Sumerian Six
Tels de vrais commandos, les développeurs de chez Artificer s’infiltrent dans notre fil d’actualité après des mois à éviter nos cônes de vision. Pleurant la mort du studio Mimimi, ils sortent le devolver, ivres de colère, pour nous toucher en pleine cervelle avec un jeu de tactique en temps réel qui rend hommage à ceux qui ont redonné vie à ce genre si particulier. Fans de Desperados 3 et de Shadow Tactics, la relève est là et elle s’appelle Sumerian Six.
Mi-mimimi ?
Difficile de ne pas ressentir, en jouant à Sumerian Six, l’inspiration des développeurs pour le travail des papas de Shadow Tactics tant la ressemblance crève l’écran. De l’interface, quasi-identique, aux différentes mécaniques ennemies, comme le chef insensible à vos effets ou le super soldat qui remplace le redoutable Samouraï, Sumerian Six pourrait être le rejeton du défunt studio Mimimi que nous n’y verrions que du feu.
Mon réveil aujourd’hui est difficile. Relevant lentement la tête jusque-là posée sur le clavier, je frotte ma joue pour enlever les marques imprimées par les touches, un peu déboussolé. Ai-je vraiment passé la nuit sur un jeu qui mélange sans honte démons et nazis ? Non, franchement, elle est vraiment pas mal cette édition de Desperados à Disneyland.
Les Desperados à la sauce Devolver
Votre ancien camarade, le terrible Hans Kammler, devient le chef suprême du régime nazi. Maitrisant le Geiststoff, substance octroyant des pouvoirs mystiques, il transforme le mouvement de Adolf Hitler en un culte où se côtoient démons et soldats augmentés, prêts à conquérir le monde.
Vous êtes aux commandes de l’Enigma Squad, commando composé de scientifiques aux pouvoirs spéciaux conçu pour saboter les plans du troisième reich. À travers 10 missions aux environnements variés, vous chercherez à mettre un terme aux agissements de Kammler pour sauver le monde d’une emprise des démons nazis, aidés par le savoir des textes sumériens. Un truc comme ça.
Ouaip, un synopsis complètement barré que j’aurai pu pondre sous LSD, en parfaite concordance avec la patte de Devolver. Un pitch cependant trop kitch une fois la descente de trip entamée, plus vraiment à mon goût dans ma pratique ô combien sérieuse du sacro-saint jeu de stratégie. Heureusement, sur le plan tactique Sumerian Six se révèle un délice.
Des personnages hauts en couleur
Selon vous, qu’est-ce qui rend un « Commandos-like » intéressant ? Pour moi, les capacités des personnages joués et ce plaisir Eureka ! de trouver au fil de l’eau des solutions plus ou moins dingues à des problèmes en apparence incraquables. Et si j’ai terminé le jeu en une poignée de jours alors que mon emploi du temps croulait sous les priorités, c’est parce que sur ces points, Sumerian Six fait du bon boulot.
Au nombre de six, les personnages proposent grâce aux pouvoirs surnaturels des visions de jeu différentes qui, combinées, se révèlent absolument jouissives. Je reste flou pour vous laisser le plaisir de la découverte, mais vous pourrez intervertir votre position avec celle d’un ennemi, placer une bombe sur l’un deux pour la faire sauter lorsqu’il rejoint son groupe, charger un ennemi pour le tuer 2m plus loin, à l’extérieur d’un cône de vision qui le ciblait, ou rendre invisible un micro secteur de la carte et ce (ceux !) qui s’y trouve.
Avec trois à quatre capacités par personnage, vous possédez un panel d’options tactiques convenable, bien qu’un peu chiche, en sus du traditionnel coup au corps à corps. Certaines discrètes et d’autres beaucoup moins, que je me suis abstenu d’utiliser pour ne pas déclencher d’alarmes. J’ai pris un réel plaisir à penser des combinaisons farfelues qui, cerise sur le gâteau, se sont mises à fonctionner. Si le jeu s’avère dans l’ensemble plus bourrin que les ténors du genre, avec entre autres de nombreux objectifs de nettoyage de zone, l’étal de pouvoirs proposé permet de jouer de façon certes violente, mais dans la plus grande discrétion.
