L’Armée de l’Ombre
Cela faisait un moment que je lorgnais sur cette série et l’édition spéciale regroupant tous les tomes sortis fut une excellente raison de craquer. Enfin, de me la faire offrir (merci ma chérie !). Pourquoi cet intérêt ? Parce que je m’intéresse beaucoup à la Deuxième Guerre Mondiale, d’une part et d’autre part, le fait que L’Armée de l’Ombre soit centré sur des soldats de la Wehrmacht et non des SAS ou autres GIs habituels sortait des sentiers battus.
Me voilà donc confortablement installé, l’épais ouvrage en main, pour suivre les aventures d’Ernst Kessler, fraîchement engagé dans l’armée de Terre allemande et venant juste de finir ses classes. Sa première affectation ? Un régiment d’infanterie combattant à Stalingrad. Oui, pas la meilleure affectation du monde (mais il a quand même du bol, il aurait pu se retrouver en garnison à Laval) mais le moral est haut, la Wehrmacht roule sur les Russes et la guerre sera bientôt finie, c’est l’Etat-Major qui le dit.
Le voilà donc parti avec ses camarades, en train puis à pied à travers l’immensité russe, découvrant par la même occasion le terrible hiver qui y sévit et les attaques de partisans. A mi-chemin, la terrible nouvelle tombe : Stalingrad est tombée, Paulus s’est rendu ! Voilà nos camarades réaffectés, ballotés ici et là au gré des attaques et contre-attaques, souffrant du froid et découvrant l’horreur de la guerre. Je vous laisse le plaisir de découvrir tous les détails mais sachez que l’auteur a collé à la réalité historique.
Ce qui fait la grande force de l’Armée de l’Ombre, mis à part cette véracité historique (pour qui la recherche bien entendu), c’est son côté documentaire : les protagonistes ne sont pas des héros massacrant des milliers de Russes à eux seuls, ils souffrent, ont des opinions divergentes quant à la conduite de la guerre et ne réagissent pas tous de la même manière aux atrocités auxquelles ils assistent. La relation entre le capitaine Wagner, le Feldwebel Hartmann et leurs hommes est elle aussi très intéressante, on voit que la discipline a parfois ses limites et que la gestion de l’humain n’est pas toujours évidente. Rien n’est d’ailleurs épargné, l’auteur n’hésitant pas à faire intervenir les Einsatzkommandos qui ont tant terni la réputation de la Heer.
Poignante, extrêmement bien dessinée (mention spéciale aux chars qui sont criants de réalisme), l’Armée de l’Ombre est une œuvre haletante et dense qui ne laisse pas indifférent. Certes le camp choisi est celui des « méchants », mais on s’aperçoit très vite que ces soldats n’étaient que des pauvres gars combattant pour leur pays, trop concentrés sur leur survie au quotidien pour se poser les questions que nous nous posons plusieurs dizaines d’années après, bien confortablement installés dans notre canapé. La fin de l’œuvre est d’ailleurs dramatique, avec l’avancée inexorable de l’Armée Rouge et la prise de conscience que tout est perdu et qu’un choix s’offre à eux : combattre jusqu’au bout ou fuir à l’ouest… Quant au final venant conclure cette BD magistrale, il reflète parfaitement l’horreur de cette terrible époque.
Olivier Speltens, qui s’est chargé du scénario et du dessin, vient de passer directement dans mes auteurs à absolument suivre avec l’Armée de l’Ombre. Intelligemment menée, l’histoire narrée ne juge pas ces hommes mais conte leur périple, sans fioriture, évitant l’écueil de la polémique. Une prouesse admirable ! Et cerise sur le gâteau, le monsieur vient de lancer une série dédiée à l’Afrika Korps. Autant vous dire que ce coup-ci je n’ai pas attendu pour me jeter dessus…
Dessin : Speltens, Olivier
Couleurs : Speltens, Olivier
Editeur : Paquet
ISBN : 978-2-88890-869-2
Planches :192