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Res Arcana

Au commencement il n’y avait rien. Pour tout vous dire, on se faisait même un peu chier.

Alors un obscur dieu, d’une cosmogonie non moins obscure, décida de créer 4 essences fondamentales. Puis, constatant que cela manquait de bling-bling, il ajouta de l’or, parce que pourquoi pas.

Après avoir fait mumuse avec tout ça, il se rendit compte que malgré cette création, on se faisait toujours chier dans le grand néant, alors il créa tout ce qu’il y a autour. Des galaxies entières, des merveilles naturelles splendides et une variété infinie de formes de vie. Mais, des millions d’années plus tard, cette déité se faisait toujours royalement chier. Comme ultime tentative de divertissement, il créa la Terre, et la peupla de la forme de vie la plus conne qu’il n’ait jamais créée : l’humain. À la fois belliqueux, idiot, lâche et égocentrique, l’humain était sa plus belle création. Sa plus belle création jusqu’à ce qu’il ait la brillante idée d’organiser un formidable, n’ayons pas peur des mots, concours de zeub alchimique.

Les humains les moins incompétents furent triés sur le volet, afin d’offrir un spectacle distrayant à cette divinité incroyablement maussade. Ô joie, vous êtes l’un de ces heureux élus !

De deux à quatre joueurs s’opposent. Chacun a une personnalité bien trempée et un domaine d’expertise qui se matérialisent au travers de capacités décrites sur votre mignonne petite carte de personnage. Puis chacun récupère une poignée d’artéfacts aléatoires, un objet magique pour booster ses capacités fort limitées et, on n’est pas des rats, une essence de chaque type.

Le but de cette joute, si je puis m’exprimer ainsi, c’est de se la péter et de scorer un max en mode Jean-Michel Grocervo. Encore une fois, on retrouve une mécanique aussi artificielle que très commode : si l’un des joueurs atteint dix petits points de victoire, la partie prend fin et on sort le double décimètre, ou le pied à coulisse, c’est selon.

Personnages, artéfacts, lieux de puissance, monuments et objets magiques

Dans votre main : 3 artefacts à fabriquer. Devant vous : lieux de puissance et monuments à construire. Dans votre tête : un joyeux bordel causé par des myriades de possibilités. Car ces modestes débuts sont aussi capitaux que les derniers tours, il va s’agir de mettre sur pied une stratégie. Chaque construction achevée à la sueur de votre front étoffe le panel de vos actions, ouvrant toujours plus vos horizons si fermés au premier abord. Puis les synergies vous sautent au visage, la mécanique se met en branle, la partie peut démarrer.

Le renouvellement des parties repose sur un bon nombre de cartes très différentes. Ici des artéfacts qui constitueront votre pioche.

D’abord la phase de récolte, où les plus veinards peuvent moissonner la banque et mendier quelques ressources en vue d’investir.

Puis, en plusieurs tours de table, les mages se succèdent, réalisant, une action permise par les cartes posées dans leurs espaces de jeu. Sauf indication contraire, il ne pourra plus réitérer cet usage avant la prochaine manche. Quand le coût d’achat de la carte que vous aviez en vue est compatible avec vos modestes économies, il est temps d’enrichir votre espace de jeu et le spectre des possibles. Puis, chemin faisant, les possibilités s’épuisent, un premier joueur abandonne sa capacité d’agir, récupérant le jeton qui lui permettra de débuter prochainement, puis suit impatiemment les tours de tables suivant, heureusement très rapides si vous n’avez pas invité votre collègue de la compta qui met sa p*****n de vie pour déchiffrer les pictogrammes pourtant évocateurs. Quel con celui-là, c’est la dernière fois que vous l’invitez.

Chaque joueur mettant fin à son tour de jeu renouvelle son objet magique, garantissant un léger renouvellement au fil des manches, puis pioche un artéfact supplémentaire.

Puis rebelotte jusqu’à ce que l’un d’entre vous, goguenard et visiblement mauvais gagnant, annonce avec un rictus de délectation avoir présentement atteint les dix points de victoire. Parfois rapidement effacé par les prochains tours de table qui sacreront un autre joueur à sa place, à grand renfort d’effets dramatiques inattendus.

Rapidement, votre table de jeu devrait ressembler à ça !

Cette description clinique du coeur de jeu de Res Arcana ne lui rend peut-être pas suffisamment grâce à vos yeux. Et pourtant sachez qu’il s’agit de mon grand rendez-vous manqué de 2019. Rentrant de Cannes, je pensais que mes plus grosses lacunes étaient d’avoir manqué Medjes et m’être découragé de faire la queue pendant cinq heures pour poser mes fesses devant le plateau de l’Ile aux Trésors. En fait non, ma plus grosse lacune c’était d’être complètement passé à côté de Res Arcana, et de m’en rendre compte une fois la dernière boîte de France et de Navarre vendue à prix décent.

Car ce petit jeu voyez-vous, sous ses atours plutôt flatteurs, cache une mécanique aussi grisante que bien huilée, et une belle profondeur de jeu qui pourrait causer une accoutumance certaine, surtout chez les profils les plus calculateurs. Et en plus, il y a des dragons. <3

L’est-y pas meugnon ce p’tit dragon ?

Pourtant difficile de ne pas lui reprocher un certain classicisme. Certes, les illustrations sont de toute beauté et le matériel en adéquation avec le prix de la boîte, mais le jeu ne cherche pas à dissimuler ses mécaniques de gestion de ressources et d’achat derrière des gimmicks superficiels ou des concepts novateurs. Il va droit à l’essentiel. Et c’est sans doute pour ça qu’il a tant fait chavirer les cœurs et, vous l’aurez compris, le mien aussi.

Il y a dans Res Arcana, cette sensation extrêmement gratifiante d’une montée en puissance contrôlée, mêlée à des aspirations parfois contrariées et même occasionnellement des retournements de situation inattendus. C’est typiquement le genre de jeux qui permet d’enchaîner les actions à toute berzingue, le ravioli en ébullition, complètement emporté dans un flow cérébral. Et le plus fort dans tout ça, c’est que cette complexité de jeu s’embrasse avec une facilité déconcertante, presque triviale, permettant à toute sorte de profils de joueurs d’en extraire une belle satisfaction. Et malgré le grand nombre d’actions exécutées en une manche, la simplicité mécanique du jeu permet d’éviter les temps d’attentes considérables et souvent pénibles.

Chapeau à toi Tom Lehman, j’aurais adoré découvrir ton jeu à Cannes et venir papoter avec toi quand j’en ai eu l’occasion.
Quel idiot.

4 réflexions sur “Res Arcana

  • Eiffel-AD

    Alors ? Claudasse ou Wulfegonde ? ^^

  • Non.
    Suave Goth.

  • Monsieur_C

    N’importe quoi, du moment que ça commence par un C !

  • Medjes

    Cuave Goth.

    Le C cédille en majuscule, le truc de fourbe.

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