1917
Difficile de parler d’un film à chaud, lorsqu’on a encore les oreilles un peu sourdes du volume sonore, l’horizon rempli d’images IMAX. J’avoue que je me suis rendu au ciné un peu dubitatif, il y a peu de productions récentes qui m’ont convaincu, encore moins à grand budget. J’ai vu Hacksaw Ridge en blu-ray que j’ai bien apprécié mais il y a un certain air de réchauffé aux films de guerre actuels, déjà que ceux-ci ne sont pas nombreux. Ce qui m’intéressait dans 1917 c’était ce faux plan séquence qui compose le film, cette manière de suivre deux soldats en « temps réel » alors qu’ils doivent apporter un message à une unité enfoncée en terrain ennemi afin d’éviter que celle-ci ne tombe dans un piège.
Je ne donnerai pas beaucoup plus d’informations sur le scénario, il est après tout assez succinct. Le contre la montre est lancé et les deux hommes vont passer d’un environnement à l’autre, alternant les passages de calme et de forte intensité. Les contacts avec les autres hommes sont rares, donnant ainsi plus de caractère aux environnements, chacun ayant une identité propre.
Le travail sur les décors est d’ailleurs excellent, beaucoup sont imposants et on sent que ce n’est pas du CGI. Ils sont remplis de détails qui rendent le tout très crédible, quitte parfois à faire naître une petite grimace de dégoût.
La tension est présente tout du long, accompagnée d’une musique très juste qui va augmenter celle-ci et renforcer le côté viscéral du film. L’immersion est presque totale et une fois que le film vous tient il ne vous lâche plus. La tension ne redescend d’ailleurs pas durant les moments calmes mais ceux-ci vont permettre aux différents événements du film d’avoir un plus gros impact.
1917 évite aussi la plupart des clichés du genre et ses quelques défauts mineurs sont assez vite oubliés lorsqu’on est scotché à son siège. On en ressort un peu sonné, on a vécu quelque chose. Les acteurs principaux sont peu connus ce qui rajoute au côté authentique du film, les nombreux caméos ont selon moi donné encore plus de poids au jeu d’acteur de George MacKay mais à part ça n’apportent en général pas grand chose de plus.
Le fait que le film se passe principalement en extérieurs (même si quelques scènes de contraste démontrent à nouveau le savoir faire de Roger Deakins) ne donnera probablement pas aussi bien dans votre salon qu’au cinéma, c’est le genre de film qui a besoin d’espace, d’un écran assez grand pour vous captiver pendant les deux heures qu’il dure. Je ne peux donc que conseiller d’aller le voir tant qu’il est en salle.
1917 est un film à voir sans hésitation, une réelle expérience, qu’on soit amoureux d’histoire ou simple curieux. La guerre est là au bout des doigts, jamais loin, avec ses absurdités et ses horreurs, tout peut basculer à chaque instant sans pour autant chercher de l’action sans arrêt. Sam Mendes a réussi à offrir un renouveau au film de guerre, peut-être pas une tendance mais un film à part qui pourra à nouveau se regarder et qui devrait d’ailleurs être vu par beaucoup. Vous l’aurez compris, si vous devez aller voir un film ce mois-ci, ce sera celui-ci.
Directeur : Sam Mendes
Acteurs principaux : Dean-Charles Chapman, George MacKay
Photographie : Roger Deakins
Musique : Thomas Newman
Production : Dreamworks pictures
Distribution : Universal pictures
Date de sortie : 8 janvier 2020
Ah c’est marrant, enfin façon de parler, j’ai eu un ressenti inverse : je trouve que le plan séquence n’apporte rien en tension, il a même tendance à faire ressortir la réalisation par moment ; chaque rencontre avec d’autres humains m’a semblé raté, presque caricaturale parfois (le camion avec les soldats) voir risible (la scène avec le bébé ou les réplique de Sherlock à la fin) ; le film arrive même à glorifier l’héroïsme d’une seule personne au milieu de la masse alors qu’on sent qu’il cherche à nous dire « la guerre c’est mal, y’a rien de glorieux et puis ce sont des hommes aussi qui meurent là ».
Alors que putain, y’a des trucs tellement bien dans ce film : les scènes d’errance, la poésie de certains trucs, visuellement ça défonce (la ville en feu de nuit, complètement ouf), il arrive à te faire des plans de taré (de façon gloable c’est super maitrisé – trop même) et MacKay est vraiment juste.
Ma copine a bien résumé ce que je pense : y’a deux films dans le film. Un qui aurait put être vraiment bien, un vraiment raté. Dès que ça parle, ça se vautre.
Bon après de ce que j’ai compris autour de moi, on est un peu les seuls à avoir vu ça.
L’alcoolisme surement.
