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Blair Witch

Alors que je refile habituellement les jeux console à mes sbires collaborateurs, je me réserve quand même un droit de regard si le jeu semble prometteur. Blair Witch ne cochant ni la case JRPG (yerk) ni la case Roguelike (re-yerk), il me semblait évident de me le réserver. Parce qu’en plus il semblait pas mal et j’étais sûr que Machiavel ne l’aurait pas apprécié à sa juste valeur. Et sinon oui, je n’ai pas osé ressortir une expression incluant cochons et confiture, ayant reçu à maintes reprises des réprimandes de sa Maman sur mes blagues douteuses.

Et on peut pas rester là plutôt ?

Blair Witch, ici testé sur PS4, est un jeu de la Bloober Team, à qui l’on doit les deux Layers of Fear et Observer. Soyons francs dès maintenant : j’ai détesté Layers of Fear. Je m’y suis em*** comme pas possible, la direction artistique m’a laissé de marbre et le côté horrifique… je le cherche toujours. Mais le film Le Projet Blair Witch m’ayant fait forte impression à l’époque, c’est en balayant d’un revers dédaigneux les états de service des développeurs que je me suis donc accaparé le jeu.

Flad viens voir j’ai un truc sympa pour toi !

Dans les rangers d’un flic du Maryland, Ellis, vous débutez l’aventure en voiture et comprenez au travers d’un coup de fil que vous êtes en route pour aider à rechercher un enfant perdu dans les bois, Peter. Arrivé sur place, vous découvrez que tout le monde s’est organisé en équipe et a déjà quitté le point de départ. Vous serez donc seul pour arpenter les bois. Enfin, si on oublie Bullet, votre fidèle chien. Que vous pouvez personnaliser. Couleur de la robe, du collier ou des yeux, vous vous faites l’ami fidèle que vous voulez et s’il te plaît ma chérie rends moi la manette c’est ça les Sims là c’est un jeu d’horreur. Comment ça tu t’en fiches et tu veux jouer avec le chien ? Mais oui on peut le caresser. L’envoyer chercher des objets. Le réprimander aussi. Hein, pourquoi je ferais ça ? Mais non je l’ai pas fait ma chérie, allez rends moi la manette mes lecteurs attendent.

Copain !

Oui donc dans la peau d’Ellis et accompagné de Bullet, vous voilà parti dans la forêt de Black Hills qui porte bien son nom, croyez-moi. Aussi flippante que le Bois de Boulogne un soir de pleine lune, cette forêt court sur des centaines de km² et recèle bien des secrets… Petite tournure racoleuse pour vous dire que Bloober Team n’a pas renié ses origines, surtout avec une licence pareille entre les mains, et que vous allez passer votre temps à regarder par-dessus votre épaule. Vous voilà donc parti, armé d’une lampe torche, d’un talkie-walkie, d’un téléphone portable que ne renierait pas Ruvon et d’un sac à dos. Alors que vous crapahutez tranquillement dans la nature, admiratif devant ces sous-bois finement modélisés et ces arbres gigantesques, vous vous viandez votre premier mur et réalisez que sous ses airs de walking Simulator, Blair Witch est très dirigiste. Vous marchez donc tranquillement, alternant les conversations au talkie et les caresses à votre chien. Ce dernier est bien pratique, car il semble toujours savoir où vous devez aller, et semble vous apaiser. Il faut dire qu’Ellis, comme vous le découvrirez au fil de l’aventure, semble avoir quelques soucis d’ordre psychologique et que ça transparaît de ses conversations avec le shérif, en charge des recherches, et sa femme avec qui il semble avoir une relation houleuse.

Alors que la nuit pointe son nez, vous tombez sur un vieux campement où vous trouvez un caméscope en état de marche (quelle surprise dans un jeu Blair Witch !) qui semble pouvoir altérer la réalité. Oui messieurs dames ! Par exemple, et je ne parlerais que de la première énigme pour ne pas vous gâcher l’histoire, la première cassette vous montre Peter jouant au camp avec un camion de pompiers juste avant de se faire agresser. Si vous pausez la cassette au moment où le gamin se saisit du camion encore au sol, celui-ci apparaît comme magie par terre et vous pouvez le faire sentir à Bullet en espérant qu’il trouve une piste. Tout le jeu est articulé de cette manière, vous trouvez un lieu digne d’intérêt et généralement la cassette associée que vous devez étudier pour faire progresser votre enquête. Ces énigmes ne sont généralement pas très difficiles, à condition de bien observer les lieux alentours.

