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Dark Devotion

Le mal. L’impureté. Le vice. La cruauté. La pestilence. Le Temple a été corrompu, envahi de créatures malsaines, de paladins déchus, d’êtres aussi vivants que morts, aussi souillés que décadents. Mais les Templiers n’abandonnent pas, s’accrochant à l’espoir vacillant qu’un jour, l’un ou l’une d’entre eux parviendra à purger jusqu’aux bas-fonds de la désolation qui y règne.

Comme le laisse entendre le titre de ce jeu, on est pas là pour rigoler. On va souffrir, se faire humilier, se fracasser sur des boss monumentaux, tomber dans des pièges et mourir, encore et encore. Bienvenue dans Dark Devotion.

Le gameplay peut se résumer en faisant appel au maître du genre, Dark Souls. Dans ce monde en 2D, plus labyrinthique qu’ouvert, c’est manette en main que l’on va parcourir les étages du Temple. Brutal et exigeant, il faudra maîtriser le timing de ses actions et non masher de bouton d’attaque pour vaincre ses ennemis.

Il faut prendre son temps, apprendre les patterns des ennemis, frapper au bon moment et esquiver à coups de roulades. La moindre hésitation ou désynchronisation vous assurera de prendre une beigne, entamant votre armure, puis votre vie.

Si des items de soin peuvent être ramassés au cours de votre progression, ils n’offrent qu’un court répit, puisqu’on ne gère pas une barre de vie mais des points ; chaque coup encaissé coûte un point, mais ils sont distribués chichement au départ.

Notre personnage, une zélote formée depuis son plus jeune âge pour le combat et la prière, n’a ni nom ni histoire. Dans l’antre des Templiers, où tout commence et recommence, quelques personnages distillent par bribes le récit désespéré de la chute du Temple. D’autres, rencontrés au hasard des couloirs, ainsi que des livres et des parchemins, enrichiront le récit de leur version, forcément ténébreuse et tourmentée.

Ces dialogues à sens unique sont plutôt bien écrits, dans un français très correct, même si j’aurais préféré qu’ils s’affichent en une fois plutôt que lettre par lettre pour éviter de trop interrompre l’action. Mais tout ceci reste une excuse pour aller massacrer des bestioles la conscience tranquille.

Petite digression sur le sujet : la traduction en anglais a été assurée par Marc Eybert-Guillon, dont on ne parle jamais assez. Il en raconte le processus dans cet article : Dark Devotion Study

Le pixel-art proposé par Dark Devotion est très classe, fourmillant de détails. Les animations soignées et organiques renforcent l’immersion. Les lieux sont souvent plongés dans l’obscurité, les pièges vicieux et les fosses mortelles n’attendant que ça pour vous punir si vous envoyez votre dévote foncer droit devant comme une bourrine.

Il va falloir jauger, prévoir ses déplacements, consulter la carte (pas facile à lire) et se fixer des objectifs. Chaque mort vous ramène au départ, sans arme ni armure, comme dans un rogue-like, mais on va débloquer au fil de nos pérégrinations diverses armes et armures, ainsi que des bonus d’amélioration de dégâts ou de vitesse.

Les téléporteurs, qui nous épargnent de recommencer intégralement notre parcours, sont placés un peu partout mais sont autant un mal qu’un bien ; on les déclenche le plus souvent juste avant d’affronter un boss, mais vu qu’il est possible d’explorer plusieurs voies en même temps si on bloque, j’aurais aimé pouvoir choisir celui que je souhaite rejoindre plutôt que d’être limité au dernier activé.

On se promène donc dans des étages, grimpant aux échelles, se laissant tomber (puisqu’on ne peut pas sauter, ce qui m’a beaucoup surpris pour un titre présentant de nombreuses similitudes avec les jeux de plateforme, mais on prend vite l’habitude de regarder avant d’avancer) pour enfin atteindre les nombreux boss qui nous attendent.

