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OpenTTD vs Simutrans

L’arrivée d’OpenTTD sur Steam m’a d’abord rappelé ces vacances de 1994 où je découvrais le plaisir du rail en isométrique, du camion qui crachote dans les montées et des compagnies gérées par l’IA qui te piquent les transports les plus rentables sous ton nez. Le tout sur une musique jazzy dont je me souviens encore aujourd’hui de certains morceaux et qui étaient quand même bien pourris. Dans ce jeu, tout comme dans Simutrans, on gère une entreprise de transport, sur route avec des camions, rail avec des trains et des trams, mer avec des péniches et des ferrys, et jusque dans les airs avec des petits coucous ou des gros cargos.

La partie gestion / construction était assez basique mais agréable grâce à une interface bien pensée et l’argent coulait vite à flot parce que ce n’était quand même pas bien difficile. Le terrorisme ferroviaire et routier occupait bien plus mon temps que la gestion honnête de mon entreprise.

La méthode la plus simple était évidemment de bloquer les constructions en cours en posant des rails sur le chemin de l’IA. S’ensuivait alors un jeu du chat et de la souris pour l’empêcher de progresser jusqu’à ce qu’il renonce à son projet, ayant perdu trop de thunes et ayant flingué sa réputation (un concept intéressant puisqu’il déterminait si une compagnie avait le droit de construire sur certaines communes).

OpenTTD

Mais quand un concurrent parvenait à m’esquiver ou à construire là où je ne regardais pas, il y avait d’autres solutions. S’il installait un réseau ferré près de ces puits de pétrole que je convoitais ? Pas de soucis, un dépôt au bout des voies adverses, une loco au rabais qui s’ébranle lorsqu’un train ennemi arrive en gare et paf, ça faisait de belles explosions.

Pour les véhicules routiers c’était plus compliqué, il fallait « prendre possession » des routes construites par ces empêcheurs de transporter en rond en construisant des voies de chemin de fer dessus, puis les détruire. C’était long et pénible, mais quand on veut devenir un magnat du transport, on ne recule devant aucune difficulté.

Le plaisir de voir une compagnie ruinée disparaître à force de harcèlement était cependant de courte durée puisque l’IA renaissait de ses cendres en faisant apparaître un nouveau compétiteur (généralement le même avec une moustache) qui allait lui aussi regretter de s’être installé dans ma région.

OpenTTD

Il ne faut pourtant pas croire qu’à l’époque, je jouais aux jeux de gestion comme à Doom, en cherchant à détruire mes adversaires. Dans Pizza Tycoon, sorti à la même époque, je n’envoyais que rarement des rats et des bombes puantes chez mes concurrents. Mais je pense qu’à peine adolescent, j’avais déjà fait le tour du challenge proposé par Transport Tycoon et je cherchais simplement à m’amuser quand même.

OpenTTD (pour Transport Tycoon Deluxe) est la version gratuite, augmentée, améliorée du vénérable ancêtre, qui a gardé son charme en pixel-art… et certaines de ses limites. C’est rigolo, ça passe le temps, mais j’ai suffisamment gonflé tout le monde en mentionnant Simutrans à chaque fois que j’entendais « OpenTTD c’est trop bien » que je me devais de m’expliquer plus en détails.

Alors pourquoi Simutrans c’est, pour le psychopathe intégriste que je suis, bien meilleur que Transport Tycoon Deluxe ? Ce jeu, lui aussi gratuit, je l’ai découvert durant ma formation en transport et logistique (oui, on fait tous des erreurs). Bloqué plusieurs mois dans une ville que je ne nommerai pas (un indice : ça commence par Saint, ça finit par Etienne et ça se situe dans le Mordor, mais chut, je n’ai rien dit), j’ai passé une bonne partie de mes soirées à me perdre dans la complexité de Simutrans. Et j’en suis tombé amoureux.

OpenTTD

Développé par un collectif de fous furieux (et principalement allemands, tirez-en les conclusions que vous voulez), il propose, comme TT, de s’en mettre plein les fouilles en transportant toutes sortes de marchandises. Des poissons panés, des cailloux, du plastique, du papier, des gens… la liste est longue et me permet d’introduire un des concepts qui fait la magie de Simutrans : les chaînes de production.

Il ne suffit pas de prendre une ressource et de la transporter du producteur au consommateur. Il faut déjà s’assurer que les fabriques sont « connectées », qu’elles acceptent de travailler entre elles. Il est parfois pénible de constater qu’une mine de charbon ne peut fournir l’aciérie située à quelques pas, mais cela simule (de façon artificielle, certes) une activité économique qui ne dépend pas uniquement du bon vouloir du joueur.

Ensuite, bourrer ras la gueule l’entrepôt d’une usine ne rapportera rien à moyen terme si ces ressources ne sont pas utilisées pour produire quelque chose qui sera transporté ailleurs. Le plus simple est de partir de la fin de la boucle, le bâtiment qui va « consommer » le produit final, puis remonter la chaîne de production. Mais rien ne vaut un bon exemple.

Simutrans

Une boulangerie, située en ville, consommera de la farine, elle-même produite au moulin, qui a besoin de céréales. Ne livrer que les céréales au moulin provoquera rapidement une saturation d’un stock non utilisé et le champ de céréales arrêtera de fournir. Ça se complique lorsqu’une fabrique a besoin de deux ou trois ressources différentes, ça devient un sac de nœuds quand l’une ou l’autre de ces ressources provient elle aussi d’une combinaison.

