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Early Access: Destiny’s Sword

Fallait bien que ça arrive. Mon irascible boss m’a chopé au détour d’un couloir pour me demander si je voulais me porter volontaire pour tester un jeu que toute la rédaction avait soigneusement esquivé. Mon sens du devoir (et une certaine insistance de la hiérarchie) m’a donc conduit à tester ce jeu dont j’ignorais jusqu’à l’existence : Destiny’s Sword. Du coup lecteur inconnu, je me suis retrouvé exactement dans la même situation que toi.

C’est quoi, au juste, Destiny’s Sword ? Quelques heures de jeu plus tard, force est d’avouer que je ne suis pas beaucoup plus avancé sur cette question. Destiny’s Sword est, en effet, un bidule étrange à la croisée des chemins entre le Visual novel et le jeu de plateau.

Dans un énième futur dystopique, le jeu vous demande de prendre en main une escouade de swats chargée de pacifier Cypris, planète industrielle en proie à des récriminations syndicales de plus en plus violentes (non, ce n’est pas la France, c’est une dystopie qu’on vous dit). Alors que la galaxie est en ébullition, le gouvernement galactique tente, par tous moyens, de stopper la progression et l’emprise politique et économique d’un consortium industriel appelé… The Consortium.

Ouaip, côté inventivité, ça ne commence pas fort. Bien évidemment, la planète Cypris, du fait de sa production de Lucidium, minerai extrêmement prisé puisqu’il permet de faire rouler les Twingos © du futur, se trouve au centre du conflit.

Les mouvements indépendantistes, de plus en plus vocaux, multiplient tant les actions coup de poing que l’empire galactique se trouve obligé d’envoyer vos braves bidasses pacifier la population locale à coups de baffes.

À partir de là, le jeu va alterner des scènes de dialogues typiques du Visual novel (comprendre une succession de portraits de personnage figés qui s’expriment à tour de rôle en regardant fixement la caméra pendant que le joueur choppe une tendinite en cliquant sur sa souris) et des scènes plus ou moins interactives au cours desquels il vous sera demandé de prendre des décisions lors de certains passages cruciaux.

Imaginez-vous au beau milieu d’une foule hostile : allez-vous tenter de raisonner les meneurs ou leur balancer des grenades fumigènes et sortir les matraques ? Bref, on n’est pas loin du livre dont vous êtes le héros.

Et c’est là que se situe la première étrangeté du bidule. On a parfois l’impression que le jeu se contrefout des décisions que l’on peut faire. Après avoir testé plusieurs options, j’ai eu la sale impression que le jeu lançait des dés invisibles pour déterminer l’issue sans s’intéresser au bien fondé des décisions du joueur. Dans d’autres cas, j’ai eu le sentiment que le déroulement resterait le même quelle que soit l’option choisie.

Ce fut notamment lors des scènes de combat, illustrées par quelques artworks, plutôt réussis au demeurant, au cours desquels la tournure des combats semblait plus dépendre de ces saletés de dés invisibles que d’un choix stratégique de votre humble serviteur.

Autant dire que les choses peuvent rapidement devenir frustrantes. Et n’attendez pas un quelconque gameplay axé sur la stratégie et l’utilisation de votre escouade vu que les combats se déroulent automatiquement en suivant une ligne chronologique au cours de laquelle divers événements scriptés vous forcent à prendre certaines décisions sur le fil. A ceux qui se sont faits avoir par le trailer Steam : non, ce n’est clairement pas un jeu à la X-Com.

Des manifestants tagguent un mur ? Faut-il accepter de les laisser filer, sécuriser un périmètre et éviter de tomber dans une potentielle embuscade ou leur courir après pour leur expliquer que, futur dystopique ou non, dégueulasser le mur de Madame Michu ne se fait pas, bande de petits salopiots ?

Ici pas de placement de troupes sur un damier, pas d’actions à effectuer mais de simples décisions à prendre au fil de différentes scénettes, un peu comme dans un jeu en FMV.

D’autres phases de jeu consisteront à échanger avec les membres de l’équipe pour apprendre à les connaître, les rassurer, trancher les différends qui peuvent entre eux ou les engueuler quand ils ont bien foiré leur mission.

Oui, vous êtes coupable du ratage, au moins partiellement, mais comme le rédac’ chef me chuchote à l’oreille, la hiérarchie n’a jamais tort. Ce sera donc le bidasse qui prendra.

