Ara: History Untold
Le discret mais attendu 4x de Microsoft, Ara: History Untold, est disponible depuis le mois de septembre. Un titre ambitieux, potentiel civ-killer en lequel de nombreux amateurs plaçaient leurs espoirs, mais malheureusement victime d’une réception des plus mitigées.
Plutôt comblé en la matière cette année avec les DLC de Old World et le clivant Millennia, j’ai préféré attendre d’éventuels correctifs avant de plonger dans ce titre qui m’intrigue sans m’attirer plus que de raison. Quelques heures plus tard le verdict est sans appel.
Dans la lignée des 4x traditionnels, Ara: History Untold charge le joueur du développement d’une nation de l’âge de Pierre jusqu’à une ère futuriste et synonyme de fin de l’humanité. Pas moins de 40 civilisations au choix pour arpenter ce parcours ambitieux divisé en 12 âges, un nombre surprenant qui montre la volonté des développeurs d’offrir un titre généreux.
Mais si Ara fonctionne dans les grandes lignes comme un 4x traditionnel, il cherche à innover et revoir certains codes du genre au risque de donner l’impression de jouer à un jeu de grande stratégie plus qu’à une alternative à Civilization.

Le but du jeu, amasser du prestige. Quel que soit votre style de jeu habituel, scientifique, militaire, culturel ou autre, la finalité reste de gagner un maximum de points de prestige. Pour ce faire, toutes les actions effectuées, de la simple construction d’un bâtiment à l’ouverture d’une route commerciale en passant par une victoire militaire vous en rapporteront. À la façon d’un Battle Royale, un bilan s’opère tous les 4 âges, lors du changement d’acte, avec élimination directe des joueurs en retard dans cette course folle. Puis à la fin, lors du troisième acte, c’est le sprint final.
Une condition de victoire unique que je regrette, où l’on scrute en permanence son score et les différents moyens de l’augmenter faute de s’immerger dans le développement de son empire. On ne gère pas une civilisation mais un générateur de points. Pris dans cette course, les joueurs peuvent être tentés de passer rapidement les âges, pour débloquer de nouvelles options ou simplement rester dans le peloton. Mais attention, les technologies non recherchées lors d’un changement d’ère se trouvent perdues pour le joueur en question, qui risque d’entraver son développement le temps de déverrouiller une solution alternative.

La première chose qui frappe une fois la partie lancée : l’échelle de jeu. Une vue de loin, où les villes sont représentées par un bandeau et les unités par une icône. Pas d’hexagones à l’horizon, mais des régions irrégulières qui tapissent un continent sans vie, à l’exception d’une poignée d’icônes éparses et imperceptibles d’animaux en attente d’être chassés ou de ressources spéciales à exploiter. Cependant, une fois observé à travers un microscope ce monde prend une toute nouvelle forme.
Les contours de la ville se dessinent, les régions se divisent en quartiers grouillant de vie et la carte jusqu’alors sommaire révèle un niveau de détail inattendu. Le travail graphique réalisé est remarquable, plus proche d’un city-builder que d’un 4x, avec une représentation fine de chaque structure et l’animation de votre population. Le gap avec Old World, pourtant référence en la matière, est colossal. Mais entrons plus en détail sur les mécaniques de jeu. L’enrobage graphique est une chose appréciable mais totalement secondaire pour un jeu de stratégie.

Pour pallier l’absence d’hexagones, Ara: History Untold sectorise les régions en un nombre variable d’emplacements, chacun capable d’accueillir un aménagement. Hormis le fait de construire une ville avec des frontières plus organiques, la finalité reste la même que sur un jeu avec hexagones. Il sera préférable de construire des fermes sur les régions abondantes en nourriture pour maximiser leur production, ou des camps de bûcherons sur celles riches en bois.
Lorsque les conditions sont réunies pour une expansion de votre ville, à savoir produire suffisamment de nourriture et posséder le nombre adéquat de logements, vous revendiquez la région adjacente de votre choix. Le jeu n’intègre pas d’expansion automatique des frontières, créant ainsi une pénurie d’emplacements et la nécessité de ne pas les gaspiller en aménagements inutiles. Un sujet délicat quand on sait que le jeu en propose près de 120…

Entrons dans le vif du sujet. Sur ces 120 structures à construire, une bonne partie servira à améliorer l’un des cinq indicateurs de qualité de vie de votre ville (bonheur, éducation, santé, sécurité, prospérité) et une cinquantaine vont produire des biens. D’un seul type pour certaines, comme le champ de fleurs, et jusqu’à 18 différents pour l’atelier. Mais vous ne pourrez en produire qu’un type à la fois par bâtiment.
Leur utilité est vaste, du simple consommable apportant un gain temporaire à votre ville (ex : un festin) à l’équipement permanent à rattacher à un aménagement pour améliorer sa production (une charrue pour la ferme). Sans oublier bien sûr les matériaux nécessaires à la construction de chaque aménagement ou la production des unités. Le jeu abonde de contenu, à peu de choses près autant qu’un Millennia.