Et si on rajoute à cela le fait qu’il faut des quantités différentes pour produire une tonne de produit (semi) fini, ou que les véhicules ne transportent pas la même quantité suivant la ressource… Le challenge ici est de trouver l’équilibre le plus précis possible entre le nombre de wagons / véhicules pour alimenter chaque maillon de la chaîne. Rien ne sert d’avoir une vingtaine de camions quand la mine de charbon ne produit que quelques tonnes par mois ; ne fournir que quelques sacs de céréales au moulin à chaque voyage ne suffira pas pour rentabiliser l’investissement de la construction et l’entretien des rails posés.

Une autre source garantie de maux de tête : le transport de passagers. Contrairement à TTD, les voyageurs ne sont pas des sacs de patates posés en gare qu’on emmène où on veut. Ils ont une raison d’être sortis de chez eux avec une attestation, une destination. Si la station n’a qu’une connexion possible, le trajet sera simple. Mais dès qu’on commence à mailler le territoire de bus, trains et autres bateaux, le grand jeu des correspondances se met en place.

Simutrans

Les gens se déplacent des villes vers les fabriques, les commerces (augmentant leur production ou leur consommation) et les points d’intérêt (souvent touristiques). Ils sont prêts à transiter par n’importe quel arrêt, ce qui occasionne rapidement des points de saturation très difficiles à écluser. Une des grandes limites de Simutrans à mon sens, qui peut vite décourager de s’intéresser à ces usagers capables de s’entasser à dix mille à un arrêt de bus de campagne à peine doté d’un banc.

Là aussi, c’est une question d’équilibre entre les différents flux, mais c’est infiniment plus compliqué à gérer que les marchandises. Surtout que le rythme de Simutrans est assez lent. Si vous commencez avec l’évolution technologique en 1930, vous aurez des vieux tacots, des locomotives à vapeur poussives, des voiliers et des biplans à votre disposition. Autant vous dire qu’en vitesse normale, vous allez passer de longues minutes avant de voir un véhicule transporter la moindre tonne. Mais quand un nouveau véhicule devient disponible, sortez les confettis, votre 3080 pourra alors afficher des pixels qui bougent un poil plus vite.

Mais une des forces (et limites, aussi) de Simutrans, c’est la diversité des réglages de début de partie. On peut changer le coût d’entretien de chaque élément, la vitesse nécessaire pour obtenir un bonus de vitesse, le nombre de correspondance qu’un voyageur acceptera, le climat, le nombre d’habitants moyen de chaque ville…

Simutrans

Alors attention, j’ai rarement vu un truc aussi mal foutu, avec très peu d’explications sur quel paramètre change quoi. Le jeu prévient seulement que toucher certains curseurs peut casser le jeu ou le rendre injouable. Rassurant. Mais à force d’essais / erreurs, j’ai trouvé quelque chose de satisfaisant qui rend mes parties moins frustrantes.

Car tout coûte cher dans Simutrans. Si les rails ne sont pas si onéreux à poser, ils ont un coût d’entretien (déterminé par la vitesse maximum qu’ils autorisent) très lourd. Pareil pour la moindre route, gare, quai de chargement. Et je ne parle pas des véhicules. Installer un train en début de partie vous bouffera toute votre thune et aura intérêt à être rentable pour ne pas vous mener au game over. Et surtout, difficile de faire des calculs à l’avance, on reste dans un flou comptable qui rend la planification hasardeuse.

On peut tout à fait avoir un solde négatif pendant des plombes (quand la moindre locomotive coûte plusieurs centaines de milliers de brouzoufs et mettra plusieurs années à être amortie…), l’important est de gagner plus que nos dépenses d’entretien mensuelles. Un véhicule ne coûte de l’argent que lorsqu’il se déplace, ce qui fait qu’un camion en attente de chargement est de l’argent immobilisé mais pas un gouffre à pognon. Ce que peut vite devenir un bus qui traverse la campagne en transportant à peine 5% de sa capacité.

Simutrans

J’ai bien conscience que tout ceci est intimidant, surtout qu’en plus d’être difficile d’accès avec son interface bordélique, on ne peut pas dire que Simutrans flatte l’œil. Il existe bien des ensembles visuels qui améliorent un peu tout ça (on en trouve même qui reprennent l’apparence de Transport Tycoon), mais ça reste austère.

Je pourrais conclure en disant que TTD est pour les casus et Simutrans pour les velus, ce qui n’est pas complètement faux mais qu’il ne faut pas prendre comme une critique. OpenTTD offre un plaisir plus immédiat, plus agréable à l’usage. Il est une bonne introduction, avec des idées pertinentes comme la réputation de la compagnie, les pannes ou les contrats motivants. Il a posé les bases du genre et garde encore aujourd’hui une bonne tête et une interface lisible. Mais Simutrans offre un monde bien plus complexe, modulable, évolutif (on peut agrandir la carte en cours de partie avec de nouvelles villes et industries, le temps verra l’arrivée de nouvelles constructions…), nécessitant un investissement plus important mais que je trouve tellement satisfaisant.

Entre ces deux titres gratuits proposant deux philosophies distinctes, je vous laisse faire votre choix. J’ai fait le mien il y a maintenant plus de dix ans, et je retombe régulièrement dans cette faille spatio-temporelle qui fait s’évaporer mes weekends. Il faut dire que Simutrans est particulièrement adapté à l’écoute de podcasts ou de discute Twitch en jouant (vu la musique et les effets sonores, coupez-les directement, ça vaudra mieux pour tout le monde) et les heures défilent plus vite que cette loco escargot qui tire péniblement cent tonnes de sable en montée.

Genre : Gestion d’entreprise de transport en vue isométrique

Développeur :

  • OpenTTD Team
  • The Simutrans Team

Plateforme : 

Langue : Français disponible

Prix : Gratuits

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.