Iron Harvest
Financé à 288% le 14 avril 2018 (oui, nous aimons la précision chez Dystopeek), Iron Harvest était suivi du coin de l’œil depuis un moment à la rédac. Pensez donc, un jeu se déroulant dans le monde alternatif (le fameux 1920+) imaginé par l’artiste Jakub Różalski. Mais si, le gars qui a illustré Scythe, l’excellent jeu de société publié par Stonemaier Games. Ah ben voilà, maintenant vous comprenez pourquoi il me tardait de poser mes mains dessus, surtout après la preview encourageante de Sigarrett.
Avant d’attaquer les choses sérieuses et de décortiquer le gameplay et la technique avec ce nombreux termes alambiqués et techniques tels que « c’est bô », penchons-nous un peu sur l’univers d’Iron Harvest. Car, spoiler alert, c’est quand même lui qui fait du jeu ce qu’il est. Le Monde de 1920+ est grosso modo le même que le nôtre, mais dans lequel Nikola Tesla dispose d’une Usine dans laquelle il met au point ses inventions, dont les fameux Mechs que vous pouvez admirer un peu partout. Si l’Humanité a bien vite exploité cette puissance mécanique dans l’agriculture ou la construction, elle est aussi bien vite tombée dans ses travers habituels en construisant des machines de guerre, jouant une version bien plus létale de la première Guerre Mondiale, si c’était possible…
Mais quelques années après ce conflit et alors que la paix est plus ou moins revenue en Europe entre la Saxonie, la Rusviet et, occupée par celle-ci, la Polania, une mystérieuse organisation tente de relancer les affrontements… Et devant tant de mystère, je ne vous dirai qu’une chose de plus : si vous voulez savoir la suite et surtout qui est cette mystérieuse gamine qui fait des batailles de boules de neige, lancez-vous dans la campagne solo qui, fait extrêmement rare dans un STR, dispose d’un vrai scénario, est intéressante de bout en bout et, cerise sur le gâteau, est amenée via des cinématiques réalisées grâce au moteur du jeu qui ne sont pas ridicules. Oui, cela semble incroyable et pourtant…
Dans les bottes de trois héros différents, pour autant de factions, vous allez donc lever le voile sur Fenris, la fameuse organisation (ouais désolé, je vous balance ça comme ça j’aurais pu prévenir) et découvrir comment elle a pu mettre la main sur une technologie si avancée. Pour cela, vous allez enchaîner des missions que l’on qualifiera de classiques et variées selon le schéma habituel : de l’infiltration avec une poignée de troupes, de la défense où vous serez submergés de partout, des grosses phases d’attaque, le tout avec des objectifs suffisamment variés qui mettront vos neurones à contribution.
Iron Harvest joue dans la même cour que Company of Heroes, que ce soit au niveau des points de ressources (au nombre de deux : pétrole et fer) ou de la gestion des troupes. Comme dans son inspiration, le jeu de King Art voit les troupes monter en grade, profiter des couverts et être renforcées en un clic. C’est une excellente chose pour ceux qui, comme moi, aiment ce système qui oblige à prendre soin de ses hommes mais il fera sûrement grincer les dents de ceux qui aiment leurs STR plus rythmés. Car Iron Harvest offre un rythme lent. Pas mou, mais lent. Parce que les ressources ne sont pas extraites à vitesse grand V et parce que les troupes coûtent cher à produire et ne se déplacent pas aussi vite qu’un hamster sous amphétamines.
Le joueur le plus impatient pourrait se dire que « fuck la tactique, noyons l’ennemi sous une horde de troupes de base ». Alors oui mais non, joueur impatient qui ressemble furieusement à notre SAAvenger local. Parce que figure-toi que certaines troupes gagnent de nouvelles capacités lorsqu’elles montent en niveau. Les troupes du génie rusviets, par exemple, ne peuvent construire les bunkers les plus avancés que si elles ont atteint le statut de vétéran. Il va donc falloir trouver l’équilibre entre sacrifice nécessaire pour percer les lignes adverses et prudence. Surtout que malheureusement, s’il est possible d’ordonner la retraite à ses troupes, celles-ci le font à une vitesse peu en adéquation avec l’urgence de la situation (comprendre qu’elles se traînent) vers la caserne ou le QG le plus proche. Et encore une fois, petite erreur de conception à mon avis : il n’est pas possible de construire ses bâtiments où on veut, ce qui oblige en fin de partie à franchir de trèèèèès longues distances.
