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Forged of Blood

Les jeux de combats tactiques en tour par tour sont mon pêché mignon. Depuis XCOM et Jagged Alliance dans les années 90, je suis immanquablement attiré par la réflexion et la minutie que requiert ce genre, décliné depuis des décennies à toutes les époques et à toutes les sauces. Forged of Blood est développé par Critical Forge, un studio basé à Jakarta (en Indonésie, pour ceux qui dormaient en cours) dont c’est le premier titre. Il nous emmène dans le monde d’Attiras, un univers médiéval-fantastique sans grande originalité mais avec une personnalité propre, avec comme élément déclencheur de l’histoire une rébellion sanglante.

Uniques héritiers du trône après avoir vu leur père massacré par une foule venus reprendre sa liberté après des années sous la domination de leur lignée, les deux personnages principaux vont devoir reprendre le contrôle de leur royaume, menacé de toutes parts.

Le scénario, assez prévisible et convenu, propose tout de même un contexte idéal pour un jeu mêlant combat tactiques, gestion stratégique et développement de feuilles de persos RPGesque. La fuite après la révolte sert d’introduction à l’aventure et c’est avec une armée à nos trousses que l’on progresse sur la carte du royaume. Immense et découpée en provinces à conquérir et à défendre, elle est particulièrement réussie visuellement.

Les figurines qui représentent nos troupes et les différents lieux à visiter sont moins chanceux mais le plaisir de déplacer des pions sur une carte d’Etat Major est intact. Au cours de notre progression, on va diriger jusqu’à trois groupes de soldats pour agrandir notre territoire.

La partie centrale du jeu reste les combats. Sur des cartes quadrillées, on va déplacer nos unités et utiliser leurs capacités pour éliminer nos adversaires, dans des affrontements souvent scriptés et parfois accompagnés d’alliés.

A bas niveau, nos troupes n’ont que peu d’options, mais en prenant de l’expérience elles vont acquérir des techniques à l’efficacité souvent redoutable. Le système de points d’action se rapproche de celui de XCOM, avec une petite subtilité par leur découpage en trois catégories (action normale, déplacement, action rapide). Cela permet de proposer diverses techniques de combat utilisant l’une ou l’autre de ces catégories et étoffe les mécanismes pour sortir du déjà-vu.

Il faut à cela coupler les possibilités d’évolution des persos, à travers des points d’expérience à répartir dans plusieurs catégories, le maniement des armes et de la magie d’un côté, les techniques et bonus passifs de l’autre.
L’arbre de compétences est touffu, presque trop, puisqu’il offre de très nombreuses combinaisons permettant de rendre mortellement précis un archer ou inébranlable un tank.

Si l’interface est efficace et sans défaut majeur, on est tout de même un peu perdu devant tous ces choix possibles. Sans oublier que l’équipement vient lui aussi apporter des bonus, là encore à choisir dans une liste vite pléthorique d’armes et armures ramassées sur les ennemis défaits.

Je ne reprocherais pas à un jeu d’être trop riche, mais si le choix est tout de même intimidant au premier abord (ce qui rend chronophage le moindre passage de niveau), il permet une vraie spécialisation des membres de nos escouades. De quoi nous faire regretter leur perte lorsqu’ils tomberont dans une embuscade ou sous les griffes d’une créature bizarre.

Le reste garde cette inspiration XCOM avec des épées et des boules de feu, avec des combats assez similaires dans leur fonctionnement et la même rage lorsqu’une attaque à 95% de chances de réussite échoue lamentablement.

La magie a son propre système qui, au lieu de proposer une liste de sorts qui se complète au fil des niveaux acquis, permet au joueur de personnaliser la puissance des effets et leur portée en les liant à une magurite qui sert de réceptacle.

Elles doivent ensuite être affectées à des héros capables de les maîtriser sous peine d’être inutiles. Il faut donc jongler entre nos désirs et les capacités des personnages.

Le challenge est présent, avec une IA pas si ridicule bien que souvent supérieure en nombre, mais ce sont surtout les environnements qui vont vous paraître hostiles, avec ces collines à grimper et ces fortifications à forcer.

Tout ceci combiné (la richesse de la customisation des personnages, le système de points d’action et les environnements à prendre sérieusement en compte pour espérer vaincre) donne un résultat de qualité et des batailles que l’on joue avec plaisir.

Heureusement, parce qu’elles sont nombreuses, et si elles ont peu de défauts, elles sont tout de même parfois longuettes. L’accélération proposée est salutaire, lorsque j’ai trouvé le bouton multipliant la vitesse des animations, je ne suis plus jamais revenu en vitesse normale, sous peine de m’endormir durant le tour ennemi.

