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Rainswept

Un célèbre philosophe nous a prévenu : l’eau, dans vingt ans, il n’y en aura plus. Mais s’il y a bien un endroit qui n’en manque pas, c’est le petit village de Pineville.

Niché au cœur de la campagne, entouré de forêts et de collines, c’est un havre de tranquillité où les habitants aspirent à une vie paisible où tout le monde se connaît. Et où il pleut beaucoup.

Lorsque survient un évènement tragique, la police locale est dépassée et le détective Michael Stone est envoyé en renfort. C’est son imper élimé que l’on va enfiler dans cette aventure policière.

Et malgré la douceur du décor, cette histoire nous plongera dans de sombres méandres : troubles psychologiques, traumatismes, suicide, meurtre, mensonges…

Le Shérif ne voit pas l’arrivée de notre gars de la ville d’un bon œil. Pour lui, l’histoire est tristement simple et souhaite classer l’affaire. Mais Michael ne s’est pas tapé la route pour se tourner les pouces et va tenter d’apprendre qui étaient Diane et Chris, retrouvés morts dans leur maison.

Les circonstances laissent penser que Chris a tué Diane avant de retourner l’arme contre lui. Cela n’étonne pas tant que ça les gens du coin ; ces nouveaux venus ne se sont jamais intégrés à la communauté, restant dans leur coin, et s’ils en parlaient à personne, tous semblent savoir que leur relation était conflictuelle.

On découvre à travers de nombreux flashbacks leur histoire, celle de deux inadaptés sociaux que leur différence a rapproché. On rencontre les habitants de Pineville dans des discussions charmantes que Michael conclut immanquablement par la question « que faisiez-vous la nuit du drame ? »

C’est là que des petites fissures apparaissent, au détour d’une réponse, une incohérence, une approximation, qui vont conforter Michael dans l’idée que cette histoire cache plus que ce qu’elle laisse paraitre.

Mais Michael peut-il se fier à son jugement ? Ses rares heures de sommeil sont tourmentées de cauchemars, issus de son passé qu’il cherche à fuir, en vain. Et ses hallucinations vont le hanter durant toute l’enquête.

Amy, rookie de la police chargée de l’assister, va s’inquiéter de le voir perdre pied, s’enfoncer dans des conclusions arbitraires. Il part en vrille et l’enquête avec. Mais pas le jeu.

Le scénario de Rainswept est maitrisé, l’écriture précise, les protagonistes semblent amicaux jusqu’à un certain point et ont tous un rôle à jouer dans cette histoire.

Le rythme est d’abord lent, méticuleux, le joueur comme Michael apprend la géographie de Pineville pour se rendre d’un point à un autre. Et c’est son état de santé mental qui va accélérer les choses tandis que l’enquête piétine.

Parcourir les rues et collines de Pineville est une expérience pleine de délicatesse. Les graphismes au goût pastel donnent une ambiance originale aux décors de Rainswept. Le style marche un peu moins sur les personnages, dont l’absence de visage rend l’identification pas toujours aisée.

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Terrence & Philip, les canadiens de South Park, quand ils se déplacent, avec leurs membres en bâton de marionnette. Mais on s’y fait vite, à force de faire courir Michael.

Il a beau avoir une clope au bec en permanence, il a encore de l’endurance. Le village et ses alentours vont nous voir passer en long et en large. La carte n’est d’ailleurs ni lisible ni intuitive. Les déplacements (au clavier ou à la manette) et la navigation de lieu en lieu est sans doute le principal défaut de Rainswept.

Allez, pour pinailler, j’ajoute quelques faux raccords sur les fringues de Michael : on peut au début de chaque journée d’enquête choisir les vêtements qu’il va porter, mais quelle que soit notre décision, lors des cinématiques on le verra toujours vêtu de son imper.

Plusieurs articles récents (The Pixel Post, Canard PC) se sont penchés sur les studios asiatiques et la question des jeux venus d’Inde à été posée à l’occasion d’un épisode récent de notre émission de radio Le Nerf de la Game (Radio Canut, le jeudi soir de 21h à 22h, venez nombreux).

Et si j’y avais joué plus tôt, j’aurais pu citer Rainswept du studio indépendant Frostwood Interactive, constitué d’un développeur solo, Armaan Sandhu, et basé à Mumbai. Rainswept fut son premier jeu et il a depuis sorti Forgotten Fields en 2021 et Unwording en avril 2023, continuant dans le créneau des jeux narratifs aux visuels très travaillés.

Ne nous y trompons pas : on est en présence d’une fiction interactive, pas d’un point&click classique. Peu d’énigmes, un déroulement linéaire, voire même un manque de maîtrise sur le destin d’un Michael aux proies de démons du passé. Nos décisions se limitent à des choix de dialogues mais n’auront d’impact que sur la fin du jeu.

Rainswept ne satisfera donc pas les mordus de puzzle. Mais les amateurs de mystères bien écrits dans une ambiance qui assume s’inspirer de Twin Peaks et de Night in the Woods se laisseront entraîner avec plaisir dans un scénario à la profondeur insoupçonnée.

Genre : fiction narrative

Développeur indépendant : Frostwood Interactive

Plateforme : Steam – GoG – Itch.io

Non disponible en français

Prix : 9,99€

Date de sortie : 1er février 2019

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.