La scène avec le bébé est à mes yeux la seule scène réellement ratée parce qu’elle est trop télescopée. Les caméos je trouve en effet qu’ils ont plus tendance à sortir du film qu’à l’aider mais ça permet de faire des pauses. Pour le camion, j’ai un avis divergeant, pour moi ça apporte pas mal justement : l’absurdité de la guerre ou tout aurait pu être différent à quelques instants prêts, l’insouciance des soldats (même si clairement on est plus à la même époque et y a plus ni les mêmes gens ni le même esprit) qui contraste avec celle de l’acteur et donne aussi une raison (pas spécialement crédible mais valide dans l’environnement du film) au fait d’envoyer deux personnes plutôt qu’un régiment entier.
Après niveau immersion l’IMAX doit jouer comparer au visionnage sur un petit écran de ciné habituel mais ça n’avait pas suffit pour Dunkirk par exemple que j’avais trouvé assez décevant pour ne pas dire mauvais. Mais je trouve quand même que le plan séquence permet justement au spectateur de se sentir directement intégré au film comme troisième laron au lieu de ne l’être au final que dans les scènes de combats (comme dans Saving Private Ryan)
Pas sûr d’avoir ressenti le même désir de faire passer un message en revanche, All Quiet on The Western Front est bien plus balaise à ce niveau en tout cas et reste probablement le film emblématique sur la WWI.
Niveau histoire je peux comprendre qu’on trouve que c’est un raté même si à mes yeux ça permet plus de montrer un « quotidien » . Un peu la fourmi qui fait son petit bonhomme de chemin dans un monde sans réel sens.
Quand je dis que le plan séquence apporte rien, je caricature mon propre propos (je suis con hein). L’intégration fonctionne, certains moments sont vraiment incroyable car on est avec ces deux mecs perdus en plein milieu de nulle part.
C’est juste que le plan séquence est pour moi (attention définition perso) quelque chose qui est sensé apporté une tension de par son temps réel. Le fait de vivre en live la séquence fait que tu ne sais pas ce qui va se passer, tu es au niveau de connaissance des protagonistes. Ici le problème c’est que 1/ tu sais qu’ils vont pas crever tout de suite 2/ au milieu du film tu sais que MacKay va pas crever sinon y’a plus de film et 3/ il y a une obligation de faire disparaitre des choses rapidement, de faire avancer une fausse temporalité qui est pas toute le temps cohérent avec le temps réel (les camions par exemple, une fois que le héros a été déposé au pont partent, 20 secondes y’a des tirs mais les mecs ont disparu).
Et y’a des trucs qui m’ont sorti mais le pire c’est sa décision de fin de sortir de la tranchée pour faire son sprint. Pas pertinente vu le poids que représente l’info qu’il doit donner, pas cohérent, mais en plus en opposition avec la fin, quand on comprend quel est le vrai ordre qu’il suit depuis le début c’est (attention spoiler lisez pas les mecs attention ça arrive) celui de sa femme.
Après c’est un film qui a des énormes qualités, mais chez moi les défauts ont pris le pas.
Par contre je te conseille un film de guerre que j’ai pas encore vu mais que je vais pas tarder à voir tellement on m’en parle (surtout après 1917) : Requiem pour un massacre.
PS : petite précision, je bosse dans le cinéma (je suis monteur et scénariste) et ça joue dans mon appréciation d’un film avec une « prouesse » de réalisation.
Attention spoilers quand même, vais devoir virer le tag spoilerfree lol 😮 😉
Spoilers donc…
Assez d’accord avec ton point 3 (moins le 1) même s’il y a une certaine logique dans le cas des camions surtout en temps de guerre, mais oui y a plein de petites choses qui gênent si on y réfléchit (les canons allemands laissés en arrière alors qu’ils ont pris le temps de tirer sur des vaches) mais qui à mon sens n’enlève rien à l’immersion ou l’expérience.
Je pense que beaucoup de personnes cherchent une logique de spectateur qui ne correspond pas à une logique de guerre (qui n’en a pas d’ailleurs), le fait que le type sorte des tranchées est totalement logique dans son esprit, il doit passer, il est épuisé et ça bloque, comme le fait qu’il s’arrête pour écouter une chanson malgré l’urgence, il est désorienté et à bout de souffle et tombe sur un moment intemporel.
Si on s’en remet à certains récits de l’époque (genre Cendrars avec les types de la légion qui vont carrément construire un bistrot en avant des tranchées) ça ne devait pas être rare. J’ai plus été gêné par la couleur de l’herbe mais à nouveau le film a des défauts mais rien qui enlève à l’expérience cinématographique selon moi. C’est une prouesse technique et immersive. Malheureusement je ne pense pas qu’aujourd’hui on puisse avoir de films de guerres réalistes, on en est trop loin de l’époque et puis il y a aussi les normes de sécurité (genre les types en combinaison ignifugée dans Hacksaw Ridge) et les coûts, pour ça que l’option « intimiste » (enfin focus limité) est probablement la bonne pour amener un renouveau.
Merci pour le recommandation j’essaierai de trouver ça !