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The Bookwalker: Thief of Tales

Certains affirment encore aujourd’hui que les jeux vidéo sont la source de tous les maux. Qu’ils engendrent la violence, provoquent la chute des cheveux (suffit de voir la rédaction de Dystopeek) voire même détournent la jeunesse de la véritable culture, celle des livres.

Ce que contredisent toutes les études sur le sujet, mais c’est toujours plus vendeur de jouer au démago cétaitmieuxavantiste que de s’appuyer sur des faits.

The Bookwalker: Thief of Tales, un jeu vidéo dans lequel on incarne un écrivain qui se plonge dans les recoins obscurs d’ouvrages littéraires, réconciliera-t-il ces deux arts qu’on oppose à tort ?

Puni pour un crime qui lui vaut plusieurs dizaines d’années d’assignation à domicile et d’interdiction d’écrire, notre auteur reçoit une proposition difficile à refuser : entrer physiquement dans les pages de livres pour en ramener des objets convoités par un collectionneur, en échange d’une réduction de peine.

Le voilà donc parti pour explorer différents univers, époques et thèmes, pour en altérer le contenu. Ce qui est précisément ce qui lui a valu sa condamnation.

L’alternance de phases en vue à la première personne (la réalité) et isométrique (les livres qu’on explore) est une bonne idée, qui permet de bien séparer les ambiances et les types de gameplay.

L’espace restreint de notre appartement sert de transition entre les missions et l’évolution du personnage, tour à tour bordélique, optimiste ou noyant sa dépression dans l’alcool.

C’est aussi de là qu’on ramènera des deus ex machina dans les livres, puisque si la machine qu’on utilise permet de ramener des objets présents dans les pages, elle marche dans les deux sens.

Le cœur du gameplay, c’est l’exploration des œuvres à la manière d’un point & click. On se déplace de tableau en tableau, cherchant les zones interactives et discutant avec les personnages pour progresser vers son objectif.

La plus grande réussite de The Bookwalker, c’est la diversité des environnements. Cachots médiévaux, post-apo congelé ou aride, manoir victorien, école de magie ou dictature futuriste, chaque univers a ses codes, ses dangers et sa direction artistique propre.

On rencontre rapidement une voix enfermée dans une cage qui va nous accompagner tout au long du jeu et servir à la fois de sidekick rigolo, de conscience et de système d’aide à notre personnage.

Le principal problème de The Bookwalker, c’est la qualité inégale de tous les aspects du jeu. L’écriture, que ce soient les personnages rencontrés ou la narration, connait de belles envolées mais aussi quelques passages oubliables.

La direction artistique des environnements n’est pas toujours inspirée, même si les graphismes sont dans l’ensemble très réussis. D’ailleurs, en y repensant pour écrire ces lignes, j’ai beaucoup de mal à me rappeler de l’ambiance visuelle de certains livres, quand d’autres m’ont bien plus marqué.

Les puzzles et énigmes qui sont le cœur du genre du point & click ont subi le même sort, avec de très bons moments de réflexion et d’autres tirés par les cheveux ou peu cohérents. On peut aussi remarquer que si on a parfois des choix à faire, l’aventure glisse sur les rails de la linéarité.

J’évoquais les deus ex machina plus haut, ces objets que l’on ramène du monde réel (qu’on emprunte à ses voisins désagréables) pour résoudre une situation. Ils sont systématiquement évoqués par notre ami dans sa cage et cassent le rythme en nous obligeant à sortir du livre pour aller les chercher.

Enfin, difficile de ne pas les évoquer : les combats. Notre protagoniste sera régulièrement confronté à des adversaires dans des bastons au tour par tour pas toujours bien amenées par le scénario.

Très basiques puisqu’on se contente de choisir une action et une cible sans déplacement dans l’espace, ils sont dans l’ensemble anecdotiques, très faciles et trop souvent hors de propos.

En avançant dans le jeu, on améliore ses coups et on débloque de nouvelles compétences qui enrichissent le gameplay, mais elles n’apportent pas grand-chose au jeu.

The Bookwalker est l’œuvre de DO MY BEST, un studio qui précise bien qu’il n’est plus russe mais est aujourd’hui enregistré en Finlande depuis l’invasion de l’Ukraine.

Ils avaient réalisé The Final Station en 2016, mi-shooter 2D mi-narratif à bord d’un train post-apo en pixel-art, un titre que j’avais apprécié malgré quelques défauts de design et une durée de vie bien trop courte. Ils ont clairement changé de registre avec The Bookwalker.

Avec son univers original, ses bonnes idées et ses moments de bravoure, avait tout pour être un bon petit jeu indé et c’est sans doute pour ça qu’il a tapé dans l’œil de tinyBuild, son éditeur.

Mais il y a quand même quelques bémols à déplorer, et sans ruiner l’expérience de jeu, certains niveaux sont bien moins réussis que d’autres.

L’ensemble reste agréable à parcourir et les quelques réserves évoquées ne devraient pas vous faire renoncer à chausser les bottes de notre biblionaute (oui, la traduction française est de qualité).

Mais il aura manqué un peu de cohérence d’ensemble à The Bookwalker pour être un must have. Il se contentera d’être un jeu d’aventure très correct dont je me souviendrais du sympathique twist final, et c’est déjà pas mal.

Genre : Point&click avec combats au tour par tour

Développeur : DO MY BEST

Editeur : tinyBuild

Plateforme : SteamGoG – EGS – PlayStation – Xbox

Disponible en français

Prix : 14,79€

Date de sortie : 22 juin 2023

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.