Demo: Task Force Admiral
MicroProse est l’un des éditeurs mythiques du jeu de stratégie informatique. Oui à l’origine X-COM et Civilization c’étaient eux. Mais, au fil des années et de multiples rachats et reventes la marque était peu à peu tombée dans l’oubli. Jusqu’à l’arrivée de David Lagettie un entrepreneur australien, ancien développeur de Bohemia Interactive (les créateurs d’Arma) qui en racheta les droits en 2018. Son idée étant de recentrer MicroProse sur ce qui avait fait son succès : les wargames. Et cela se déroule plutôt bien car après les excellents Second Front et Sea Power l’éditeur vient de présenter une démo de son nouveau bébé, tout en lançant un kickstarter pour une version de luxe (financée en deux heures !). Il s’agit de Task Force Admiral, clin d’œil à peine voilé à Task Force 1942, un titre de la marque sorti au siècle dernier, qui tournait alors sous MS-DOS.
Et tout comme son illustre ancêtre, Task Force Admiral a pour thème la lutte aéronavale acharnée que se livrèrent l’US Navy et la Marine Impériale Japonaise pour le contrôle du Pacifique à partir de 1942. Petit cocorico, le jeu est réalisé par Drydock Dreams Games, un studio français, comme son nom ne l’indique pas, qui travaille dessus depuis 6 ans.
Les terreurs du Pacifique Sud
Le jeu vous met, en solitaire, à la tête d’une Task Force américaine composée d’un ou plusieurs porte-avions et de leurs navires d’escorte au cours de scénarii historiques ou hypothétiques. Dans la démo seul le scénario de la bataille de la mer de corail (début mai 1942) est disponible, mais il vous permettra néanmoins de profiter de longues heures de jeu. Les forces japonaises quant à elles sont prises en compte par l’IA.
Nous avons affaire à un wargame aéronaval, exclusivement en anglais, se déroulant en temps réel (que l’on peut mettre en pause) avec une modélisation 3D très poussée. Le jeu comporte pas mal de similitudes avec Sea Power, mais ici fini les Grumman F-14 Tomcat et bienvenue aux Grumman F4F Wildcat. Bye-bye l’USS Yorktown (CG-48), croiseur lance-missiles des années 80, bonjour… l’USS Yorktown (CV-5) porte-avions des années 40. Il est d’ailleurs à noter que la musique des deux jeux est composée par le même duo : Aleksi Aubury-Carlson et Jonathan Figoli et qu’elle est dans les deux cas très réussie.

Beau comme un avion
S’il y a bien une tendance actuelle dans le microcosme des wargames informatiques, c’est la fin annoncée des jeux moches. Les unités autrefois représentées par quelques pixels laissent maintenant la place à de somptueuses représentations 3D, et l’environnement est lui aussi finement modélisé. Ainsi dans Task Force Amiral il existe trois niveaux de représentation de vos unités. La vue du centre de commandement opérationnel de votre Task Force, avec une traditionnelle carte en représentation 2D où vous pourrez donner les ordres de mouvement à vos forces navales et vos appareils et les voir évoluer, ainsi que ceux de l’adversaire.
Du moins à condition qu’ils aient été repérés. Une carte plus tactique permet de zoomer sur votre Task Force et d’ajuster la disposition de vos porte-avions et de leur escorte. Enfin, vue ultime, la représentation 3D de chacune de vos unités avec le Pacifique sud comme toile de fond, et là c’est superbe, les copies d’écrans accompagnant cet article et la bande annonce du jeu devraient vous en convaincre. Les nuages en particulier sont très bien modélisés graphiquement, mais aussi au niveau du gameplay, puisqu’il influeront, comme il se doit, sur la possibilité de détecter les unités ennemies.