Certaines phases de jeu sont donc assez frustrantes de par leur lenteur : on lance un assaut, on rogne des défenses mais nos troupes sont affaiblies. On bat alors en retraite pour soigner tout notre petit monde, mais comme les déplacements sont assez longs on attend de longues minutes que tout le monde ait fait l’aller-retour puis on repart à l’assaut vers… des positions défensives reconstruites. Heureusement que les héros et certaines unités ont des capacités très (trop d’après certains) puissantes pouvant débloquer une situation mal engagée. Je ne pourrais pas juger de l’équilibrage, n’ayant pas joué en ligne, mais en solo ces pouvoirs sont les bienvenus même s’ils obligent à un micro-management que mon âge avancé (rassurez-vous cher lecteur, je suis quand même bien loin de notre doyen Sigarrett) rend laborieux.
Puisque nous en sommes à parler des unités, il est intéressant de voir que King Art a fait le choix de partir sur du simple mais efficace : trois bâtiments (un QG, un atelier et une caserne), une douzaine de troupes différentes (lance-flammes, grenadiers, Mech d’artillerie…), un héros par camp et basta. Si l’infanterie est globalement la même pour tous, c’est au niveau des Mechs que l’identité des factions est la plus visible. Mais qu’ils soient spécialisés au corps à corps ou polyvalents on retrouve globalement vite ses marques en changeant de camp, ce qui est un plus pour l’accessibilité et le multijoueur compétitif.
Un autre point qui fait plaisir à voir est le soin apporté aux cartes. Non seulement elles disposent de nombreux bâtiments et éléments de décor destructibles, mais en plus elles sont variées et plaisantes. Que ce soient les villes ou la campagne, chacune regorge de détails et il n’est pas rare de faire un tour d’horizon pour repérer les couverts et où abriter ses troupes pour un futur assaut. Bon, on n’est clairement pas au niveau d’un wargame tactique je vous l’accorde, mais le joueur attentif remarquera tous ces petits détails surtout que pour une fois il y a un zoom (avant comme arrière) digne de ce nom.
Une campagne prenante et haletante, des unités originales dans un monde qui ne l’est pas moins, Iron Harvest coche beaucoup de cases et se place directement dans les jeux que je vous recommande pour du solo. Oui, ne vous posez pas de questions : si vous aimez les STR et jouez seul dans votre coin, vous en aurez pour votre argent avec une campagne qui vous prendra une bonne vingtaine d’heures et vous aurez en plus les escarmouches contre l’IA. Voilà, ça c’est si vous savez vous contenter de ce qu’il y a. Le souci, car vous vous doutez bien qu’il y en a un, est que durant la campagne Kickstarter le studio a fait des promesses et tarde un peu à les honorer. Courant Septembre par exemple le jeu devrait voir débarquer une campagne co-op, de nouvelles cartes multi (le parent pauvre pour le moment) ainsi qu’un ranking. Les développeurs sont donc un peu dépassés ou ont mis à disposition leur jeu trop tôt selon certains, mais ne fuient pas devant l’ampleur de la tâche et restent fidèles au poste.
On peut donc légitimement compter sur eux pour corriger à grands coups de patches les défauts du jeu, comme cette difficulté en dents de scie, les petits bugs de collision, les soldats qui ne se mettent pas à couvert du bon côté des obstacles… Plein de petites choses qui ne représentent rien de bien grave et qui seront facilement résolues au fil du temps. Excellent choix pour un joueur solo, surtout fan de Steampunk et de la patte de Jakub Różalski, Iron Harvest ne subit que l’ire de la communauté multijoueur qui est déçue de ne pas disposer de ce qu’on lui a promis.
Développeur : KING Art
Editeur : Deep Silver
Date de sortie : 1 Septembre 2020
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur
Je veux ta bande dessinée, ton jeu de plateau et ton jeu vidéo.
Homme de goût !