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Early Access: Manor Lords

Depuis fin Avril, les gens que je croise dans la rue me posent invariablement deux questions : « est-ce que Baalim rendra un jour un article en temps et en heure ? » et « mais bon sang où est votre papier sur Manor Lords ? ». Pour la première c’est simple : l’animal étant ce qu’il est, impossible de prédire. Pour la deuxième, je pensais qu’au vu du nombre d’articles et de vidéos sur ce jeu qui a tant fait parler de lui, vous n’aviez pas besoin de nous. Et il y a aussi le fait qu’on est trop occupés à y jouer pour écrire dessus. Mais puisque vous insistez, voilà mes impressions.

Si vous êtes restés sans Internet ces derniers mois, sachez que Manor Lords a créé le buzz en étant un des jeux les plus wishlistés avant sa sortie. Oui, un jeu de gestion-stratégie (on va dire ça comme ça) développé par un gars dans son garage. La classe.

Et au moment où je vous parle, un mardi à 17h20, le gars a vendu plus de 3 millions de copies et, au lieu de partir avec la caisse comme le premier Baalim venu, continue de bosser sur son Early Access. Une belle histoire qui, nous l’espérons, finira bien avec un joli bien fini, sachant qu’il mériterait déjà un Dystoseal of Quality totalement subjectif.

Alors non, ça n’est pas le jeu de gestion ultime. Non, ça n’est sûrement pas le jeu de stratégie ultime. Il reste beaucoup à faire même, il y a des mécaniques à implémenter, beaucoup d’informations manquantes, des trucs pas bien logiques et des bugs mais honnêtement, on s’en fiche un peu parce qu’on prend son pied dessus. Enfin je parle pour moi mais je ne dois pas être le seul.

Vous le savez maintenant, je suis accroc aux city builders, j’adore voir mes petits bonhommes aller et venir dans la ville qui se développe sous mes yeux attendris. Mais là je dois avouer que l’immersion est plusieurs dizaines de crans au-dessus de la moyenne. Les villages que vous allez créer font plus vrais que nature, avec leurs chemins tarabiscotés et boueux, ces bœufs traînant des troncs d’arbre sous l’œil impassible des marchands, ces commis qui vont chercher les carottes pour les amener au grenier…

Manor Lords regorge de bonnes idées, mais il va quand même falloir lutter un peu pour en profiter, la faute à un tutoriel que nous qualifierons pudiquement d’absent et des petits bugs qui peuvent s’avérer gênants mais qui n’empêchent en rien de s’amuser.

Manor Lords propose plusieurs modes de jeux, toujours sur une grande carte divisée en 8 zones qu’il va falloir conquérir de manière plus ou moins pacifique. Chaque zone dispose de ses propres gisements de ressources et d’une fertilité variable, ce qui orientera votre manière de jouer.

En effet, l’agriculture est un élément clé du jeu qui nécessite beaucoup d’attention et de micro-management, du fait non seulement du cycle des saisons mais aussi de la fertilité du sol, qu’il faut surveiller et entretenir en mettant par exemple les champs en jachère. Rotation des cultures et gestion du personnel, c’est réaliste et peu commun !

Un des points que j’aime le plus et la gestion des habitations. Lorsque vous créez une maison (censive dans le jeu), vous ne posez pas un simple carré que vous copiez-collez. Non, vous définissez pour chaque logement la taille du terrain, sur lequel seront construits non seulement la (ou même les) maison mais aussi les dépendances, poulaillers, potagers… Parce que oui, chaque foyer peut être spécialisé, le jeu mettant l’accent sur les familles.

Vous construisez par exemple une maison à l’arrière de laquelle vous ajoutez un potager. La famille vivant là va donc cultiver ses légumes et prendre un stand au marché du coin pour les vendre. Monsieur bêche, le petit transporte et madame vend. Et c’est comme cela pour chaque corps de métier, vous réfléchissez en termes de famille.

