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Mondes en Guerre

Je viens de finir les 4 tomes (De la préhistoire au Moyen-Age, L’âge classique (XVème – XIXème), Guerres mondiales et impériales 1870 – 1945 et Guerres sans frontières 1945 à nos jours) de Mondes en Guerre à la suite. D’emblée, pour moi, tous sont très bien sauf le troisième tome. Je m’explique : si tous parlent évidemment de la guerre au cours des âges, de notre point de vue wargamistique, le 3ème opus n’en traite que pendant les 148 premières pages des 696 (soit 21% en étant gentil car les 22 premières sont consacrées à l’introduction).

Et encore s’agit-il de les survoler en décrivant les conflits et les armes sans que l’on apprenne vraiment grand chose ; la faute, il faut bien aussi l’avouer, à la prépondérance de ces conflits dans notre passe-temps préféré. Néanmoins, on sent bien que ce qui intéresse ici les auteurs n’est pas tellement la guerre en elle-même mais plutôt tout ce qu’elle provoque comme modification dans la société. Vous pourriez m’objecter qu’il en va de même pour le deuxième tome mais celui-ci, outre le fait qu’il n’aborde pas chronologiquement les conflits, ne dissocie jamais dans ses chapitres la composante militaire. Il est vrai que cette période en est foisonnante !

Ce que je reproche donc à ce troisième tome de Mondes en Guerre, c’est finalement son approche trop académique (découpage en chapitre où le premier parle d’histoire un peu platement – à mon avis – des conflits pour mieux s’en éloigner et ne traiter ensuite que de leurs conséquences sur la société), trop universitaire (J’entends par là un découpage avec, dans beaucoup de chapitres, la fin de l’introduction dans lequel on explique la démarche qui va suivre et leurs différentes étapes comme par exemple p158, 199, 387, 511, 634 à l’opposé par exemple p672 où l’explication de la structure/démarche à venir est expliquée plus naturellement) et surtout vous l’aurez compris le choix des thèmes trop éloignés de nos intérêts.

Attention, je ne dis pas que le troisième est à bannir, loin s’en faut ! Et je ne crache pas non plus sur l’aspect académique en lui-même ; cela garantit même le sérieux de l’affaire (j’aime par ailleurs beaucoup ce que fait André Loez, en charge de la direction de ce tome, notamment à travers ses podcasts). Ce tome est en effet très intéressant pour qui se préoccupe des questions sociétales, des engagements politiques et idéologiques, du rapport à la guerre, les violences et crimes, sur leur refus, les situations genrées, les témoignages et leur postérité. C’est juste que, contrairement aux autre tomes, il s’éloigne un peu trop à mon gout de nos aspirations belliludistes.

A l’inverse, le premier tome de Mondes en Guerre est remarquable en ce sens qu’il comble toutes mes attente d’une telle série : balayage de toute les civilisations connues sous le prisme de la guerre avec profusion de détails malgré le déficit de sources par rapport aux autres époques. Sous l’égide de Giusto Traina, si l’on suit l’évolution de la guerre chronologiquement, géographiquement et techniquement, elle est aussi vue à travers ses peuples, leurs aspirations, appréhensions et les choix qu’ils seront amenés à prendre face aux problématiques rencontrées.

Le deuxième tome voit la montée en puissance de l’art de la guerre décliné dans toutes ses formes et dans toutes les régions du monde. Sous la conduite de Hervé Drevillon (qui chapeaute aussi toute la série), on assiste ici à un découpage non plus séquentiel chronologique, mais par thèmes ce qui impose d’avoir un minimum de connaissances historiques pour ne pas se perdre. Pas de problème pour nous à priori mais certaines zones reculées ou peu représentées dans nos simulations historiques pourront nécessiter quelques rafraichissements si l’on ne s’y est pas intéressé auparavant. Là encore, j’en ai trouvé la lecture très agréable et instructive avec une mise en perspective des problématiques de ces époques couplées à l’intégration des évolutions techniques, mises à mal par les dogmatismes religieux, militaires et politiques. J’ai particulièrement apprécié l’ouverture sur le monde, même si cela reste à mon goût encore trop timide.

Enfin, le quatrième et dernier tome, dirigé par Louis Gautier, m’a permis de rendre une cohérence à des morceaux d’histoires d’avant ma naissance dont les répercutions se voient encore aujourd’hui. Non pas que je n’en avais pas conscience, mais il permet d’en faire la synthèse, de contextualiser chaque action et de la remettre en perspective avec des enjeux plus globaux en intégrant tous les aspects politiques, stratégiques, idéologiques et économiques mais aussi vu par le biais des prismes de l’époque pour mieux s’en défaire. Avec par exemple la mise en lumière de la crainte omniprésente des occidentaux de voir dernière chaque rébellion communiste la patte soviétique, alors que les archives de l’ex-URSS ont montré que ça n’a pas toujours été le cas.

En revanche, petit bémol quant au fait de parler de l’histoire récente, qui comporte toujours un risque de ne pas avoir assez de recul pour être totalement pertinent. Ici, avec un volume sorti en mars 2021, on a l’impression que la guerre froide est vécue comme une parenthèse et que les années post guerre froide de 1991 seraient un retour à la normale. Même si de nombreux intervenants soulignent à juste titre un basculement progressif de la Russie de Poutine, peu l’identifient aux alentours de 2008 mais seulement en 2014 avec la prise de la Crimée. On voit bien ici la limite de cet exercice à vouloir à tout prix coller au plus près de notre actualité récente.

Une constante dans cette série est la beauté des livres, avec les images superbes et bien pensées, collant bien au texte. La cartographie est aussi bien présente et claire. Les sources sont nombreuses et bien détaillées. Les notes en revanche ne font pour la plupart qu’éclairer les sources sans ajouter la plupart du temps d’explications. Mais je comprends que cela aurait alourdit (au propre comme au figuré) chacun des 4 tomes. Bref, je conseille à tous Mondes en Guerre car c’est passionnant, bien écrit et documenté, agréablement illustré et précis dans leurs propos.

faxo

Toujours à contre-courant des modes - wargamer et rôliste du temps des jeux vidéo et vice-versa, adepte des jeux longs et compliqués quand la tendance est à l'inverse - et pas avare de contradictions comme demander plus de tests au rédac’ chef sans en avoir le temps tout en sachant qu'il ne sera pas payé !