Points culminants de l’expérience de jeu, ces combats sont atrocement difficiles. Les ennemis sont vicieux, disposent de nombreux patterns plus ou moins punitifs, voire même pour certains complètement craqués… Jusqu’à ce qu’on comprenne, qu’on anticipe, qu’on trouve la faille, après de douloureuses défaites. La satisfaction est intense lorsqu’on parvient à les vaincre, déjà parce qu’on va trouver des objets très utiles pour la suite, mais aussi parce qu’on s’ouvre de nouvelles voies à explorer.

J’ai trouvé les contrôles à la manette (sans doute agréables pour quelqu’un de plus à l’aise que moi avec ces appendices démoniaques) parfois malaisés et approximatifs, occasionnant des dégâts inutiles et d’autant plus frustrants. L’utilisation de la gâchette pour frapper m’a demandé un peu de temps d’adaptation.

Les différentes armes à une ou deux mains, avec leur propre timing et pattern, sont limitées à une attaque qui peut s’enchaîner sur un deuxième coup. Pas plus puisque cela vide votre barre d’endurance très rapidement. Il faut donc abuser du hit and run et garder assez d’énergie pour esquiver.

Sans compter les armes à distance pour lesquelles il faut gérer les munitions. Mais je n’ai pas trouvé de réelle utilité pour les masses et autres haches plus grandes que notre héroïne, leur temps de frappe étant trop long pour être efficaces malgré leurs dégâts massifs.

Je pourrais parler aussi des nombreuses bénédictions et malédictions que l’on va récolter au fur et à mesure, certaines pouvant être décisives, pour votre bonheur ou votre frustration, ou encore de ces quêtes basiques offrant des récompenses pour avoir buté un certain nombre de créatures de chaque type.

Développé par les français de Hibernian Workshop (dont c’est le premier jeu) et édité par les tout aussi français de The Arcade Crew, Dark Devotion est un titre soigné, plongeant allègrement dans une ambiance bien dark, colorée de sang, de morts, et de mutilations. On sent une vraie implication et une vraie richesse dans chaque élément du gameplay, avec toujours comme objectif de punir le joueur de toutes les façons possibles.

Pour accompagner tout ça, la musique, bien qu’un peu répétitive, fait exactement ce qu’on attend d’elle, se faisant discrète pour accentuer l’angoisse qui se dégage des décors. Les bruitages sont aussi très réussis bien qu’un peu retenus, je m’attendais à des cris plus féroces et sauvages, mais le guttural colle tout aussi bien à l’ambiance générale.

Si à l’usage, on peut trouver certains choix discutables, comme le côté trop labyrinthique de la carte qui nous pousse parfois à mourir volontairement pour reprendre après s’être trompé de chemin, les contrôles trop souvent frustrants, ces armes à deux mains trop lentes pour être utiles ou encore ces bonus / malus qui tombent de façon aléatoire, Dark Devotion reste une bonne expérience pour moi qui n’ait jamais joué à un Dark Souls.

Difficile, punitif et brutal, il a su provoquer quelques envolées de manette et fracassements de bureau sous la frustration. Comme l’a montré la polémique Sekiro, ce gameplay abrupt ne plaira pas à tout le monde mais après avoir ravalé ma fierté à de nombreuses reprises, j’invite les masochistes et autre hardcore gamers autoproclamés à venir en apprécier la richesse et souffrir dans les tréfonds du Temple.

Genre : Dark Souls en 2D, Rogue-like

Site officiel : https://www.darkdevotion.fr

Développeur : Hibernian Workshop

Éditeur : The Arcade Crew

Plateforme : Steam, GoG

Prix : environ 20€

Date de parution : 25 avril 2019

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Ruvon

Chaologue pas encore retraité, traître renommé, survivant accompli. Mon domaine, c'est le jeu vidéo, du FPS hardcore au point&click niais, et depuis toujours amoureux du tour-par-tour.