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Rosewater

« J’aurais pourtant juré que le jeu ne t’intéresserait pas. Comme quoi, je ne comprendrai jamais tes goûts pourris ».

C’est avec ces derniers mots peu amènes que le rédac’ chef de Dystopeek me tend la boîte de Rosewater, les larmes aux yeux (en réalité il m’envoie une clé steam mais l’image est tout de suite moins belle). Ce qu’ignore ce brave (soyons magnanimes) homme, c’est que j’ai longtemps entretenu une passion étrange et débridée pour les point & click (P&C pour la suite de l’article parce que c’est trop long à écrire).

Vous savez, il s’agit de ces jeux dans lesquels votre personnage, tout de gros pixels vêtu, se balade sur un décor en 2D, ramasse tout et n’importe quoi dans l’espoir absurde de pouvoir s’en servir plus tard et/ou de construire une machine démente comme un MacGyver en plein rush d’adrénaline, et raconte sa vie à tous les PNJ qu’il rencontre, s’attendant secrètement à ce qu’on lui fournisse enfin une information utile qui sera susceptible de débloquer la situation et de faire avancer l’intrigue. 

Un saloon, des cow-boys. Ok, le décor est posé.

Il faut bien reconnaître que c’est un genre qui, malgré quelques tentatives de réanimation au cours des dernières décennies, appartient désormais au passé et à l’âge d’or du PC. Oui, en cette ancienne et glorieuse époque, le mode VGA venait de mettre un bon coup de pied au cul aux anciens et poussiéreux modes graphiques EGA et CGA qui faisaient du PC une machine bien ringarde pour les amateurs de jeux vidéo (je mens, Déjà vu, l’Arche du Captain Blood ou Colorado, c’était bien, même en CGA).

Avec 256 couleurs affichées sur un écran en 320 pixels sur 200 pixels ou 16 couleurs sur 640 pixels sur 480 pixels (imaginez-vous ça, c’est le futur, ma bonne dame), ça en jetait pas mal et ouvrait des horizons encore insoupçonnés pour bien des développeurs. C’est à cette époque que les jeux plus iconiques de Sierra online, Lucas film (Oui, il s’agit de la compagnie de qui vous savez) ou encore Origin Systems naquirent.

Admirez ce joli ciel !

On découvrait alors les joies du golf avec Links, du jeu d’aventure avec Escape from Monkey Island ou du simulateur de vol dans l’espace avec Wing Commander (sans DLC, vaisseaux qui coûtent un rein ou même un Kickstarter à cette époque). Du côté du jeu d’aventure, les nouvelles capacités graphiques et sonores du PC (merci les cartes Roland et Soundblaster) permettaient toutes les exubérances.

Qu’il s’agisse de réinventer le conte de fée avec les King’s Quest de Roberta Williams, de partir, balai en main, à la découverte de l’espace avec Space Quest des Two Guys from Andromeda ou encore d’aller draguer toutes les femmes du quartier comme un gros lourd avec Leisure suit Larry d’Al Lowe, il y en avait vraiment pour tous les goûts.

Sérieusement, ce style graphique ne vous fait penser à aucun jeu de Jordan Mechner ?

Et puis, les cartes graphiques 3D sont arrivées et le genre a rapidement dépéri, faute de savoir se renouveler et de prendre le tournant technologique (vrai pour King’s Quest mais un peu faux pour Grim Fandango). Cela dit, il n’a jamais vraiment disparu grâce à la scène indépendante et un utilitaire magique et gratuit, l’AGS ou Adventure Game Studio, mais ceci est une autre histoire. Tout ça pour justifier ma paie vous dire que je commence l’exploration de ce Rosewater avec, à la fois, un avantage et un sérieux inconvénient. 

L’avantage, comme je vous le disais, c’est que j’ai écumé toutes les productions de l’âge d’or du P&C, allant des très célèbres Escape from Monkey Island jusqu’au plus obscurs Croisière pour un Cadavre (Delphine Software), Rex Nebular and the Gender Bender Machine (Microprose) ou Manhunter (Sierra on Line) (en réalité, il y a nettement plus obscur mais là, je vais perdre mes deux derniers lecteurs).

