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Red Dust Rebellion

Les COIN se suivent et ne se ressemblent pas. Après la Gaule, les Philippines, le Vietnam ou encore l’Inde, la franchise culte de GMT Games prend un peu de hauteur et nous envoie sur Mars, régler quelques soucis domestiques. Adieu le thème historique qui ne parle pas forcément à tous, nous voici tous à égalité devant ce Red Dust Rebellion, douzième opus de la série.

Pour ceux qui ne connaissaient pas la série créée par Volko Ruhnke, les COIN (COunter INsurgency) sont des jeux qui mettent aux prises des factions asymétriques, généralement un gouvernement et des factions rebelles, qui se battent pour le contrôle d’un pays. Chaque joueur doit donc rentrer dans son rôle et tenter d’atteindre des conditions de victoire différentes de celles de ses petits camarades.

Un gameplay atypique donc, qui est en plus marqué par le fait qu’à chaque tour, seuls certains joueurs sont éligibles et peuvent choisir entre différentes actions ou un événement, devenant de fait inéligibles pour le tour d’après. La subtilité étant de toujours réussir à faire non seulement ce qui est bon pour vous, mais aussi ce qui ennuie le plus les autres. Un fragile équilibre qui nécessite de maîtriser la faction choisie et d’avoir des notions de ce que peuvent faire les autres. Des jeux demandant un certain investissement donc.

Red Dust Rebellion ne déroge pas à la règle avec quatre factions bien distinctes : le Gouvernement Martien, qui cherche à développer les infrastructures martiennes et à obtenir le soutien de la Terre ; les Corporations terriennes, qui sont là pour aider tout le monde faire un maximum de profits en terraformant Mars ; les nationalistes du Red Dust, qui tentent de renverser le Gouvernement Martien tout en essayant de gagner le soutien du peuple et enfin la Church of the Reclaimer, charmante association de fanatiques venus prêcher la bonne parole désireuse de limiter l’empreinte humaine sur Mars.

Les deux premières (qui forment le COIN) vont bien évidemment devoir s’associer, une grande partie de leurs intérêts étant commune (jusqu’à un certain point), tandis que les deux autres auront tout intérêt à elles aussi se concerter pour faire tomber leurs adversaires qui sont de bien gros morceaux pour eux. Au niveau du gameplay, cela donne des parties où les factions COIN vont essayer de gagner le contrôle de la population et, de faire venir des ressources de la Terre alors que leurs adversaires tenteront soit de retourner le peuple, soit de carrément tout détruire.

La séquence de jeu est habituelle pour un COIN. Une carte d’événement est tirée, celle du tour d’après révélée, et les joueurs choisissent dans ordre inscrit sur la carte : soit ils jouent l’événement, soit ils jouent une opération avec une activité spéciale, soit une opération limitée. Sachant que leur choix va conditionner ce que le joueur suivant pourra faire. Les deux derniers pourront alors fixer le plateau, des larmes plein les yeux, et attendre le prochain tour pour jouer.

Le joueur actif va donc pouvoir accomplir les actions sélectionnées, qui impliquent généralement de dépenser des ressources (sauf pour les Corporations) et mettre la zizanie sur le plateau. Le suivant en rajoute un peu à sa sauce et on repart pour un tour. On pourrait croire que c’est ennuyeux de regarder les autres agir en subissant mais en fait pas du tout, car cela va vous permettre de réfléchir à ce que vous voulez faire tout en essayant de comploter avec votre presque-camarade qui, je vous le rappelle, n’hésitera pas à vous trahir à la moindre occasion.

Les joueurs habitués à la série doivent jusqu’à maintenant lire en hochant la tête d’un air entendu, reconnaissant des mécaniques largement exploitées. Alors pourquoi devraient-ils s’intéresser à Red Dust Rebellion ? Tout simplement parce qu’il y a quand même beaucoup de choses intéressantes dans ce volume XII.

Tout d’abord la carte. Elle représente les déserts de Mars bien entendu, mais aussi les Labyrinthes, les villes sous dôme construites pour accueillir la population. Elles contiennent toutes un spatioport (qui permet de voyager vers n’importe quel autre spatioport) et quelques emplacements pour la population. Ces emplacements, s’ils ne sont pas détruits, permettent au camp qui a le soutien (soit le Gouvernement, soit le Red Dust) de la ville de marquer des points de victoire. Vous aurez donc 3 factions qui vont œuvrer pour développer ces emplacements, car les Corporations elles aussi ont tout intérêt à ce que la population soit la plus nombreuse possible, jusqu’à ce que l’Eglise du Reclaimer arrive et essaie de tout casser…

Cette mécanique des villes à casser puis reconstruire est thématique et le balancier entre opposition et support aux factions COIN va obnubiler les joueurs une grande partie du temps. Tout en sachant qu’il leur faudra bien souvent avoir en plus le contrôle, c’est-à-dire plus de pièces que les autres dans cet espace, pour pouvoir lancer des opérations. C’est fun, cela obligé à faire de grosses concessions et à garder l’œil sur tous ses gains.

Les déserts sont quant à eux bien plus classiques et obligent les factions à y construire des bases pour résister aux tempêtes de sable. Oui, Mars oblige, toutes les troupes non protégées pendant les tempêtes subissent de l’attrition. Et comme la place pour construire des bases est limitée, la compétition peut être féroce.