Planifier ou périr
Vous allez me dire que c’est bien beau tout cela, mais quid de l’intérêt tactique ? Car oui, outre son aspect visuel bien léché Task Force Admiral est avant tout un wargame et à la fois un jeu de gestion. Alors comment ça marche ?
Tout ce planifie à partir de votre centre de commandement opérationnel, installé à bord de l’un de vos porte-avions. C’est de là que vous allez donner vos ordres et gérer la situation via un menu composé de cartes et de différents tableaux. Au départ l’interface, bien que graphiquement agréable à l’œil, est un peu intimidante, impression renforcée par le manuel de jeu de plus d’une quarantaine de pages. Ce manuel (que je vous conseille de lire) est bien fait et très didactique. Si vous préférez les vidéos, un tutoriel (en anglais) a aussi été mis en ligne sur You Tube par un fan du jeu.
Une fois l’interface maîtrisée votre routine du jour sera l’envoi d’avions en reconnaissance à la recherche de la Task Force ennemie. A vous de déterminer leur type, leur direction et la distance qu’ils devront parcourir, sachant qu’une fois lancés pas question de rappeler ces appareils. D’autant plus qu’ils disparaîtront de la carte une fois hors de portée de vos propres radars et ne seront même pas sûr de pouvoir rejoindre le porte-avions au retour (ils peuvent se perdre en route).
Et oui, vous êtes en 1942, et vous êtes loin d’être omniscient. Ici pas d’AWACS (avion de commandement et de détection à longue portée) mais dans le meilleur des cas des radars primitifs et, surtout, les yeux de vos pilotes. Pas de GPS (mais des compas pas toujours fiables). Pas de liaisons de données, mais des radios à la portée limitée. Bien sûr les appareils envoyés en reconnaissance ne pourront pas participer aux combats. Il faudra donc choisir entre en lancer trop (et se priver de leurs capacité offensives) ou pas assez (et risquer de ne pas pouvoir repérer l’ennemi).

Ensuite il faudra assigner certains de vos chasseurs en CAP (Combat Air Patrol), patrouille dont le but est de protéger la Task Force de l’attaque d’aéronefs hostiles. Là aussi il faudra déterminer le nombre d’appareils ainsi que la direction et le rayon de leurs patrouilles. Les envoyer loin permettra de découvrir d’éventuels assaillants plus tôt, mais réduira la durée des patrouilles, le carburant étant bien sûr pris en compte dans le jeu.
Autre dilemme, vos chasseurs engagés dans des missions de CAP ne pourront pas participer à l’escorte de vos bombardiers et ces derniers risquent de se faire massacrer par les chasseurs adverses s’ils doivent se défendre seuls. Mais d’un autre côté ne pas assigner assez de chasseurs en protection de la flotte peut mettre vos porte-avions en grand danger.

Enfin, pour peu que vos avions de reconnaissance aient repéré la flotte ennemie vous pourrez envoyer vos bombardiers à l’assaut de ses porte-avions. Là aussi vous serez confrontés à de multiples choix : type (bombardier en piqué, avions torpilleurs), nombre, direction (sachant qu’entre le moment où vous aurez lancé vos appareils et leur arrivée sur zone, la flotte ennemie aura probablement changé de position), éventuelle escorte de chasseur, etc.
Allez-vous grouper tous vos appareils dans une attaque massive, pour saturer la défense adverse, sachant que les rassembler prendra beaucoup de temps ? Ou allez-vous lancer de multiples raids successifs, plus rapides et flexibles à mettre en œuvre ?

Dans Task Force Admiral la gestion de la temporalité est fondamentale, car dans la guerre navale la victoire revient souvent au camps qui arrive à frapper l’adversaire le premier et de manière décisive. Et c’est vraiment dans le domaine de la modélisation des opérations d’un porte-avions que le jeu sort du lot. Tout est une question de tempo quant à la gestion de vos appareils. Il faut les préparer et les armer, les amener des hangars vers le pont d’envol (via les ascenseurs), dégager le pont et déterminer l’ordre de décollage, faire manœuvrer le porte-avions (et son escorte) dans le vent, gérer les appontages des appareils de retour de mission, etc.
Tout cela est, fort heureusement, totalement pris en compte par l’IA, qui vous fournira un programme précis des opérations suivant les ordres que vous aurez donné. Mais il faudra que ces ordres aient un sens. Faites n’importe quoi et vos pilotes devront patienter des heures avant de décoller ou d’apponter. Et pendant ce temps-là l’ennemi ne sera pas resté inactif. Rien de plus fatal que de vous faire surprendre avec tous vos appareils sur le pont d’envol avec leur chargement de bombes, comme les japonais en ont fait la triste expérience à Midway. En résumé, dans Task Force Admiral il faudra planifier ou périr.