Un puzzle indulgent
Je ne sais pas vous, mais j’ai toujours trouvé les jeux de Mimimi imparfaits, notamment en raison de cette trop grande sensation de jouer à un puzzle strict, où l’on essaye à coup de recharges rapides de passer un problème nécessitant une solution unique avec un timing parfait. Après visionnage de différentes vidéos de bons joueurs, j’ai compris que tout ceci n’était qu’une impression et que j’étais tout simplement nul, pourtant cette dernière persistait.
Artificer relâche sensiblement le cran pour proposer un défi tactique plus permissif. Vous croiserez toujours des situations qui passeront à un cheveu près ou qui semblent nécessiter une façon précise pour avancer, mais dans l’ensemble l’indulgence dont fait preuve le jeu nous rend plus libres d’expérimenter, moins contraints par une solution (en apparence) unique.
C’est selon moi une excellente chose. Les parties gagnent en dynamisme et en ressortent plus organiques, moins régies par le syndrome de la recharge rapide qui existe toujours mais se fait lui aussi plus discret. J’ai par ailleurs apprécié la fonction d’accélération de temps, qui réduit les nombreux temps morts passés à analyser une patrouille ou à attendre le retour de cette dernière. À l’inverse, et à l’instar des jeux Mimimi, les fonctions de ralentissement temporel et de programmation existent toujours.
Certains pesteront peut-être face à la course qui ne fait pas de bruit ou à l’absence de traces de pas sur les sols meubles, mais cela entache peu l’expérience de jeu. Je recommande tout de même aux bons joueurs de monter la difficulté d’un cran pour ne pas rouler avec frustration sur l’ensemble des niveaux. Enfin, les amateurs de défis retrouveront ces derniers, sous une forme plus simple (terminer la mission en un certain temps, ne pas déclencher d’alarme, se passer d’une compétence…)
Un bon jeu, mais…
J’émets en revanche des réserves sur le système d’expérience instauré. Des caisses attitrées sont disséminées dans les niveaux et améliorent les capacités du personnage en question lorsqu’on les ramasse. Si je saisis l’envie des développeurs de pousser le joueur à explorer les zones secondaires des niveaux, je préfère sur ce genre de jeu l’idée d’un personnage aux caractéristiques bien définies avec lesquelles on doit se débrouiller.
Dans quelle mesure sommes-nous capables de finir le jeu sans ces caisses ? Le chemin devient-il trop facile si on les ramasse toutes ? Ces améliorations deviennent-elles nécessaires sur les difficultés supérieures ? Tant de questions existentielles… On peut à l’inverse les voir comme un coup de pouce pour les joueurs en difficulté qui ne désirent pas baisser cette dernière ou jouent déjà en facile. Une option d’accessibilité en somme.
Aaaah l’accessibilité…Quitte à parler de ce sujet qui me tient à cœur, un bref reproche sur le manque de lisibilité de l’action et la nécessité de régulièrement jouer avec la touche de mise en surbrillance pour ne pas rater bêtement un ennemi.
Pour finir, le jeu m’a semblé plus linéaire que les autres jeux du genre. La nostalgie me frappe peut-être et cette réserve mérite des pincettes, mais le jeu donne régulièrement l’impression de parcourir un couloir malgré la présence d’arènes. Une remarque plus qu’un reproche, qui n’enlève rien aux 15 heures de plaisir passées sur le jeu.
Artificer reprend le flambeau
Si la fermeture du studio Mimimi jeta un froid dans l’univers très fermé du jeu de tactique en temps réel, l’arrivée de Sumerian Six ravive une flamme aussi chaude qu’inattendue. Grâce à ce premier jet à la performance remarquable, Artificer peut reprendre fièrement le flambeau du genre, tel un relais olympique.
Torche à la main, expérience en poche, cette équipe prévoit-elle de nous régaler une fois de plus après ce premier succès ?
Genre : Tactique Temps Réel
Développeur : Artificer
Editeur : Devolver Digital
Date de Sortie : 2 Septembre 2024
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur