Demo: Burden of Command
Sept ans, cela faisait sept longues années que Burden of Command était annoncé sur Steam. A tel point que de nombreux joueurs, dont votre serviteur, avaient depuis longtemps perdu toute illusion quant à la possibilité de sortie de ce jeu mêlant combat tactique en tour par tour et jeu de rôle. Et puis surprise, du moins pour les personnes n’ayant pas suivi fidèlement le blog des développeurs du studio indépendant Green Tree Games LLC, une démo est enfin disponible, avant la sortie du jeu prévue pour le premier trimestre 2025.
C’est l’occasion pour nous de tester la démo de ce wargame informatique atypique vous confiant en solo la responsabilité du commandement d’une compagnie du 7ème Régiment d’Infanterie (les Cottonbalers) de l’Armée des Etats-Unis durant la seconde guerre mondiale. Dans la version finale vous devrez conduire vos hommes dans une campagne narrative, comprenant une vingtaine de scenarii, des plages du Maroc (Opération Torch), à celles de la Sicile (Opération Husky), puis d’Anzio, avant de débarquer en Provence (Opération Dragoon) puis de continuer le combat dans les Vosges et en Alsace, de franchir le Rhin, de capturer Munich et enfin de terminer la guerre à Berchtesgaden, le nid d’aigle de qui vous savez.
Bienvenue à Camp Pickett
La démo elle-même ne permet de découvrir que deux courts scénarii d’introduction, avec leurs fictions interactives associées, en plus d’un tutoriel découpé en quatre chapitres. Comme le développeur lui-même l’indique, maitriser le jeu nécessite une assez longue courbe d’apprentissage, d’où la présence d’un tutoriel très didactique que les joueurs impatients trouveront un tantinet longuet. Il est sensé simuler votre entrainement au combat, en tant que jeune officier, se déroulant en septembre 1942 à Camp Pickett aux Etats-Unis. Il vous enseigne comment maitriser l’interface du jeu, mais également les rudiments de la manœuvre d’une compagnie d’infanterie, agrémentés d’exercices pratiques vous permettant de vous familiariser avec les tactiques et de faire connaissance avec vos subordonnés.
Le jeu reprend à son compte une doctrine militaire que les anglo-saxons nomment les quatre F. Elle résume de façon simple la séquence optimale lors d’une attaque d’infanterie : Find (trouver l’ennemi par la reconnaissance), ‘Fix’ (fixer l’ennemi par des tirs de suppression), Flank (manœuvrer sur les flancs de l’ennemi), ‘Finish’ (finir l’ennemi par un assaut). A vous d’appliquer ces principes au mieux. Mais ce ne sera pas toujours évident sachant que les unités des deux camps agissent de manière alternative : vous en activez une, puis c’est au tour de l’ennemi, et ainsi de suite, comme aux Echecs. Dans tous les cas une chose est sûre, si vous faites n’importe quoi en fonçant dans le tas le scénario se terminera rapidement en votre défaveur.
Précisons que la démo est en anglais, mieux vaut donc avoir une certaine maitrise de la langue du soldat Ryan, car il y a pas mal de texte à lire, ainsi que des conseils et commentaires du développeur à écouter et même des témoignages vidéo de vétérans américains de la seconde guerre mondiale. Plus qu’un jeu, Burden of Command se veut également être un livre d’histoire interactif.
Vous avez dit Squad Leader ?
Le jeu ne cache pas ses inspirations venant tout droit des grands classiques du wargame tactique sur cartes tels que Squad Leader (Avalon Hill), Ambush (Victory Games) , ou Combat Commander (GMT Games), pour ne citer que quelques-uns, mais aussi de jeux informatiques comme X-Com et Steel Panthers.
Burden of Command est le fruit du (très, très) long labeur d’une équipe de passionnés, pour ne pas dire de fanatiques, d’histoire militaire, ayant fait l’objet de recherches poussées et appuyé par de nombreux consultants dans le domaine des conflits mais aussi de la psychologie. En effet le développeur Luke Hughes à un Master en neurophysiologie et psychologie de l’Université d’Oxford, et ce n’est pas par hasard si Burden of Command se focalise sur un aspect très souvent négligé dans le domaine des wargames informatiques : la psychologie des combattants, les effets du stress et la capacité de leur commandant a les motiver sous le feu. Et en l’occurrence, leur commandant c’est vous.
Bande de frères
En plus d’être un wargame, Burden of Command est aussi un jeu de rôle. C’est vous qui devrez faire le choix difficile d’envoyer vos combattants à la mort pour accomplir la mission coûte que coûte ou de protéger la vie de vos soldats quitte à ne pas remplir les objectifs assignés par l’Etat-major. C’est vous qui devrez choisir entre écouter les conseils avisés (ou non) de vos chefs de sections ou d’adopter votre propre stratégie afin de faire manœuvrer vos troupes. Cela se fait grâce à des volets de questions/réponses au début de chaque scénario ainsi que durant l’action elle-même.
Au-delà de la gloire
Le jeu se déroule sur une carte isométrique en 2D, découpée en hexagones sur laquelle vont se déplacer et combattre vos unités. Comme dans tout bon wargame chaque hexagone peut inclure un type de terrain différent (terrain clair, forêt, bâtiment, etc.) qui aura un impact sur le mouvement, la visibilité et la couverture offerte aux combattants. Comme il se doit les lignes de vue sont prises en compte et le brouillard de la guerre est présent, les unités ennemies n’apparaissant que lorsqu’elles sont proches de vos propres troupes, qu’elles les prennent en embuscade ou choisissent de leur tirer dessus. Il faudra donc que vos soldats progressent avec prudence, ce qui ne sera pas toujours compatible avec les impératifs de la mission que l’on vous aura confié.
