Potion Craft
À fond la fiole
Votre tata astrologue dépressive qui pue l’encens en témoigne : les croyances ésotériques sont à la mode. Sorcières, chamans et druides ornent les couvertures des livres et boîtes de tarots des gros éditeurs, qui ont bien flairé l’importance des sagesses ancestrales dans nos vies quotidiennes, et leurs bilans comptables. Mais ces ouvrages se limitent à du développement personnel naturo-mystique, trop théorique. Comme exercice pratique, on a beau feuilleter, on trouve au mieux des filtres d’amours. Quid des potions d’invisibilité, hallucinogènes et poisons violents ?
L’artisanat, première entreprise de France. Potion Craft pallie à ce manquement, puisque le joueur y met, enfin, la main à la louche. On y incarne un honnête alchimiste, qui doit vivre de la confection de substances diverses. Un travail dont la partie manuelle tient au broyage au mortier et au touillage de marmite. Car le cœur du métier est dans la science. Pour un bon achalandage, il faudra mémoriser les recettes, et veiller à stocker les plantes, champignons et minéraux adéquats. Le tout dans une routine sur laquelle nous allons nous pencher, tel Jean-Pierre Pernaut en visite chez un layetier du lavandou.
Je tousse du sang, c’est grave ? Potion Craft tient sur cinq écrans différents, dont trois principaux. Le jardin d’abord, qui offre chaque jour des plantes à récolter au clic. L’atelier, où l’on exerce nos talents de Maïté des psychotropes. Et enfin le comptoir, où les clients nous expliquent leurs problèmes, qui vont des parasites au potager au projet d’assassinat, en passant par une libido en berne. Ainsi les jours s’égrènent entre cueillette, préparation et vente. Dans le plus grand calme, puisqu’on a tout le temps qu’on veut pour cuisiner. Plus la clientèle est satisfaite, plus la réputation grimpe, en même temps que nos tarifs. Jusqu’à palper comme Panoramix et pouvoir d’offrir les ingrédients les plus rares.
Quelques gouttes suffisent. La préparation des breuvages se fait par navigation cartographique : chaque ingrédient dessine un trajet particulier sur un parchemin. On explore en creusant des chemins dans le brouillard, pour dévoiler des emplacements en forme de gourde. Il faut atteindre ces petites icônes avec la bonne combinaison : là un zig-zag à droite, ensuite un grand demi-cercle du sud au nord, puis un “Z” en diagonale. Si on ne parvient pas à destination, les ingrédients sont gâchés. Les recherches infructueuses se soldent donc par des difficultés à satisfaire les chalands du jour. Ce qui, comme on le murmure dans les barbes hirsutes sous les dolmens des cercles druidiques armoricains, nique un peu le business.
Crackatouille. On sort toujours d’une session de Potion Craft avec la satisfaction du travail bien fait. Très accessible, le jeu dévoile une profondeur insoupçonnée et une marge de progression aux maniaques du carnet de recette. On ne peut pas perdre, seulement stagner. La chaleur visuelle qui se dégage fait de l’échoppe un petit cocon où il fait bon piler son herbe. Les jolis dessins des ingrédients donnent presque envie de manger des psilocybes, pour voir.
Potion Craft sort en accès anticipé pour s’étoffer, mais est déjà à la hauteur de son prix. C’est une ode zen à l’artisanat et aux plantes, savamment dosée entre détente et challenge. Rafraîchissant, comme la vision d’un champignon exotique au milieu des coulemelles.
Développeur : Niceplay Games (Russie)
Éditeur : tinyBuild
Sortie en accès anticipé : 21 septembre 2021
PC
13€
Testé sur une version presse fournie par l’éditeur