Ensuite, il va falloir – comme d’habitude dans ce genre – gérer les chaînes de production et limiter au maximum les déplacements inutiles. Par exemple, si vous n’affectez personne à l’entrepôt, ce seront les membres de chaque famille produisant quelque chose qui viendront y amener leur production. Sachant que quand ils transportent, ils ne produisent pas. Donc autant affecter directement une famille à l’entrepôt, elle s’occupera de faire le tour de tout le monde pour récupérer les différentes productions.

Manor Lords regorge de petites choses comme ça qu’il va falloir aller chercher sur le net ou découvrir par vous-même, le jeu n’étant guère accommodant avec les nouveaux venus. Cela pourra faire peur aux novices, j’ai personnellement bien aimé et recréé un village sans la moindre hésitation. Par contre, il y a pour le moment un souci avec l’équilibrage général, avec par exemple la possibilité, en faisant des jardins très vastes, de nourrir toute votre communauté ou de tellement exporter une denrée en excédent que vous devenez très vite très riche.

Il manque aussi encore aussi pas mal de contenu dans la partie gestion (on ne peut pas élever d’animaux pour leur viande par exemple) et on arrive très vite au niveau maximum de la ville quand on a compris ce qui fonctionne. On se retrouve alors avec un superbe bourg qui vit à son rythme, avec des greniers et entrepôts pleins, des gens heureux mais un joueur qui se retrouve un peu spectateur.

Et j’insiste bien sur superbe bourg parce qu’étrangement, malgré mes heures passées sur les jeux où il faut optimiser au poil de fesse, dans Manor Lords j’avais vraiment un souci d’esthétisme et de réalisme en créant mon village : l’église au milieu avec le marché à côté, le puits pas loin avec le four communautaire, je me suis même pris à y penser au boulot et à en discuter avec un collègue qui y joue aussi…

On pourrait donc passer des heures à simplement regarder ce beau monde évoluer et les saisons s’écouler. Mais comme cela ne suffit évidemment pas, il reste deux modes de jeux introduisant des lords concurrents et autres bandits contre lesquels il va falloir se défendre en levant des armées et en recrutant des mercenaires.

Il faut importer ou fabriquer des armes, équiper ses paysans et quand le temps des combats est venu, lever des unités. J’avoue qu’autant dans un Total War ça ne me dérange pas de voir des soldats s’étriper, autant là voir mon boulanger se faire éviscérer m’a fait verser une petite larme… Attention, ces batailles ne vont pas rivaliser avec celles d’un vrai STR, mais elles sont quand même plutôt réussies.

Au point de vue technique, vous avez vu des vidéos, admiré des captures : c’est beau à pleurer et ça tourne comme un charme. Le moteur est très propre, l’interface claire et même s’il manque encore plein d’informations pour satisfaire les intégristes du tableur Excel, on peut dire que le boulot accomplit par ce développeur est phénoménal.

Il manque encore plein de choses, plein de mécaniques doivent être peaufinées, testées et équilibrées, l’IA des villageois mérite encore un peu de polish mais pour un Early Access, encore une fois, c’est du tout bon. Il y a aussi beaucoup de bugs, qui sont remontés et pris en compte, comme ces champs impossibles à récolter ou ces sans-abris qui ne voient pas les maisons libres…. Bien souvent il suffit de relancer le jeu pour que cela refonctionne.

Je vous recommande quand même de l’acheter au plus vite (même si le développeur n’a plus besoin de soutien financier) si vous aimez la gestion, d’y passer un week-end ou deux sans lever vos fesses de votre fauteuil et d’ensuite le désinstaller et d’attendre, pour ne pas vous en dégoûter avant la version finale.

En tout cas c’est ce que je vais faire : aller au bout de chacun des trois modes de jeu en me créant le plus beau village possible, puis essayer de l’oublier un peu. En ne le relançant pas au moindre patch qui sort, même si cela va être difficile. Allez Slavic Magic, au boulot !

Genre : Gestion et Stratégie

Développeur : Slavic Magic

Editeur : Hooded Horse

Date de sortie en Early Access : 26 Avril 2024

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...