Les cartes où se déroule la castagne sont en 3D avec caméra orientable à volonté, ce qui est nécessaire vu la quantité d’information et d’éléments de décor qui viennent obstruer la vue ; heureusement une touche permet de rendre tout cela plus lisible, au détriment de la cohérence visuelle de l’ensemble.

Sans être confuses, elles demandent tout de même un petit temps d’adaptation. Cette étape digérée, vous n’aurez aucun mal à vous déplacer efficacement mais j’ai connu plus ergonomique.

Comme évoqué plus haut, on déplace nos troupes sur une carte, avec gestion très limitée de l’or rapporté par les régions contrôlées. On fait face à plusieurs adversaires, les rebelles bien sûr mais aussi d’anciens vassaux qui ressentent soudain un irrépressible élan d’indépendance.

Le royaume se colore rapidement, créant des fronts multiples dont la défense demande un minimum d’organisation. L’échelle de l’aventure semble vaste, mais si cette phase peut rappeler la série des Total War, contrairement à cette dernière, on ne pourra malgré tout rassembler que trois escadres de quelques hommes.

Ce sont des séries d’escarmouches et non pas des batailles rangées que l’on va jouer, et tant mieux vu la lenteur générale des combats. On se rapproche plus d’un Battle Brothers à qui on a rajouté une gestion du territoire et qui a une approche finalement assez similaire

Tout ceci ferait déjà de Forged of Blood un jeu riche, intéressant et offrant un challenge respectable aux amateurs de RPG tactique en tour par tour (ceux que j’ai l’habitude d’appeler : les gens qui ont bon goût). Mais Critical Forge a rajouté une petite couche par dessus le tout : un scénario.

Ni révolutionnaire, ni écrit avec les pieds (et malgré quelques coquilles dans certains textes), très inspiré par l’empire Romain, de par l’apparence et les noms des personnages, il nous offre régulièrement des choix de dialogues et des décisions qui vont influencer la perception du peuple et de nos adversaires à notre égard.

Trois voies distinctes, en fonction de vos choix, vous apporteront avantages comme inimitiés suivant les circonstances ; l’idée annoncée est de sortir du carcan Bon / Mauvais en prenant d’autres références. C’est un simple gimmick aux conséquences variables mais cela donne une bonne raison de jouer RP et de s’impliquer dans l’aventure.

Sans que ce soit un défaut majeur, Forged of Blood suit un rythme assez lent. Les dialogues sont longs, les déplacements sur la carte minutieux et les combats durent parfois un peu trop longtemps, surtout avec des combattants avec peu de capacité de déplacement.

Les séquences Benny Hill sont rarement palpitantes dans un jeu vidéo, surtout en tour par tour. Si les ennemis sont supérieurs en nombre, le temps d’attendre que l’IA finisse son tour peut lasser. Cela allonge de façon un petit peu frustrante la durée de vie du titre.

Pour parler un peu technique, la dernière version sur laquelle j’ai testé a éliminé quelques inconvénients rencontrés lors de la beta, comme des freezes de l’écran lors de l’attribution des points de compétence ou des retours bureau intempestifs. Le jeu tire tout de même pas mal sur la RAM et le proc, plus que je m’y attendais vu ce qui est affiché.

Avec les réglages graphiques élevés, c’est plutôt joli, bien que parfois confus lors des combats. C’est tolérable mais cela manque un chouia de finesse pour être vraiment un point fort. L’ambiance sonore est agréable, bien que les cris des personnages lorsqu’on leur donne des ordres deviennent vite pénibles et je les ai coupés au deuxième combat.

Mais il est difficile de quitter une fois lancé dans l’aventure. Tous ces éléments fonctionnent bien ensemble et donnent envie de continuer, de faire progresser ses troupes, de débloquer telle capacité ou utiliser tel sort.
On s’étend sur la carte, on accomplit des quêtes secondaires, on équipe ses héros et on se prend à faire de notre faction un endroit plus juste ou au contraire instaurer un régime géré d’une main de fer. Il est vendu 25€ et de ce que j’ai vu, ce n’est pas volé vu le contenu qui place la barre à une hauteur très respectable pour un jeu indé.

On sent que Critical Forge a ciblé de façon intelligente et saupoudré de bonnes idées les joueurs qui, comme moi, prennent un plaisir non dissimulé à réfléchir en déplaçant des unités sur une plateau quadrillé.

Genre : RPG – Tactique en tour par tour

Site officiel : http://forgedofblood.com/

Développeur : http://criticalforge.com/

Éditeur : http://criticalforge.com/

Plateforme : Steam

Prix : environ 25€

Date de sortie : 1er Août 2019

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.