Les graphismes n’ont rien d’exceptionnel et rappellerons des souvenirs aux vétérans de jeux d’un autre siècle, ceux de TalonSoft en particulier. Il y a sept ans les développeurs ont choisi de programmer leur jeu sous Python, alors qu’à l’époque déjà existaient des moteurs de jeu performants comme Unity ou Unreal Engine, cela s’en ressent avec des animations plutôt saccadées, l’impossibilité de faire pivoter la carte et des effets visuels que l’on qualifiera, par charité, de passables. Pas question donc de faire concurrence en ce domaine à The Troop ou Headquarters WWII. On a donc affaire à un visuel vintage, y compris au niveau de l’interface. L’aspect sonore lui est plutôt bien réalisé avec des effets immersifs.
Dans Burden of Command, comme dans Squad Leader, l’unité de base est l’équipe (squad) d’une douzaine de combattants. Trois équipes forment une section (platoon) et votre compagnie comporte trois sections de fantassins et une section d’armes lourdes équipée de mitrailleuses et de mortiers. Vos chefs de sections et vous-même disposez de points de commandements vous permettant d’ordonner à vos troupes d’effectuer des actions telles que, se déplacer (discrètement ou non), reconnaitre par le feu (tirer sur une position supposée de l’ennemi), encourager (augmenter leur moral avant qu’elles n’effectuent une action dangereuse), se rallier (les faire retrouver leur moral après qu’elles aient subi des pertes), demander un soutien d’artillerie, etc.
Le déplacement de vos unités se fait à la souris: clic gauche pour les sélectionner, puis clic droit sur l’hexagone vers lequel vous voulez qu’elles aillent. Simple, mise à part que dans les faits la capacité de vos combattants à bien suivre ces ordres va dépendre de leur moral. Le moral sera influencé par toutes les situations de stress auxquelles pourront être confrontés vos combattants (les tir ennemis en particulier). Si le moral s’effondre leur aptitude au combat sera grandement affectée et ils refuseront de se diriger vers l’ennemi. De plus, avant d’entreprendre une action dangereuse, comme par exemple partir à l’assaut d’une position ennemie, vos soldats devront réussir un test de moral (Morale Check), un mécanisme qui rappellera de bons (ou mauvais) souvenirs aux fans de Squad Leader. S’ils ratent leur test ils resteront terrés dans leur trous d’hommes ou s’enfuiront. Idem s’ils sont pris sous le feu ennemi. A vous de leur donner, plus tard, l’ordre de se rallier pour espérer les voir à nouveau en état de combattre. Mais pour cela encore faudra-t-il avoir à disposition assez de points de commandement, qu’il vous faudra gérer avec soin.
Le jeu le plus long
Burden of Command, s’avère être, dès sa démo, un jeu exigeant. Si l’interface, bien que perfectible, est assez simple à maitriser, réussir à remplir sa mission sans faire massacrer ses hommes est autre chose. Le jeu vous met constamment devant des choix cornéliens quant à l’utilisation de vos points de commandement en nombre limité, le mouvement et le positionnement de vos troupes, mais aussi les questions que peuvent vous poser vos subordonnés durant les phases de fiction interactive.
Cette démo met à jour les qualités du jeu, mais montre aussi ses défauts. En premier lieu des graphismes d’un autre âge qui nuisent un peu à l’immersion et parfois même à la compréhension de la situation tactique. Et puis le rythme du jeu est lent, les phases de fiction interactive, si elles rajoutent un intérêt historique indéniable, ont tendance à casser le déroulement de l’action. Si personnellement ça ne me pose pas de problème, cela pourra gêner les joueurs plus pressés d’en découdre. Enfin, la quasi impossibilité de maitriser totalement les actions de vos unités, en raison des mécanismes de moral et de points de commandement, pourra aussi en frustrer certains.
Un autre aspect peut surprendre. La taille de la démo fait environ 9 gigas, un poids inhabituel pour la démo d’un jeu ne faisant pas appel à des graphismes 3D de haute qualité. La faute, si l’on peut dire aux vidéos incluses dans le tutoriel (néanmoins très utiles pour l’apprentissage) et celles des témoignages des vétérans (qui auraient mérité des sous-titres), sans compter les photos d’époque colorisées et en haute définition. Cela fait que la majorité de l’espace occupé n’est pas consacrée au moteur de jeu mais à des archives historiques. On peut ainsi s’interroger sur la taille finale du jeu et espérer qu’il ne fera pas concurrence à Baldur 3 dans ce domaine.
On peut aussi d’ores et déjà se poser la question de la rejouabilité de Burden of Command, les scénarii étant, pour des raisons d’historicité, scriptés (pas de génération procédurale des batailles). D’ailleurs les deux scénarii proposés dans la démo se terminent de façon abrupte par le retrait de vos troupes. On espère qu’il y aura, dans la version finale du jeu, la possibilité de les mener jusqu’au bout.
On n’a ainsi clairement pas affaire à un casual game, ni d’ailleurs, de manière contre intuitive, à un jeu d’action. Burden of Command est un jeu de niche, dans un secteur de niche (celui du wargame). C’est un pari d’originalité audacieux de la part d’une équipe de passionnés, avec un mélange assez particulier entre jeu de réflexion, wargame, jeu de rôle et jeu éducatif, qui ne plaira pas à tout le monde. Le jeu rencontrera-t-il son public (les personnes férues d’histoire militaire et de tactique) ? Nous le sauront en 2025. En ce qui me concerne, j’avais mis ce jeu dans ma liste de souhait en 2017 et il va fermement y rester jusqu’à sa sortie, que j’attends avec impatience. Oui, parce que là ça fera bientôt huit ans…
Genre: Wargame
Développeur: Green Tree Games
Editeur : Green Tree Games
Date de Sortie : Q1 2025