Il s’y prend malheureusement beaucoup moins bien que ce dernier pour gérer les différentes productions et chaînes qui en découlent, comme pour gérer simplement vos villes. La faute à une interface lourde et peu intuitive qui force à la micro-gestion et requiert d’incessantes et nombreuses manipulations capables de générer une perte d’engagement de la part du joueur.
Et ce malgré les patchs qui ont pourtant facilité ce pan du jeu ! Je ne peux conseiller Ara: History Untold qu’à ceux qui se passionnent pour le passage en revue de chaque atelier, de chaque structure, afin de contrôler le type et le nombre de biens en cours de production, ainsi que les éventuels bonus rattachés pour l’accélérer. Autrement le jeu vous tombera des mains. Moi c’est le cas et pourtant j’aime ça, à la condition que ce soit implanté de façon confortable et intuitive plutôt que fastidieuse. Ara est une simulation de tenue de compte d’apothicaire, confondant au passage complexité avec profondeur.

4X oblige, les parties ne s’arrêtent pas à la gestion économique de votre empire. Elles s’agrément par exemple d’échanges diplomatiques avec les autres nations. Si une fois de plus ce volet a bénéficié d’un soin notable sur le plan esthétique, il se révèle extrêmement limité et peu crédible.
Un exemple pour illustrer mon propos : après avoir offert des cadeaux pour devenir ami avec un adversaire, ce dernier ravi me propose le tour suivant une alliance. J’accepte volontiers sa requête, pour m’apercevoir après validation qu’il me considère subitement comme un adversaire.

Le tour suivant, bingo, il me déclare la guerre. Quelques tours plus tard, le bougre en difficulté me demande un cessez-le feu, que j’accepte, en entamant en parallèle un siège sur l’une de mes villes. Par chance, ce grand stratège avait décidé de m’attaquer avec une force de 25 contre ma légion de force 150. Après cet échec cuisant il demande une trêve, que je refuse, et voilà que cette dernière est malgré tout forcée ! Du grand n’importe quoi.
Le volet militaire reste cependant intéressant, avec un système d’armées regroupant une à plusieurs unités qui adopteront une formation définie. Le combat se déroule de manière automatique et sur plusieurs tours, avec une fenêtre de résolution optionnelle sous forme de cinématique bien réalisée. En cas de besoin, il est possible de renforcer les troupes avec des unités supplémentaires pour faire basculer les pronostics en notre faveur. N’appréciant par les combats tactiques sur les 4x, sauf ceux de Old World, cette formule semi-passive me plaît. Une note positive concernant le système de déclaration de guerre, dans lequel on choisit un objectif à atteindre en un nombre de tours défini.

Capture d’une ville précise, simples représailles visant à un affaiblissement, annihilation complète de l’ennemi, différents plans que la nation adverse cherchera à déjouer. Je trouve l’idée excellente. Tout comme la mécanique de siège. Une ville fortifiée nécessite des outils de siège et une attaque en amont des défenses pour permettre son invasion. Je suis en revanche moins séduit par la gestion fastidieuse des armées, qui nécessitent une micro-gestion supplémentaire et un gaspillage de tours, notamment pour créer ou défaire des formations depuis ou vers la réserve.
Pas de commentaire particulier sur les autres mécaniques du jeu, qui tournent grosso modo autour de l’optimisation. La religion fait bien le travail, avec la création régulière de versets qui octroient des bonus aléatoires au choix, tout comme le système de personnages illustres à attribuer aux différents postes du gouvernement, variable lui aussi, pour bénéficier de bonus supplémentaires et tout aussi sujets au hasard. On lorgne ici près de la salade de chiffres. Des +1 par ici, des +5% par là, qui affluent en pagaille via différentes mécaniques secondaires.

Le jeu me fait penser en ce sens à Humankind, que je n’ai pas aimé pour cette raison. Enfin, le jeu fournit sont lot de statistiques intéressantes qui vont de pair avec le besoin d’optimisation ainsi qu’une encyclopédie détaillée et fort pratique pour apprendre les rouages ou rafraîchir sa mémoire. Un très bon point.
Malheureusement, aussi magnifique soit-il, ARA est une déception. Au-delà de n’avoir aucune appétence pour l’enrobage visuel, surtout quand l’optimisation n’est pas au rendez-vous, je n’adhère pas à sa micro-gestion pointilleuse qui noie le joueur de chiffres et manipulations fastidieuses et déséquilibre selon moi l’expérience au détriment du plaisir d’expansion ou des autres pans de jeu.

À trop gérer dans le détail, on se trouve paradoxalement détaché de notre rôle de dirigeant, à naviguer de fenêtres en fenêtres pour le moindre outil, la moindre amélioration, avec toujours en tête cette course aux points capable de nous éjecter de la partie.
Ce qui fait un bon 4x selon moi, c’est un équilibre alliant profondeur et simplicité. Un jeu confortable et aux mécaniques épurées qui donnent envie de jouer un tour de plus sans sacrifier les possibilités stratégiques. Ce n’est malheureusement pas le cas de Ara: History Untold, qui fait selon moi tout l’inverse.
Genre : 4X
Développeur : Oxide Games
Editeur : Xbox Game Studios
Date de sortie : 24 Septembre 2024
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur
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