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Ozymandias: Bronze Age Empire Sim

J’ai rencontré un voyageur de retour d’une terre antique, qui m’a dit : « deux jambes de pierre immenses et dépourvues de buste se dressent dans le désert ».

Il avait l’air d’en avoir un peu trop pris ou d’être resté trop longtemps au soleil, alors je l’ai laissé déblatérer à propos de sourcils français et de rictus qui nourrissent les mains d’un sculpteur, ou un truc du genre. Faut reconnaître que je n’étais pas très attentif.

J’étais focalisé sur un jeu de stratégie qui nous ramène aux premières civilisations nées dans la vallée du Nil, le croissant fertile ou les plaines de l’Indus. Dans un système en tour par tour simultané, on doit développer son empire pour atteindre des objectifs et remporter la partie.

Mon voyageur, toujours occupé à marmonner des phrases qui ressemblent, de loin et les yeux plissés, à de la poésie, a soudainement pété un câble quand il a vu le nom du jeu.

« Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois, voyez mon œuvre, ô puissants, et désespérez ! » qu’il se met à gueuler. Alors déjà mon coco tu vas te détendre, tu te la racontes un peu, je sais que c’est pas toi qui as développé ce jeu. Tu te prends pour un poète mais tu m’as surtout l’air d’avoir un pet au casque.

Puisqu’on en parle : Ozymandias est l’œuvre du studio britannique The Secret Games Company, qui avait déjà sorti Kim, un open world RPG dans l’Inde de Rudyard Kipling, ou Dreaming Spires, un jeu de plateau qui nous plonge dans l’histoire de l’université d’Oxford. Des gens qui aiment manifestement les références littéraires.

Et puis « désespérez », on croirait entendre Machiavel ; non, ça va, il n’est pas si mal ce jeu. Gestion de ressources, de territoires, recherche technologique, volet militaire, si chaque élément est relativement simple, tout s’imbrique avec cohérence pour former un jeu de stratégie plus profond qu’il en a l’air.

C’est sûr qu’avec ses petits pions, l’écran principal plutôt restreint et peu détaillé, ou l’absence d’effets visuels, l’ensemble ne paye pas de mine. Mais j’apprécie l’aspect général d’Ozymandias, qui reste agréable à l’oeil tout en étant, et c’est le plus important pour moi, toujours lisible.

Le tutorial, un peu trop succinct, nous pose les bases : notre production de nourriture nous permet de revendiquer de nouveaux hexagones, celle de recherche d’améliorer le rendement des types de terrains différents (plaines, montagnes, rivières…), et la thunasse va servir à financer nos forces armées.

A chaque tour, on nous donne le choix entre trois cartes qui apportent différents bonus immédiats, temporaires ou passifs, que l’on peut déclencher quand on remplit les conditions (et certains coûtent cher en ressources).

Lorsqu’on lance une partie, on détermine le théâtre d’opérations et la civilisation que l’on va jouer. Cela influe sur le territoire de départ, plus ou moins favorable, comme le jeu nous en informe en nous indiquant le niveau de difficulté de chaque faction.

Mon voyageur-squatteur (il a fini par s’installer pour me regarder jouer ; au moins il s’est calmé même s’il lâche encore des bouts de phrases parlant de ruines et d’épaves infinies) se la joue romantique avec sa femme qui l’a rejoint. Elle n’a pas l’air d’aller mieux et ne cesse de parler de trouver des morceaux de corps pour les assembler et leur redonner vie.

Je commence à m’inquiéter avec ces deux frappadingues, mais je prends surtout goût à Ozymandias. Après plusieurs défaites cuisantes face à l’IA qui a su plus vite s’installer sur les meilleures terres et lancer ses troupes conquérir mes villes tels des ozymes gloutons, j’ai fini par comprendre les subtilités du gameplay.

J’ai testé toutes les maps, la plupart des positions de départ, souvent bataillé contre plusieurs adversaires à la fois (et touché du doigt les limites de l’IA qui promène ses troupes dans des allers-retours incessants et fastidieux pour défendre ses hexagones).

Des DLC proposant de nouvelles cartes sont sortis ces derniers mois pour 1,99€ pièce, avec notamment une carte du monde entier pour les plus acharnés d’entre vous.

Mais au bout de quelques heures, je suis arrivé au bout du challenge proposé par l’IA d’Ozymandias. La découverte fut très agréable et intellectuellement stimulante, je la conseille à tous les amateurs de stratégie, que ce soit en jeu vidéo ou en jeu de plateau. D’ailleurs, il n’y aurait quasiment rien à changer au gameplay pour sortir ce jeu dans une boîte en carton.

Mais une fois les mécaniques apprises et les différentes cartes maîtrisées, il faudra passer par le multijoueur pour renouveler l’intérêt du jeu. Et là, j’ai peut-être joué de malchance, mais c’est malheureusement ainsi que s’est terminée mon aventure antique.

Malgré quelques six cents reviews, preuve que le jeu ne s’est pas trop mal vendu depuis sa sortie en octobre 2022, lorsque j’ai cherché des partenaires en ligne, le lobby intégré était désespérément vide.

Percy, mon clandestin que les plus culturés d’entre vous auront reconnu, a commenté cette vacuité d’un laconique « les sables monotones et solitaires s’étendent au loin ». Il est peut-être foncedé au crack, mais il a le sens de la formule.

Genre : Stratégie / 4X light

Développeur : The Secret Games Company

Editeur : Goblinz Publishing

Plateforme : Steam

Prix : 14,99€

Disponible en français

Date de sortie : 11 octobre 2022

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.