Les tempêtes de sable ont une autre conséquence sur le jeu : elles peuvent verrouiller des régions, empêchant tout mouvement entrant comme sortant. Cela peut ruiner une stratégie, ou au contraire la favoriser, et il faut toujours garder un œil sur celles en approche, qui seront activées lors des rounds Flashpoints.

Ceux-ci se produisent lorsque la jauge dédiée est remplie, ce qui arrive en l’augmentant du nombre de points indiqué sur les cartes d’événement. A ce moment-là, on fait une pause dans les opérations, on génère de nouvelles tempêtes, on fait le point des troupes isolées dans le désert, les Corporations gagnent du profit selon le niveau de Terraformation de la planète et surtout, moment très important pour les troupes COIN, on active le Cycleur Aldrin, qui fait passer les ressources de la Terre vers Mars via Phobos. Ces ressources vont aller dans les poches du Gouvernement Martien ou des Corporations.

Tiens, quitte à parler de la Terre, parlons d’une autre particularité de Red Dust Rebellion : sa cinquième faction, la Terre. Si elle n’est pas jouable, ses ressources et troupes vont être à la disposition de la faction COIN qui est dans ses bons papiers. Le Gouvernement Martien va gagner des points en aidant la population et en neutralisant les rebelles et en perdre quand ces derniers vont faire des dégâts. Avoir les troupes Terrestres est un vrai plus, surtout que cela offre la possibilité d’utiliser les satellites, qui permettent de s’affranchir de pas mal de restrictions. Cela offre de plus un point de friction supplémentaire entre Gouvernement et Corporations.

La dernière originalité de Red Dust Rebellion est sans conteste la faction Church of the Reclaimer, qui dispose d’un deck dédié de cartes. Celles-ci comportent une valeur variable et parfois un événement. L’originalité vient du fait que cette faction étant toujours dernière dans l’ordre de jeu, elle peut décider de défausser autant de cartes que de places à grapiller dans l’ordre du tour. Oui vous lisez bien. Vous pouvez avoir tout bien planifié, passant au tour d’avant pour être le premier à jouer cet événement si favorable à votre faction, pour vous voir grillé sur le fil par des fanatiques qui vous volent la vedette et la première place et jouent un événement totalement inconnu pour les autres, créant un chaos total et rebattant les cartes. Peu évidente à jouer car très atypique, cette faction est vraiment opposée à tous les autres et ne gagnera qu’en étant extrêmement actives et destructrice.

Red Dust Rebellion est donc un COIN qui sort de l’ordinaire, grâce à ces nouveautés bien sûr, mais aussi son thème. Jouer à l’échelle d’une planète oblige à penser à grande échelle et de ne plus se focaliser sur des espaces adjacents, surtout que le jeu est quand même assez long, avec jusqu’à 39 cartes à jouer. C’est beaucoup, surtout lorsqu’on débute.

Ce qui m’amène aux quelques menus défauts relevés : tout d’abord le thème. Il peut ne pas plaire, même si Jarrod Carmichael, l’auteur, a réussi à tout de même faire des Opérations thématiques qui, avec un peu d’imagination, permettent de s’immerger. Mais bon, les COIN étant une série principalement axée sur des conflits historiques, certains joueurs pourraient bouder cet opus. Et ce serait dommage pour eux.

Ensuite, le plateau. Il n’était pas évident de représenter une planète entière, surtout avec la Terre et Phobos et il faut avouer qu’au premier abord il n’est pas très évident à lire. Il y en a un peu partout, on ne sait jamais trop ce qui communique avec quoi… Et le graphisme n’est pas le plus joli qui soit, mais au moins il est fonctionnel.

Enfin, un point important est l’absence de scénarios courts. Je me doute que c’est dû à l’équilibrage aux petits oignons, surtout avec les Corporations nécessitant un peu de temps avant de vraiment décoller, mais il aurait été agréable de pouvoir jouer un petit scénario d’introduction pour s’habituer à toutes les spécificités. Là, une seule personne connaissant le jeu autour de la table, il nous a fallu quasiment 7h pour finir. Oui, nous jouons lentement mais tout de même, on n’a pas toujours autant de temps devant soi pour une partie. Et pour finir, malgré l’expérience des développeurs de GMT Games ayant aidé à la conception, il faut avouer que la faction Red Dust n’est pas la plus intéressante à jouer, laissant son pauvre joueur avec moins de choix intéressants et une stratégie globale un peu plus pauvre comparé à ses petits camarades.

Malgré ces points, Red Dust Rebellion n’est pas un mauvais COIN, loin de là. Il sort des sentiers battus avec son thème futuriste, ses mécaniques originales et thématiques (comme les tempêtes de sable), sa cinquième faction à se disputer ou encore ses Fanatiques si différents lui donnent une certaine fraîcheur qui saura satisfaire ceux qui aiment les mécaniques de la série et qui veulent être surpris. Les débutants seront plus avisés de commencer par un volume plus simple, comme The British Way ou People Power (pour ne citer que les plus récents) ou classique, mais peuvent tout de même envisager l’investissement, les deux livrets (de règles et de jeu) étant abondamment illustrés et très clairs et compréhensibles.

Auteur : Jarrod Carmichael

Artiste : Marcos Villarroel Lara

Editeur : GMT Games

De 120 à 240 minutes

De 1 à 4 joueurs

Page officielle

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...

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