Tiens, une autre pigiste exploitée par le grand capital !

Du côté des inconvénients, il y a comme un léger problème vu que je n’ai jamais joué au premier titre de la série dont Rosewater est tiré. Du coup, l’intégralité des références au terrible événement apparemment survenu dans Lamplight City, premier jeu de la série, m’est légèrement passé au-dessus de la tête.

Peu importe, ce n’est quand même pas une totale méconnaissance du background de ce jeu qui va m’empêcher d’en profiter et de résoudre les énigmes bien fourbes qui vont se dresser sur mon trajet. Quoique… comment vais-je donc ouvrir cette satanée porte ?

Vous ai-je dit qu’on était en basse saison ?

Techniquement, Rosewater ne fera pas chauffer vos cartes graphiques hors de prix (ni même vos cartes graphique intégrées de sales gueux). C’est propre pour un jeu d’aventure old school, avec des personnages suffisamment expressifs malgré les gros pixels (attention, nous ne sommes pas non plus dans une production Wadjet Eye Games comme Technobabylon ou Resonance), des animations assez fluides et des décors très lisibles et identifiables (le saloon ressemble à un saloon, le fort à un fort, vous me suivez ?).

Pour autant, on reste clairement dans une production indé et old school. Il ne faudra donc pas être trop exigeant sur l’aspect graphique sous peine de décrocher rapidement mais j’ai l’intuition que le public cible sait déjà parfaitement à quoi ressemblera le jeu. Le bon côté des choses, c’est qu’il tourne parfaitement bien sur n’importe quel PC antédiluvien. Le mauvais côté des choses, c’est que le cross-save a légèrement planté mais j’avais peut être un peu trop poussé le bouchon en poursuivant ma partie sur trois ou quatre machines différentes.

Vous ai-je déjà dit que les cieux étaient jolis ?

Après avoir récupéré une ancienne sauvegarde et passé plusieurs heures sur le jeu, une chose est évidente : Rosewater figure parmi les bons élèves du genre. Les énigmes sont assez logiques (ce qui n’a pas toujours été le cas y compris sur certains grands classiques. Mais non, Grim Fandango, je ne pense PAS du tout à toi) et les personnages rencontrés sont tous suffisamment intéressants et variés pour qu’on accepte de se taper l’équivalent d’un tout petit Visual Novel (garanti sans tentacules, ni démons).

A noter qu’il existe parfois plusieurs manières de résoudre une énigme ou d’arriver à bout d’un puzzle, ce qui est assez plaisant. L’histoire, quant à elle, se laisse plaisamment suivre sans trop de temps morts. A noter que le fait de ne pas avoir joué à Lamplight City n’est pas bloquant pour profiter de ce Rosewater qui y fait référence à plusieurs reprises.

Tout comme le jeu, ce test ne vous fera vraisemblablement pas changer d’avis sur le genre. En tout cas, il n’a pas convaincu le rédac’ chef de me payer. Si vous êtes un amateur de P&C et que vous n’avez pas encore atteint le point de saturation, Rosewater constituera un ajout très recommandable à votre collection. En revanche, si vous considérez les Point & Click comme des reliques désuètes des temps passés, le jeu ne fera clairement rien pour modifier votre impression.

Ce sera toujours lent et verbeux et il n’y aura rien ici qui ne saurait satisfaire un amateur de shotgun à canon scié ou de rocket launcher. Bref, c’est un bon jeu mais il est, en 2025, clairement destiné à une niche de joueurs. Si vous faites partie de la faune qui gravite autour du site Adventure Gamer, vous pouvez y aller sans crainte mais vous ne m’avez probablement pas attendu. PS : Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur l’AGS.

Genre : Aventure / Point & Click

Développeur : Grundislav Games

Editeur : Application Systems Heidelberg

Date de sortie en Early Access : 27 Mars 2025

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Baalim

Vieux joueur, atariste convaincu, collectionneur de trucs bizarres et hétéroclites, geek à ses heures perdues, pratiquement certain de n’avoir rien signé et de ne pas être payé, il se demande encore ce qu’il fait là.