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Early Access: Sweet Transit

Le transport et la logistique, ça fait des années que je suis tombé dedans. Et je ne dis pas ça uniquement parce que j’ai un diplôme dans le domaine. Je le racontais dans un article beaucoup trop long où je vantais les mérites de Simutrans et d’OpenTTD. Depuis Transport Tycoon, j’apprécie les jeux où l’on construit routes et rails pour déplacer des voyageurs et marchandises. Capitalisme oblige, tout ça pour se faire de la thune avec ! Donc autant vous dire que cet Early Access de Sweet Transit m’intéressait au plus haut point.

Sweet Transit est un nouveau venu dans le genre et s’il m’a vite attiré l’œil, j’ai eu du mal à y rentrer. Déjà parce qu’il est uniquement basé sur le train. On oublie le multimodal, on va devoir tout faire avec des tchou-tchous. L’interface de construction des rails est différente de tout ce que j’ai déjà connu. Sans repère, j’ai galéré au début, et même si j’ai fini par en saisir les mécaniques, je les trouve toujours un peu bordéliques, notamment à cause des règles concernant les signaux.

C’est bien beau de défigurer la nature avec mon réseau, mais qu’est-ce qu’on y promène ? Des ressources, évidemment. Celles qui seront nécessaires pour faire grandir notre petite bourgade, qu’il va falloir également construire. C’est un point central et très intéressant de Sweet Transit : on joue aussi à un city builder. Pas aussi développé qu’un Cities: Skyline, tout est carré, mais il faut tout de même prévoir l’approvisionnement en eau et en nourriture, dans un système qui rappelle fortement les vieux Caesar édités par Sierra.

Toute la logistique tourne en circuit interdépendant. Les habitants sont des travailleurs à emmener sur leur lieu de travail (mine, scierie, champs…), pour produire les ressources nécessaires au développement de la ville, afin d’avoir plus de travailleurs pour de nouvelles industries. Suivant la même logique que dans la série Anno, pour que les villes évoluent, il faut fournir certaines ressources aux habitants ; une fois les besoins satisfaits, on débloque les industries suivantes.

C’est ainsi qu’on rajoute des couches de complexité et de profondeur, tout en fournissant aussi de nouveaux trains et wagons. Sauf que ces nouvelles industries doivent elles aussi être fournies en travailleurs à déplacer en train. Il faut planifier le plus possible la construction de son réseau pour ajouter de nouveaux trajets, qui devient vite un bordel sans nom.

On peut faire passer des ponts pour croiser des voies, mais ceci n’est possible que sur les voies horizontales ou verticales et il faut donc limiter au maximum l’emploi de rails en diagonale, même quand ils semblent les plus rapides et logiques, pour ne pas avoir à tout refaire à l’apparition de nouveaux besoins.

Sur le papier, c’est intéressant, intelligent et cohérent. Dans la pratique, les calculs sont très compliqués à tenir. Il faut tant de travailleurs par lieu de travail, qui vont produire tant de ressources qui mettront tant de temps à être livrées aux villes et qui seront consommées à telle vitesse. Il faut donc adapter tout son réseau pour que les habitants disposent en permanence d’un stock suffisant. Et c’est une vraie galère à organiser.

On peut construire de nouvelles villes quand il n’y a plus de place pour continuer à grandir dans la première, mais gardez à l’esprit que le développement de chaque cité est distinct. Il faudra toutes les alimenter avec les mêmes ressources, donc prévoir un nouveau réseau complet. Sachant qu’en plus de tout ça, les trains ont besoin de charbon pour tourner, il faut prévoir de les faire passer par une gare qui en dispose, parce que sinon c’était trop simple.

Heureusement que la partie économique est facile, en tous cas au début ; les trains ont un coût de fonctionnement faible et les impôts payés par les habitants suffisent pour financer même un réseau important. Equilibrer le nombre de trains nécessaires pour faire tourner l’économie, tout en gardant de la place pour faire évoluer ses villes, le défi semble gérable au début mais devient vite un bon gros casse-tête.

Je ne suis pas surpris d’apprendre que le projet, toujours en Early Access, est l’œuvre de Ernestas Norvaišas, développeur solo lituanien qui a bossé sur Factorio. Les plus taquins d’entre vous pourraient même dire que ça se voit.

Parce qu’avec tout ça, je ne vous ai pas parlé de l’aspect technique de Sweet Transit. Alors on va faire court : je suis à deux doigts de trouver Transport Tycoon (celui de 1994) plus agréable à regarder que cette bouillie maronnasse sans âme et la musique pourrait être un instrument de torture efficace.

Mais on s’en fout pas mal parce que ce n’est pas ce qui compte dans un jeu de gestion. Reste donc un concept bien pensé, qui s’inspire avec pertinence d’autres jeux, mais que son austérité rend difficile d’accès. Sa profondeur indéniable devient vite complexité, saupoudrée de répétitivité.

L’absence d’autre moyen de transport ne permet pas beaucoup de flexibilité. Ça oblige à littéralement recouvrir le territoire (heureusement plat) de rails, ce qui ne rend pas le jeu plus lisible ni plus digeste. En motif d’espoir, les mises à jour sont extrêmement régulières, le projet est sérieux et va dans la bonne direction. A surveiller…

Genre : Gestion

Développeur : Ernestas Norvaišas

Editeur : Team17

Date de sortie en Early Access : 28 Juillet 2022

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.