Early Access: Hollywood Animal
Il est sorti (le 10 avril) ! Après un retard à l’allumage, il devait être initialement publié en janvier, le jeu vous mettant à la tête d’un studio de cinéma durant l’âge d’or d’Hollywood est enfin disponible en accès anticipé et le tout pour une somme raisonnable. La pratique de ce jeu de gestion et de city building en temps réel (pausable) et existant en version française, vous délestera d’une vingtaine d’Euros, sachant que le prix sera amené à augmenter lorsqu’il quittera la phase d’accès anticipé. Là, j’en entend déjà raller contre cette pratique. J’ai l’ouïe fine. Oui, mais il y a accès anticipé et accès anticipé. Pour certains jeux accès anticipé signifie jeu bâclé, rempli de bugs, que l’on abandonne dès la première heure de jeu pour espérer le reprendre quelques mois (années…) plus tard (ou jamais). Pour d’autres il s’agit de produits tout à fait jouables, qui dans l’ensemble fonctionnent bien et que les développeurs ont à cœur de perfectionner en étant à l’écoute de la communauté. Hollywood Animal, dont deux démos ont déjà été publiées, et ont permis aux concepteurs d’engranger de bons retours d’expérience, est à cheval entre les deux catégories. J’avais déjà dit tout le bien que je pensais de la première démo dans cet article que je vous invite à consulter car je ne compte pas trop me répéter sur certains points, mais dans l’état actuel de l’accès anticipé il me faudra hélas émettre quelques sérieux bémols.
L’âge d’or d’Hollywood
Le jeu commence en 1929, peu avant le début de la Grande Dépression et avec l’essor du cinéma parlant puis de la couleur. Cette période, s’étendant jusqu’à la fin des années 1950, est connue comme l’âge d’or du septième art américain, avec des films, devenus grands de classiques, comme King Kong, Le Magicien d’Oz, Une étoile est née, Chantons sous la pluie, Casablanca, etc., battant des records d’audience.

Le cinéma devient alors une forme de divertissement de masse qui entraine l’avènement des ‘Big Five’, les grands studios de cinéma que furent Metro-Goldwyn-Mayer, Paramount, RKO Pictures, 20th Century Fox et Warner Brothers. Ces studios, tout puissants, développèrent un système d’intégration verticale qui contrôlait presque tous les aspects de la production cinématographique depuis la conception initiale des films jusqu’à leur distribution. Avec des scénaristes, des producteurs, des réalisateurs, des acteurs/actrices et des techniciens travaillant exclusivement pour un studio donné tant que durait leurs contrats.
Dans Hollywood Animal vous prenez les commandes d’un petit studio, à vous de le faire prospérer face à la concurrence des Majors, renommés Supreme (Paramount ?), Evergreen Movies, Gerstein Brothers (Warner Bros ?), Hephaestus, et Marginese (MGM ?) pour l’occasion. En effet, dans le jeu les noms des studios comme celui de leurs employés sont purement fictifs, pas question donc d’engager Greta Garbo et Clark Gable pour jouer dans un film dirigé par George Cukor et produit par David O. Selznick. Mais qui sait, les développeurs étant ouverts au modding peut-être sera-t-il possible à l’avenir de jouer le vrai Hollywood ? Et puis au vu des portraits de certains acteurs ou actrices du jeu, je suspecte que de vrais vedettes se cachent peut-être déjà sous des noms d’emprunt.
L’art pour l’art
Développé par Weappy Studio sous le moteur de jeu Unity, Hollywood Animal, avec sa taille modeste, ne devrait pas faire déborder votre disque dur. Ses graphismes (dans le style Art déco) et son interface, très conviviale, n’en sont pas moins réussis. Le jeu est en vue isométrique et fausse 3D. Fausse 3D ? Qu’est ce dont ? En fait, plutôt que de modéliser les bâtiments en 3D, les développeurs les ont dessiné en perspective et ceci pour tous les niveaux de zoom. Ce travail de longue haleine fait que le jeu à l’air d’être en 3D (bien qu’il soit impossible de faire pivoter les objets) sans l’être vraiment. C’était, en son temps (en 2000 !), la méthode employée pour la conception de Diablo II. Autre prouesse dans le côté old school : les affiches, qui à l’époque jouaient un rôle fondamental dans la promotion des films. Dans ce domaine, les développeurs, plutôt que d’avoir recours à l’IA pour générer des affiches correspondantes à chaque type de scénario, n’ont pas hésité à en dessiner plus de 4500 (!) afin de répondre à toutes les combinaisons possibles. Un vrai travail d’orfèvre, qu’il faut souligner.
Le Bon
Contrairement à d’autres jeux de gestion ayant trait au cinéma, dans Hollywood Animal il ne s’agit pas de tourner vous-même vos films. Votre fonction sera de vous assurer que le processus de création de chaque film, depuis l’écriture du scénario, jusqu’à la distribution en salles soit assuré par les personnels les plus compétents (scénaristes, producteurs, metteurs en scène, acteurs/actrices, monteurs, etc.). Du moins dans la mesure de vos capacités financières, car aux début il faudra vous contenter d’employés aux talents plutôt discutables. De même, et c’est l’aspect city building du jeu, il faudra construire des bâtiments où vos employés pourront travailler dans les meilleurs conditions (plateau de tournage, bureau des producteurs, des scénaristes, du casting, etc.), puis ensuite les améliorer grâce à des arbres de recherches technologiques ouvrant de nouvelles possibilité de gameplay.