Et c’est au bout de quelques dizaines de minutes de jeu que les failles plus ou moins béantes commencent à apparaître.

Entre les bugs qui laissent s’afficher des messages en surimpression et qui empêchent soit de lire le texte derrière, soit carrément de sélectionner une commande et ceux qui bloquent purement et simplement la partie, les occasions de rager et de renvoyer la prochaine partie aux calendes grecques sont nombreuses.

Ainsi, lors d’une première partie, les membres de l’équipe se trouvent contraints d’aider le personnel médical à soigner les victimes d’un attentat. S’ensuit alors une série de patients, présentant des pathologies plus ou moins diverses et plus ou moins graves, au cours de laquelle nos braves bidasses bi-classés secouristes doivent décider des premiers soins à leur conférer : passage au scanner ou simple attelle.

Oui, c’est complètement buggé et le menu est en esperanto

Au bout de quatre patients – moyennement bien – traités, la liste demeure désespérément vide tandis que le jeu refuse purement et simplement de me laisser poursuivre l’aventure. Je me dis que j’avais probablement raté un événement ou oublié de déclencher une séquence. Que dalle.

Après avoir tenté en vain de passer ce point de blocage et n’écoutant que mon courage, je me résouds à relancer une nouvelle partie et là, miracle, la liste des patients voit s’ajouter de nouveaux patients après les quatre premiers cobayes et le jeu peut enfin se poursuivre. Autant dire qu’on est sur du gros méchant bug.

Ajoutez à ça des options strictement inexistantes (en gros, mode plein écran ou mode fenêtre et c’est à peu près tout), un jeu à moitié traduit, manifestement via google trad (les titres et menus sont vaguement traduits en français, erreurs de frappe et de typo en bonus tandis que le reste du jeu reste en VO), et vous avez un beau repoussoir.

À la limite, je pourrais passer outre ce manque évident de finition, d’autant qu’il s’agit d’un jeu en Early access et vendu à prix doux, si le jeu ne me posait pas un problème autrement plus sérieux.

Alors oui, les illustrations sont plutôt réussies et le scénario ne semble pas inintéressant quoique classique mais, au bout de quelques heures de jeu, je m’ennuie déjà fermement.

Destiny’s Sword ne parvient, malgré sa bonne volonté manifeste, à m’intéresser ni à son histoire, ni à ses personnages.

Et pour un jeu purement narratif, c’est assez problématique. Les tentatives des développeurs pour créer une connexion entre le joueur et les membres de son escouade ne fonctionnent pas et je continue à me désintéresser de ces types et de leur pathos.

Et le sentiment de n’avoir que peu de prise sur le déroulement de l’intrigue joue vraisemblablement pas mal sur ce désinvestissement progressif. À l’arrivée, je me demande à qui peut et va s’adresser ce jeu que j’aurais voulu apprécier.

Warning : this is NOT the game you will plan (And, by the way, all your base are belong to us)

Les amateurs de stratégie auront l’impression de s’être fait balader par la description du jeu et regretteront amèrement que les phases de combats ne donnent pas lieu à des passages en RTS ou tour par tour tandis que les amateurs de Visual Novels (dont je fais vaguement partie) n’y trouveront peut-être pas leur compte.

Au-delà de la correction des nombreux bugs, le chemin va être long pour convaincre les joueurs PC de s’intéresser à ce Destiny’s Sword. Le plus dingue est que le jeu semble avoir été repensé intégralement en fonction d’un budget réduit au strict minimum.

Il suffit de voir le trailer présent sur le site officiel pour constater que les reproches faits à Destiny’s Sword, et notamment les phases de combat, semblent provenir d’une refonte intégrale du jeu pour s’accommoder de moyens financiers modestes.

Bref, c’est un peu comme s’il ne restait que l’ombre de ce que le jeu aurait voulu être. Et c’est difficile à pardonner.

Genre : Visual novel / Livre dont vous êtes le héros

Développeur : 2Dogs Games Ltd

Éditeur : Bonus Stage Publishing

Prix : 8.99€ (PC)

Date de sortie : 17 octobre 2022

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Baalim

Vieux joueur, atariste convaincu, collectionneur de trucs bizarres et hétéroclites, geek à ses heures perdues, pratiquement certain de n’avoir rien signé et de ne pas être payé, il se demande encore ce qu’il fait là.