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Guard Duty

Les Point&Click, c’est ma grande passion. Pour eux, je suis prêt à plagier Omar Sharif. La saison est particulièrement fertile avec de nombreux titres intriguants sortis ces dernières semaines, mais c’est bien depuis hier qu’est disponible Guard Duty.

Soyons honnêtes, ce n’est pas celui qui m’a le plus fait de l’œil. De l’extérieur, le thème semblait banal, le dessin sans relief, les situations déjà vues. Comparé aux sorties de Whispers of a Machine, Dance of Death: Du Lac & Fey ou The Mystery of Wooley Mountain, ce n’est pas celui que j’attendais le plus. Mais je ne demandais qu’à être démenti.

Dès l’intro, l’inattendu se produisit. C’est quoi ces décors de science-fiction ? Les screenshots que j’avais vu me montraient un univers médiéval-fantastique… Mais pas le temps de trop s’y attarder, dans une ellipse qui garde tous ses mystères, nous voilà ramenés au château avant d’avoir pu apprendre grand chose.

Plus précisément, à la porte du village, où, en tant que garde, notre héros est de faction pour la soirée. Notre rencontre avec Tondbert ne le présente pas sous son meilleur visage, puisque, bourré comme un RER A, il fête son anniversaire. On le voit alors laisser un individu louche jusqu’à la caricature pénétrer dans l’enceinte de la cité fortifiée.

Son réveil sera plus dur, puisqu’il se retrouvera rapidement, en plus de sa gueule de bois, agressé par des abeilles qui le laisseront défiguré. Personne ne le reconnait ou ne comprend ce qu’il dit et c’est comme un phénomène de foire qu’on va arpenter nos premiers écrans.

On retrouve vite nos marques, avec un gameplay de jeu d’aventure on ne peut plus classique ; on chasse les zones interactives, on discute (enfin on essaie), on ramasse des objets… On se rend rapidement compte que Tondbert est une tête à claques. Littéralement. Ce début de partie est un peu déstabilisant, coincés que nous sommes dans cette inaptitude à communiquer, mais c’est original.

Le reste l’est moins, avec son château, son roi, sa princesse à sauver… Cependant toute cette partie à WrinkleWood est plaisante. Les énigmes sont relativement simples, mais surtout parce qu’elles sont logiques. Pas de solutions aberrantes, pas d’actions au petit bonheur pour débloquer la situation.

Mais ce premier acte ne sert que d’introduction. C’est véritablement lorsqu’on part à l’aventure que l’histoire, tout comme les personnages, s’approfondit. On découvre que Tondbert n’est pas qu’un Rincevent grotesque, il est surtout brave, volontaire bien que maladroit, pas bien malin mais déterminé. On éprouve de l’empathie pour lui, à le voir galérer, ce qui le rend finalement sympathique.

Le monde coloré et finalement assez prévisible s’assombrit. On rencontre d’autres personnages, sans s’épargner quelques caricatures, mais l’univers gagne en consistance et on croise même des gobelins, des trolls et des araignées. Les clins d’œils à des légendes du genre sont nombreux (on croisera notamment Guybrush et LeChuck qui discutent dans une taverne), les énigmes pas révolutionnaires mais toujours correctement amenées et l’humour malgré tout jamais bien loin.

Les dialogues sont assez inégaux, alternant entre platitudes descriptives et répliques inspirées. L’écriture générale est tout de même de bonne qualité avec un scénario auquel j’ai bien accroché, truffé de bonnes idées, auxquelles il ne manque pas grand chose pour devenir mémorables. Les puzzles restent quant à eux réussis, bien que parfois retors, comme je les aime.

Un mot sur l’ambiance sonore, sans coups d’éclat (à part l’intro de l’acte trois) mais adaptée au contexte et jamais envahissante. Les doublages corrects (pour un jeu uniquement disponible en anglais) aident à rentrer dans l’histoire, ce qui est un petit plus bienvenu, surtout venant d’un studio sans grand budget.

Le confort de jeu est sans réel reproche avec des contrôles agréables, sauf lorsqu’on tombe sur des tableaux plus grands qu’un écran, ce qui nous oblige à attendre que Tondbert bouge son gros cul pour atteindre l’autre côté. Si l’on excepte ces rares passages qui traînent en longueur, ce n’est jamais la technique qui vient nous gâcher l’expérience.

Je repousse ce moment depuis le début du texte, mais il va quand même falloir parler des graphismes. Ils sont simplement la partie la moins réussie du jeu. Parfois bancals, voire difficiles à lire, ce n’est pas le pixel-art le plus fin ni le plus technique qu’il m’ait été donné de voir. Le côté naïf n’est pas suffisant pour attirer la sympathie, mais heureusement pour le jeu, son intérêt est ailleurs.

Sans trop spoiler, le dernier acte est une réussite, proposant un renouvellement d’ambiance et de style bienvenu après une première « fin » bien pensée aux conséquences surprenantes. On y contrôle un autre personnage dans une autre époque (et pas épargnée par les néons roses), mais on retrouvera Tondbert un peu plus tard et avec plaisir.

Réalisé par les britanniques Nathan Hamley et Andy Saunders-White du Sick Chicken Studios, le développement de Guard Duty a duré près de cinq ans, mais pour une équipe de deux personnes, le résultat est tout à fait honnête. Leur campagne Kickstarter réussie en 2017 leur a permis de créer un jeu qui n’a rien à envier à certaines grosses productions.

Si l’on excepte les graphismes évidemment.

Mais il ne faut pas se laisser avoir par cette apparence pas toujours agréable à l’œil. Guard Duty est un jeu très agréable à parcourir, parfois un peu facile mais jamais injuste, qui m’a offert quatre heures de jeu que je n’ai pas vues passer. La fin réussie a contribué à me faire passer un très bon moment.

Disponible depuis le 2 mai pour un peu plus de 8€ sur Steam (un prix adapté au contenu, de mon point de vue), je n’en attendais rien mais il a su me scotcher devant l’écran, souris en main et sourire aux lèvres.

Genre : Point&Click

Développeur : Sick Chicken Studios

Éditeur : Digital Tribe

Plateforme : Steam

Prix : Environ 8€

Date de parution : 2 mai 2019

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.