Tout ceci pourrait être assez convenu s’il n’y avait le twist des hallucinations dont souffre Ellis. Ancien soldat, celui-ci supporte mal son voyage à travers la forêt et au fur et à mesure que vous pénétrez plus avant dans les bois, vous perdrez la notion du temps, aurez des hallucinations auditives et visuelles jusqu’à parfois vous retrouver sur un ancien champ de bataille. Et même combattre des démons avec votre lampe torche. Font-ils eux aussi partie des délires d’Ellis ? Je vous laisse le découvrir mais pour les combattre, une seule solution : pointer votre lampe dans la direction que vous indique Bullet en aboyant. Ce dernier est vraiment un personnage à part entière et vous apprendrez bien vite à le garder le plus près possible de vous…

Bon, j’vais aller voir SAAvenger dans son bureau !

Le jeu étant court, comptez une demi-douzaine d’heures pour en voir la fin (mais le faire durer plus n’aurait-il pas brisé la tension constante ?), je m’arrêterais là concernant les découvertes pour vous parler des choses qui fâchent, parce qu’il y en a quand même pas mal.

Les fameux films à manipuler.

Tout d’abord, ces satanés murs invisibles. Il est évident qu’un jeu de ce genre se doit d’être scripté, mais le contraste entre le choix de ne pas avoir d’interface visible et celui de mettre des zones de jeu très étroites est étrange et malheureux. Si on passe son temps à se perdre, tournant en rond sans aucun repère, Bullet fait un formidable guide et surtout, peut aller où bon lui semble. Le joueur se retrouve donc à l’envoyer à l’aveuglette chercher des indices ou à le suivre aveuglément (c’est le cas de le dire) dans le noir. Ensuite, la modélisation de toute cette végétation n’a pas été sans poser quelques soucis de collision et il est malheureux de se retrouver parfois bloqué dans le décor… Ensuite, introduire une composante « combats » dans un jeu qui misait non pas sur les jump scares mais sur la montée en puissance de la tension est à mon avis une erreur. On passe d’un moment étouffant, où l’on se demande où aller, si le SMS reçu quelques minutes plus tôt est réel ou pas, à des moments de pure panique où on tourne frénétiquement sur soi-même, tentant de localiser le chien et la direction qu’il pointe. Je comprends que cela plaise mais ce n’est pas vraiment ce que j’attendais de ce jeu. Parce que pour moi, Blair Witch est un jeu reposant sur la psychologie et les psychoses d’Ellis. Quelle part de ses hallucinations est vraie ? Que lui est-il arrivé ? Qui sont ces gens dont on trouve régulièrement des photos ? Tous ces éléments inspirant la peur et le doute sont équilibrés à merveille par la relation que vous aurez avec votre chien, véritable bouée de sauvetage.

Genre j’ai que ça à faire ?!?

Il est difficile de trouver le parfait équilibre dans un jeu d’horreur et la Bloober Team l’a presque atteint. Leur jeu est très immersif, formidablement aidé par une forêt magnifique et oppressante, par la lente montée en puissance du scénario qui permet au joueur de trop se sentir en confiance avant de le faire douter et par la détérioration de l’état psychologique d’Ellis. Mais de menus détails, comme une interface parfois perfectible, quelques bugs et surtout le côté étriqué de la forêt font qu’on frôle cette perfection sans l’atteindre. Reste un très bon jeu d’horreur et d’enquêtes dans un cadre fabuleux, globalement maîtrisé mais butant sur quelques racines, qui a de plus la bonne idée de proposer plusieurs fins selon le nombre d’indices découvert durant votre périple. Ce qui poussera, à n’en pas douter, les plus curieux à le refaire plusieurs fois !

Sur ce je vous laisse, on me fait signe qu’il faut que je relance la partie, le collier jaune fluo ne semblant pas trop aller avec la robe claire de Bullet.

Genre : Survival horror

Développeur : Bloober Team

Éditeurs : Bloober Team, Lionsgate, Bloober Team

Disponible sur PlayStation 4, Xbox One et PC

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...