Jeux de sociétéJouer

The Mind: Mentalist Boardgame

Peut être l’article le plus difficile à écrire depuis mes débuts ici. The Mind, c’est l’As d’or 2019. Autant dire le Goncourt des jeux de société. Le jeu que tout le monde a chez lui sans vraiment y jouer sauf que chez moi, les jeux se doivent d’être joués (même si certains sont un peu délaissés et mériteraient une nouvelle maison). 

Pour info, j’ai quelques As d’or et Spiel des jahres chez moi (j’ai vérifié pour l’article parce que les prix, je m’en fous), mais aucun Goncourt. Va comprendre. 

Un jeu ou un non jeu ? 

Le grand débat autour de The Mind est sa qualité de jeu. Pour ma part, je ne me suis pas posé la question. Je l’ai vu, je l’ai pris parce qu’il m’intrigue depuis longtemps. Son As d’or et son prix doux (11€ max) m’ont conforté dans l’idée de tester la bête. Etant amateur d’expérience singulière (la preuve, j’écris ici), il se devait de faire partie de ma ludothèque.

Je vous incite à lire le très bon édito de ludovox sur le sujet : http://ludovox.fr/%e2%96%ba-e-d-i-t-o-ceci-nest-pas-un-jeu/ 

Mais comment que ça se joue finalement ? 

Le principe est simple : faire une suite numérique dans l’ordre croissant avec plus ou moins de cartes (Elles sont numérotées de 1 à 100). Au niveau 1, chaque joueur a une seule carte, au niveau 2, deux cartes et ainsi de suite, jusqu’au niveau 12. 

Trop facile, me direz-vous. Quel intérêt ? L’intérêt vient du fait que les joueurs ont l’interdiction formelle de communiquer de quelque manière que ce soit. Pas de code secret à base “je touche mon coude trois fois pour dire que j’ai la carte 30”. Rien n’est autorisé. 

Il existe quelques subtilités : le shuriken qui permet d’éliminer la carte la plus basse de chaque joueur et la vie qui permet d’éliminer toutes les cartes de la main des joueurs inférieures à la valeur de la dernière carte posée. Evidemment, leur nombre est limité donc le niveau 12 les doigts dans le nez, ce n’est pas au bout de deux parties. Après une dizaine de parties, le niveau 7 est le mieux que l’on a pu faire.

Ce n’est pas un peu chiant de fermer sa bouche ?  

Pour les bavards, le temps de jeu est probablement la pire des tortures. De mon point de vue, The Mind est une expérience qui oblige à sortir de sa zone de confort et à faire parler son corps, à user du langage non verbal de façon subtile. Pire, il permet de communiquer avec les autres d’une autre manière. D’une façon bien plus viscérale. L’absence de langage obligeant à prendre en compte l’autre dans une dimension autre que la parole. Jouissif pour moi de voir les autres joueurs désarçonnés tant la parole est synonyme d’interaction sociale dans notre quotidien. 

Cela peut sembler paradoxal quand on connait mon métier (je n’ose pas le dire)(Note d’Harvester : mais t’es payé pour faire ce que tu fais en dehors de Dystopeek ?!?), mais j’adore les moments de silence qui veulent dire tellement plus que les logorrhées. Autant dire que The Mind fait figure de jeu parfait pour moi. Et pour ceux ou celles que ça intéresse, quasiment 75% du langage se faire de manière non verbale. Je dis ça, je dis rien.

Thème : T’en as un ou pas ?

Lapin, shuriken et nombres : V’là le thème.

Pour être franc, le thème m’importe quand le jeu veut me raconter une histoire. The mind n’est pas dans ce cas donc je n’ai pas fait attention. Certains y voient un trip lynchien, d’autres un délire d’auteur. A chacun de faire son avis. Je dois admettre que ça fait marrer mon groupe de joueurs alors que ça me laisse totalement froid. Des lapins, des canards ou des ornithorynques me feraient le même effet. Et j’aime bien l’œuvre de David Lynch.

Le verdict ?  

Personnellement, je kiffe parce que The Mind est une expérience et c’est ce que je recherche dans le jeu de société. Je veux vivre quelque chose, même si ce n’est pas narratif. La tension, le sentiment d’accomplissement quand on passe un niveau sans se planter est jouissif. Certains parlent d’une forme de communion. Je ne sais pas, de mon côté, si The Mind est à ce point. Il permet surtout de vivre une expérience extraordinaire dans son acception première. Ce n’est pas ordinaire et dans le monde du jeu de société où les sorties se comptent par milliers chaque année, c’est suffisamment rare pour être souligné. 

Il m’a fait et, je l’espère, me fera vivre plein de moments mémorables. Je pense notamment à un niveau 6 mené de main de maître et un autre où un joueur insulte tous les autres rien que par son langage non verbal (pas un mot, mais le chapelet d’insultes devait être énorme).

Un dernier mot pour conclure 

Quand l’équipe se réunira et ça arrivera, le premier jeu que je sortirai de ma besace sera The Mind parce qu’il ne prend pas de place, il s’explique en deux minutes (le temps d’attention d’une grande partie de l’équipe), promet une expérience inédite et me laisse une chance de ne pas perdre à un jeu de société puisque c’est un coopératif.

Les avis de mes joueurs réguliers : 

Joueur nain 1 : “C’est bien, c’est trop bien”. 

Joueur nain 2 : “Les illustrations ne sont pas top, mais j’aime bien”. (C’est vrai que l’illustrateur n’a pas forcé son talent). 

Joueur nain 3 : “………….” 

Joueur sage et confirmé : “The Mind, c’est la victoire du communisme sur le libéralisme ou plus simplement, tu te prends pour un télépathe”. 

En résume, The Mind est un jeu clivant où les joueurs doivent accepter de sortir de leur zone de confort pour apprécier le jeu. La communication directe étant absente, il faut accepter un laisser-aller autour de la table et finalement, comprendre l’autre, s’adapter… Une forme d’empathie si rare dans un monde où l’individualisme est exacerbé. Est-ce que son As d’or est mérité ? Je n’en sais rien et je m’en fiche. J’aime le jeu et ça me suffit.

Machiavel

Toujours à l'affût de ce qui peut piquer ma curiosité, peu importe le domaine avec une légère préférence pour les jeux vidéo, le cinéma, la littérature, les séries TV, les jeux de société, la musique, la gastronomie, les boissons alcoolisées et quelques autres petites choses . Ma curiosité est telle le tonneau des danaïdes, sans fond.

4 réflexions sur “The Mind: Mentalist Boardgame

  • Très bien, moi quand l’équipe se réunira je sortirai de ma besace une bouteille de rouge et un chorizo (non je ne vis pas dans la rue). Et on vivra une sacrée expérience.
    J’ai emprunté The Mind, j’ai lu les règles et je me suis dit « bof ». Pourtant j’aime bien Hanabi, un autre jeu coopératif à communication super limitée.
    Mais si on n’y joue, peut-être que tu arriveras à me faire … change my mind.

    • Machiavel

      C’est clairement un jeu qui se vit. Après, c’est tout à fait possible de ne pas accrocher.
      Oh oui, du vin et du chorizo :).

  • Ruvon

    Faudra venir avec son cerveau ? Ça peut poser problème à certains membres de l’équipe.
    N’oubliez pas la bière quand même.

  • Rouxbarbe

    Tiens le jeu me rappelle pas mal The Game dans son genre…

Commentaires fermés.