La guerre des nerfs
Une fois vos appareils en vol, vous pourrez rester dans le menu du centre de commandement, comme l’aurait fait historiquement un amiral, sans autre information que les rapports envoyés par vos avions. Mais ce serait vous priver des superbes graphismes du jeu, qui vous permettent de vous projeter au côté de n’importe lequel de vos navires ou de vos avions et de profiter en tant que spectateur des exploits (ou non) de vos pilotes. En tant qu’amiral il vous est impossible d’intervenir dans la résolution des combats, ce qui est tout à fait réaliste, mais peut être frustrant.
Il vous faudra donc serrer les dents lorsque vous verrez les vagues d’avions torpilleurs japonais Kate foncer au raz des flots vers vos navires, ou lorsqu’au contraire vos bombardiers en piqué Dauntless bravant les feux de la DCA plongeront vers les porte-avions japonais. Les fans des films consacrés à la bataille de Midway (tant celui de 2019 que son prédécesseur de 1976) adoreront.

Il est à noter que l’IA se révèle à cette occasion très compétente. Vos avions et ceux de l’adversaire adoptant des tactiques réalistes, comme par exemple d’attaquer les navires ennemis de plusieurs directions à la fois, afin de limiter leurs capacités d’évitement.
Une fois de retour au porte-avions vos pilotes feront un débriefing de leurs actions, listant leurs pertes (humaines et matérielles), le nombre d’appareils adverses détruits, etc. Sachant qu’à tout moment vous pourrez connaitre le statut de vos escadrons (nombre de pilotes, disponibilité des avions).

Rendre compte
Généralement, il existe deux type de démos, celles quasi incomplètes et bourrées de bugs auxquelles vous jouez dix minutes et à l’inverse celles donnant un très bon aperçu du produit à venir et vous offrant, gratuitement, de longues heures de jeu. Task Force Admiral fait définitivement partie de la seconde catégorie. D’autant plus qu’une fois le scénario terminé il existe un générateur de batailles.
Ce dernier est certes basé sur les effectifs du scénario de la bataille de la mer de corail, mais il offre un placement aléatoire des forces, et de la météo, et vous permet de choisir le nombre de vos porte-avions (de un à deux) et ceux de l’adversaire (de un à trois). Il en va de même pour le niveau de compétence des pilotes des deux camps. De quoi renouveler l’incertitude tactique qui fait tout le sel du jeu.

Bien sûr, démo oblige, tout n’est pas parfait. Il y a les inévitables bugs d’affichage et quelques fonctions de gameplay à améliorer comme le fait que vos appareils aient des indicatifs radio, mais qu’il soit impossible de les identifier sur la carte grâce à cela. Ou encore l’impossibilité d’effacer une mission du menu, même si tous les appareils qui la composaient ont été détruits.
L’interface, quant à elle, n’est pas toujours intuitive et conviviale. Enfin, il est impossible de jouer la marine japonaise, et a priori ce n’est pas une priorité pour les développeurs. Ainsi, tout n’est pas parfait dans cette démo, mais on en a assurément bien plus que pour son argent…vu que l’on a rien dépensé. Task Force Admiral est donc une démo à conseiller aux fans de combat aéronaval, dans l’attente du produit fini qui si les développeurs continuent sur cette voie devrait être grandiose.
Genre : Stratégie
Développeur : Drydock Dreams Games
Editeur : MicroProse Software
Date de Sortie : Non annoncée