Pas trop de micro management, donc, mais cela ne doit pas brider pour autant votre créativité. En effet c’est vous qui avez la haute main sur le type et les éléments scénaristiques des films que vous allez produire. Ce peut être des films de série B, ou des grandes épopées au coût pharaonique, des œuvres avant-gardistes, ou des franchises aux scénarios éculés, des comédies, des drames, des westerns, des polars, etc. Tout est possible du moment que cela rapporte les Dollars permettant de maintenir le studio à flot. Ensuite une fois le scénario écrit il faudra recruter et affecter les personnels adéquats à chaque tâche de la création du film. Oui, dans Hollywood Animal il y a un côté ‘placement d’ouvrier’ typique des jeux de plateau.
Mon précédant article ayant exposé les grandes lignes du fonctionnement d’Hollywood Animal, je vais plutôt m’attacher ici à donner un aperçu de ce qu’il y a de nouveau. Le jeu introduit un syndicat de grands studios la Film Studios Alliance of America (FSAA), l’équivalent de la Motion Picture Producers and Distributors of America (MPPDA) du vrai Hollywood. Que vous avez le choix de rejoindre ou non. Appartenir à cette alliance offre de nombreux avantages, en particulier, grâce à un système de votes qui vous permet de changer les règles du jeu : augmenter le prix des places de cinéma, limiter ou augmenter les nombre d’heures de travail des techniciens, etc. De plus chaque année l’Alliance décerne les Pollux (l’équivalent des Oscars). Il va sans dire qu’avoir un film ou l’un de vos employés nominé ou récompensé peut faire décoller la renommée de votre studio. L’alliance établie également un code de conduite, l’équivalent historique du Code Hays destiné à éviter que des thèmes jugés (à l’époque) immoraux ne soient présent dans les films. En terme de jeu cela restreint vos choix scénaristiques, tant que dure cette auto-censure. Mais contrevenir au code signifierait votre expulsion de l’Alliance, ce qui n’est généralement pas une bonne idée tant que votre studio n’a pas les reins financiers assez solides.

Une fois votre renommée installée vous pourrez choisir un style pour votre studio. Par exemple une spécialisation dans les films à petit budget, à la qualité discutable (les séries Z) mais sortis à un rythme effréné. A moins que vous choisissiez les films d’auteurs (à narration lente comme on dit pudiquement en français) destinés à une élite intellectuelle, mais qui faute de succès en salle, peuvent vous valoir des nominations aux Pollux. Entre les ces deux extrêmes vous pourrez devenir un ‘mastodonte’ avec des films grand public et à gros budget.
La Brute
Tout cela serait assez répétitif si Hollywood Animal apportait pas un supplément d’âme grâce à un aspect jeu de rôle et par un humour au second degré et parfois très acerbe, ne cachant pas les aspects les moins reluisants de l’âge d’or du cinéma. Ainsi, dans l’esprit, on est clairement plus proche du film Babylon de Damien Chazelle que de The Artist (traitant de la même époque). D’ailleurs la bande annonce du jeu ne décrit-elle pas Hollywood Animal comme ‘un panier de crabes, déguisé en jeu de gestion’ ?

Le jeu est ponctué d’évènements dont la résolution, à votre avantage ou non, sera souvent influencée par votre capacité à arrondir les angles grâce à votre argent (cash) ou grâce à des points d’influence. Ces derniers sont gagnés automatiquement en fonction des bâtiments que vous construisez (ce qui simule le développement de votre studio) ainsi que par des évènements aléatoires et bien sûr par les succès commerciaux de vos films. L’argent et/ou l’influence peuvent également accélérer la construction de bâtiments ainsi que la recherche technique de ces derniers, permettant d’avoir accès à de nouveaux services ou à des bâtiments plus efficaces. La renommée, et le succès commercial de votre studio sont mesurés en points de réputation, gagnés en ayant des succès au box-office. Une bonne réputation peut vous ouvrir des opportunités, mais si celle-ci est trop basse elle peut vous porter préjudice, comme par exemple bloquer vos demandes de prêts auprès des banques ou l’accès à de nouvelles technologies.
Enfin dernier moyen d’influer sur le cours du jeu : les points de bonne volonté. Ces points sont fournis en rendant des services (pas forcement légaux) à des hommes ou femmes d’influence qui en retour vous renverrons l’ascenseur.
Car l’image d’Hollywood que donne le jeu est souvent proche de celle des films noirs : le maire de L.A. est corrompu et la police ne vaut guère mieux. Il vous faudra naviguer en eaux troubles entre la Mafia, les trafiquants d’alcool, le KKK et même les Nazi. Bien sûr vous pourrez refuser de collaborer avec de telles entités et garde la tête haute, tout est une question de choix.

