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Rauniot

Tester Rauniot, nouvelle production indépendante signée Act Normal Games en provenance de Finlande, est une expérience étrange. C’est un peu comme exhumer un vestige des temps anciens.  Car, voyez-vous, Rauniot est un point and click en vue 3D isométrique, comme on en produisait à la pelle au beau milieu des années 90. 

Alors, certes, le lecteur le plus averti me rappellera l’existence de Stasis 1 et 2 auxquels ce nouveau jeu fait indubitablement penser tant dans son visuel que dans son ambiance post-apocalyptique. Néanmoins, Rauniot fait figure d’anomalie dans une période bien plus propice aux jeux d’action, aux FPS et autres RTS. 

Il faut bien reconnaître que l’âge d’or du point & click est clairement derrière lui malgré quelques tentatives valeureuses pour provoquer sa résurrection (on pensera notamment aux Espagnols de Pendulo Studio, aux allemands de Daedalic Entertainment ou encore à l’excellent éditeur Wadjet Eye Games qui a multiplié les bonnes productions depuis une dizaine d’années).

(Note au lecteur : je suis assez malhonnête. Il existe en réalité une profusion de P&C récents et un vrai marché de niche. Les plus curieux pourront aller jeter un œil au fantastique site https://adventuregamers.com/). Du coup, se plonger dans Rauniot, c’est un peu comme retrouver de vieilles charentaises à moitié défoncées mais toujours confortables.

Comme dans tous les jeux du genre depuis que le genre existe, on se balade d’un décor à l’autre en survolant l’écran à grands coups de souris pour trouver tous les éléments interactifs (les joies du pixel hunt, comme le savent bien ceux qui, naguère, ont joué à Indiana Jones and the Last Crusade), on ramasse compulsivement toutes les merdouilles qui traînent et on tente les combinaisons d’objets les plus absurdes dans l’espoir de résoudre un puzzle tandis que le jeu persiste à nous affirmer que « tout ceci ne mènera à rien ». 

Comme le jeu reste assez old school, il n’existe ni aide permettant de surligner tous les objets interactifs d’une scène, ni système d’indice . La seule concession des développeurs à la modernité tient à la présence d’une carte et d’un système de voyage rapide d’une scène à une autre.

Le scénario du jeu reste volontairement assez elliptique et se borne à vous indiquer que vous êtes une jeune femme , manifestement amatrice de tatouages ethniques, partie à la recherche d’un certain Toivo et dont la mission consiste à le ramener illico presto à la colonie à laquelle ils appartiennent tous les deux. 

Le jeu débute alors que vous arrivez en voiture dans une sorte de ZAD du futur (laquelle ressemble étrangement aux ZAD d’hier mais je m’égare). Les dernières infos en votre possession vous laissent penser que le fameux Toivo a fait une petite halte dans le coin. Ne reste plus qu’à mettre la main dessus.

Bien évidemment, le jeu consistera assez classiquement à vous faire découvrir les méandres du scénario et les différents décors en résolvant les énigmes et puzzles qui entravent votre progression. Bien évidemment, vos neurones seront mis à contribution et vous permettront, à chaque succès, d’accéder à de nouvelles zones. 

Ainsi, votre première exploration des lieux vous amènera très rapidement dans un cul de sac, à moins, bien entendu, que vous ne trouviez les outils adéquats pour débloquer certains chemins de traverse. C’est là que j’entrevoie la difficulté qui existe à chroniquer un genre aussi codifié. Dans le fond, rien ne distingue Rauniot de ses congénères.

Les objets doivent être récupérés et combinés pour résoudre les puzzles et les personnages rencontrés au fur du jeu doivent être interrogés ad nauseam afin de débloquer une impasse apparente (non, non, je ne pense pas du tout aux anciens jeux Sierra). Je note tout de même que les énigmes sont assez classiques quoiqu’un peu retorses et que les puzzles nécessitent parfois de se creuser les méninges.

Bref, si vous lisez cette chronique et que vous n’êtes pas en territoire connu, c’est vraisemblablement parce que votre navigateur vous a fourbement amené sur ce site obscur et peu digne de confiance. Dans le cas contraire et comme tout bon amateur du genre, vous savez déjà pertinemment ce que vous allez trouver dans Rauniot et rien ne vous surprendra réellement.

Du coup, ma modeste contribution consistera à vous expliquer pourquoi Rauniot n’est pas tout à fait comme les autres rejetons de ce genre en voie d’extinction. En premier lieu, Rauniot se différencie un peu de ses congénères grâce à son esthétique post apocalyptique qui, malheureusement, tend assez manifestement vers le marronnasse (rien de bien neuf sous le soleil de Fallout 3).

Cette ambiance se traduira, bien entendu, par une déferlante de bâtiments à moitié abandonnés et déglingués et par des protagonistes légèrement blasés et/ou sociopathes dont le principal sujet de réflexion consiste à savoir s’ils auront ou non du rat mutant au dîner. À l’arrivée, le jeu reste tellement classique dans son approche qu’il me semble que le seul motif d’acquisition tiendra justement à cette ambiance fin du monde, si tant est que BEAUTIFUL DESOLATION (des auteurs de Stasis) n’ait pas déjà comblé, votre appétit.

A noter toutefois que les interactions avec les PNJ (personnages non joueurs pour le type qui s’est retrouvé ici par hasard) peuvent être assez… surprenantes.

Pour le reste et malgré le soin apporté à l’ambiance et aux dialogues, il ne s’agit, en fin de compte, que d’un point & click parmi d’autres qui ira rejoindre the Wardrobe, Gibbous – A Cthulhu Adventure ou encore The Whispered World dans votre placard numérique des jeux joués et déjà un peu oubliés malgré leurs qualités certaines.

C’est peut-être l’âge ou la lassitude du vieux joueur qui parle, mais il me semble néanmoins qu’aucune des productions modernes n’arrive à retrouver la grandeur et le lustre des classiques de chez Lucasart comme Day of the Tentacle, Sam’ n Max, Secret of Monkey Island, ou de chez Sierra comme Gabriel Knight, Laura Bow and the Dagger of Amon ra ou encore King’s Quest VI.

Bref, Rauniot reste une bonne petite production indépendante à laquelle on reprochera essentiellement de ne pas marquer suffisamment l’esprit pour s’inscrire dans le temps.

Genre : Point & click

Développeur : Act Normal Games

Editeur : Act Normal Games

Date de sortie : 17 Avril 2024

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Baalim

Vieux joueur, atariste convaincu, collectionneur de trucs bizarres et hétéroclites, geek à ses heures perdues, pratiquement certain de n’avoir rien signé et de ne pas être payé, il se demande encore ce qu’il fait là.