphe bienheureux, poussant jusqu’aux sommets du level design sa roue de Deming.

Pour décrisper les plus rétifs, le jeu propose un accompagnement total, mais heureusement complètement facultatif. D’abord une palanquée de tutos rigolos cachés dans un sous-menu qui mériterait une franche mise en avant. Il s’agira ici d’appréhender la manipulation de l’outil pour que l’ergonomie ne laisse personne sur le carreau et que tout le monde puisse se retrousser les manches sans être entravé par une UX qui au demeurant est très bien conçue.

Ensuite la grosse plus value : un mode solo, puisqu’une démonstration par l’exemple vaut toujours mieux qu’un long discours. Justifié par un bout de scénario prétexte rapidement expédié, ce mode propose des niveaux thématiques illustrant les possibilités offertes par l’outil. Les idées fusent et contaminent rapidement le joueur. Difficile de dissimuler mes petits couinements réjouis devant les trouvailles des ingénieux artisans d’EAD. Je m’attendais à un petit mode bien classique, j’en suis ressorti avec la conviction d’avoir joué aux niveaux canoniques les plus originaux de la série. Il semblerait que l’esprit Mario Maker ait contaminé les développeurs, qui s’en sont donné ici à cœur joie.

Les plus conservateurs devront quant à eux trouver refuge sur les opus précédents, dont l’excellent mais mésestimé Super Mario Bros U Deluxe. Nul doute qu’ils parviendront à trouver matière à remodeler leurs aventures préférées. Et c’est justement en replongeant tête la première dans ces aventures passées que l’on comprend la puissance didactique de l’expérience. On saisit à la volée certains des partis pris de design, on s’émerveille devant la disposition des plateformes et des objets. On se met à parler le level design et le game design, comme une véritable langue, ni plus, ni moins. Sous une apparence dépouillée tout à fait studieuse, les bouillonnements créatifs se marient dans un équilibre parfait. Un équilibre parfait, et fécond. Fort d’une carrière de plus de trente ans, le plombier moustachu a beaucoup à nous apprendre.

Difficile de ne pas complexer et s’extasier devant la créativité d’une communauté qui n’a eu de cesse d’expérimenter sur le premier volet. Les premiers résultats sont déjà impressionnants, qu’il s’agisse de re-créer une partie de Pong, construire de véritables puzzles tarabiscotés, des challenges de plateformes courts, ardus mais jouissifs ou proposer des architectures folles flirtant avec les règles cachées de l’éditeur comme sa gestion de la RNG ou des adresses mémoires, pour des résultats toujours plus surprenants.

Rien ne semble pouvoir se mettre en travers du rouleau compresseur de l’été, Dystopeek vous aura prévenu. Twitch, Twitter et Youtube connaissent déjà une avalanche de contenus, publiés dans une euphorie générale qui rendrait presque foi en l’humanité. Je vous propose un florilège de contenus en bas de cet article si vous êtes curieux et que vous vous dite que j’en fais des caisses.

Finalement, la véritable perte vis-à-vis de son prédécesseur sur la regrettée Wii U, c’est une UX quelque peu écornée. Car une fois la manette engoncée dans les paluches, une lutte sans merci contre l’ergonomie du bouzin s’entame. Heureusement l’animal est aussi féroce qu’un Goomba et s’avérera domptable après quelques laborieuses minutes d’adaptation. On préférera alors la maniabilité hybride en mode portable avec un mix joystick / stylet, pour un confort optimal, perdant de facto le potentiel d’une projection-atelier sur un écran de bonne taille. Une utilisation qui ne m’avait même pas effleurée lorsque j’effeuillais rapidement Super Mario Maker il y a quelques années. Et il serait franchement idiot de ne pas profiter du côté fédérateur de l’expérience ludique partagée. Les idées fusent et les éléments s’assemblent sous la supervision d’un contremaître bienveillant, qui se fera un plaisir de se retrousser les manches pour prêter main forte dans la construction en attrapant une seconde manette ou tout simplement officier en tant que beta testeur.

L’été est bien arrivé, alors mettez-vous à l’ombre, hydratez-vous et emmenez Super Mario Maker 2, parce que des fois ça fait du bien de lâcher le PC et de vivre le jeu différemment.

Alors mes amis consolistes, je vous enjoins à laisser en commentaires vos niveaux tous pétés en bas de cet article, que je ne me gênerai pas de mettre à jour au fil de mes créations. Bon été à toutes et tous !

Pour approfondir le sujet :

  • Deux excellentes vidéos de Mark Brown disséquant le level design des jeux Mario :
  • La chaîne Ceave Gaming, quasiment intégralement dévolue à Super Mario Maker (1 & 2). Il y approfondit énormément de concept comme la gestion de la RNG, des adresses mémoire, les glitches du moteur, l’algorithme de recommandation des niveaux… Indispensable pour allez plus loin.
  • Une playlist du très sympathique At0mium, toujours sur Youtube, avec du let’s play, mais surtout la présentation de certains de ses niveaux, aussi bon à parcourir qu’intéressants à comprendre.
  • Mes niveaux, si le cœur vous en dit :

Super Mario Maker 2

Support : Nintendo Switch

Développeur : Nintendo EAD (et vous)

Éditeur : Nintendo

Sortie française : 28 Juin 2019