Quelques fois vous serez amené à prendre des décisions flirtant avec l’illégalité ou la morale ou à carrément franchir la ligne. Des actions qui si elles s’évéraient découvertes pourraient sérieusement nuire à la réputation du studio, dans les meilleurs cas, ou vous amener devant la justice. Heureusement, pour garder secrets vos plus sombres agissements il existe des moyens, pour peu que vous ayez pris le soin de construire le bâtiment de la sécurité et engagés les agents adéquats (entendez par là peu scrupuleux). Mais gare aux raids éventuels de la Police avec qui il faudra rester en bon terme, quitte à devoir faire des compromis.
Et c’est là que le jeu brille par son aspect psychologique : il vous met devant des choix moraux, car des fois il est bien tentant de céder à la tentation de faire affaire avec des gens peu recommandables ‘pour le bien du studio’. Par exemple le boss de la Mafia vous contacte pour porter à l’écran sa biographie (à peine romancée) avec à la clé un bonus d’un million de dollar pour couvrir les frais du studio. Le genre de proposition qu’il est difficile de refuser.
Et le Truand
Cependant, tout comme à Hollywood, tout n’est pas rose dans Hollywood Animal. Quelques fois le jeu se bloque sans que l’on sache vraiment pourquoi lors de certaines actions. Dans ce cas il est heureux qu’il existe une sauvegarde automatique des parties. Les écrans larges ne sont pas pris en compte par la résolution. Donc avoir un écran au top ne vous apportera pas un plus en terme de lisibilité. A chaque nouvelle partie le tutoriel, certes très bien fait, vous est imposé, ce qui peut être agaçant à la longue. Autre problème, vos employés ont une grosse tendance à la déprime. Oui, vous allez me dire qu’après tout c’est l’époque de la Grande Dépression.

Mais là c’est trop, rien ne semble les satisfaire: que ce soit les salaires mirobolants, une assurance maladie, la célébrité ou les succès au box-office. La solution semble être de leur offrir des cadeaux: apparemment ils sont tous collecteurs de montres en or! Il va donc falloir que votre studio se transforme en horloger de luxe. C’est absurde et même risible, mais vous rigolerez moins lorsque vos stars du grand écran commenceront à se suicider en masse faute de Rolex! Autre inconvénient, mais lié à l’accès anticipé, certaines fonctions de l’arbre de recherche ne sont pas, encore, accessibles. Autre bug : les bâtiments se dégrade au fur à mesure que le temps passe, ce qui est réaliste. Vous pouvez les réparer en ayant débloqué la technologies ‘équipes de maintenance’ Mais le problème est que certaines fois cela ne fonctionne pas. Il vous faut alors abattre le bâtiment et le reconstruire, avec bien sur la perte de temps et d’argent que cela occasionne.
Autre problème : un souci d’équilibrage. Au bout de quelques années, si votre studio a réussi à survivre financièrement, il va pouvoir engager les meilleurs scénaristes, producteurs, réalisateurs et acteurs. Et ainsi, les avancées technologiques aidant, tous vos films vont devenir des chefs-d’œuvre, réalisant des records d’audience. Idem pour vos concurrents. Dans la réalité même les grands studios sont incapables de sortir les classiques à la chaine et touchant leurs audiences à tous les coups. Les excellents films sont plus l’exception que la règle et ce devrait être le cas dans Hollywood Animal.
Hollywood, we have a problem!
Mais il y plus grave, après avoir fonctionné plutôt bien durant plus de 26 heures, en ce qui me concerne, le jeu met maintenant un temps fou à démarrer. Il se fige après l’introduction. Il faut insister et continuer le processus pour qu’au bout de (longues) minutes le jeu daigne démarrer. Vérifier les fichiers du jeu ne résout pas le problème, pas plus qu’une désinstallation suivie d’une réinstallation. D’un point de vue technique on pourrait croire que la fausse 3D épargne votre carte graphique, il n’en est rien, en fait la mienne chauffe plus à l’usage de Hollywood Animal qu’à celui de jeux pourtant, en principe, bien plus gourmands en ressources graphiques.
Oscar ou Razzie Award ?
Alors, faut-il se précipiter sur Hollywood Animal ? La réponse est malheureusement non, et c’est là le sentiment d’un fan déçu par les bugs en pagaille qui gâchent un jeu qui pourrait être excellent. Le jeu a-t-il la potentialité de devenir une perle ? De mon point de vue, assurément oui, tant la profondeur et l’intérêt sont là. Mais pour le moment, mieux vaut attendre un peu avant de s’engager, pour éviter d’être dégouté.
Les développeurs, très actifs et réactifs, ont préparé une feuille de route assez fournie avec comme priorité l’éradication des bugs majeurs pour la fin du mois d’Avril. J’ai comme un doute là-dessus, mais il faut être optimiste lorsque l’on teste des jeux en accès anticipé. De plus, des ajouts de contenus sont prévus pour les mois de Mai, Juin et Juillet. On espère donc que d’ici là le jeu deviendra enfin jouable sans être frustrant.
Genre : Gestion de studio hollywoodien
Développeur : Weappy Wholesome
Éditeur : Weappy Studio
Date de parution en Early Access : 2024
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur