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Pocky & Rocky Reshrined

Ah Pocky & Rocky, le bon vieux shoot’em up mignon de Natsume qui a fait le bonheur des joueurs SNES fans d’import, est de retour ! Voilà qui rappelle des souvenirs du début des 90’s (oui, lecteur taquin, il y a des gens qui étaient jeunes à cette époque) qui fleurent bon l’âge d’or de la Super Nintendo (vous savez, cette machine surpuissante dont le processeur s’étranglait dès qu’il y avait trop d’action à l’écran) et le début de la fin pour le Club Dorothée.

Avant d’aller plus loin dans cette chronique qu’on qualifiera plus ou moins aimablement de test pour vieux, il convient de rappeler les fondamentaux : non, Pocky & Rocky (connu dans son coin natal sous le nom de Kiki Kaikai) n’est pas une série de Natsume.

Le premier jeu, sorti dans les salles d’arcade en 1986 est, en réalité une œuvre signée Taito (Rastan Saga, The New Zealand story, Arkanoids etc.) qui proposait au joueur d’incarner une jeune prêtresse Shinto qui entendait ramener la paix dans le voisinage en allant expliquer la vie à des démons un peu trop bruyants.

Là où il se distinguait -un peu- de ses congénères, c’est qu’il utilisait un design rondouillard tout mignon à la Pop & Twinbee et laissait le personnage principal parcourir les niveaux à pied et à son rythme.

Alors que, dans pratiquement tous les shmups de l’époque, qu’ils soient mignons (Cloud Master) ou moins mignons (Salamander), le scrolling vicelard vous forçait à foncer dans le tas, Taito vous proposait de vous balader à votre convenance, de droite à gauche, haut en bas, avant et arrière.

Oui, le jeu inventait donc Thunder Force II deux ans avant sa sortie.

Sur le papier, le coup d’essai était une réussite. Pourtant, Taito, manifestement pas complètement convaincu par l’accueil public et commercial, allait purement et simplement s’en désintéresser et laisser Natsume exploiter sa licence.

Cette dernière société allait exporter la petite prêtresse et son nouveau pote, un tanuki, vers l’ouest en sortant deux jeux sur la Super Nintendo sous le nom de Pocky & Rocky. Pour le coup, Natsume n’a pas vraiment fait preuve d’une imagination débordante en reprenant le concept, les décors et le character design pratiquement à l’identique.

Oublions toute notion de suspens : le cru 2022 ne bouleversera pas les fondamentaux.

Mêmes ennemis, mêmes décors, même patterns qu’en 1986 et 1992. Autant vous dire que tout cela sent un brin la naphtaline durant les premières secondes du jeu. Pourquoi les premières secondes me demanderez-vous ? Et bien, tout simplement parce que j’ai passé les suivantes à ramasser mes dents après la raclée que m’a infligé le jeu à ma première partie.

Puis à la deuxième…

Puis à la troisième…

Diantre, cette ordure de jeu me provoque (et accessoirement, le jeu s’éloigne assez rapidement de son modèle dans son level design). Alors, qu’est ce qui bloque alors que le gameplay ne surprendra pas grand monde ?

Pocky (ouais, j’y reviendrai plus tard), balance des cartes, des boules de feu ou…humm… des trucs verdâtres en travers de la tronche des monstres mignons plus vite que toute la team Cat’s Eye au grand complet, dispose d’un nombre limité d’attaques spéciales qui nettoient l’écran, effectue des dash avec plus ou moins de bonheur et, petite subtilité, dispose d’une parade qui lui permet à la fois de renvoyer les tirs à l’envoyeur et de balayer les ennemis.

Par la suite, de nouvelles capacités seront débloquées mais laissons donc le suspens intact (oui, je me contredis si je veux). Les plus subtils l’auront compris, la survie passera en grande partie par la maîtrise de la parade. Sur le fond, pas de problème mais la mise en pratique va rapidement pêcher.

Une des principales difficultés du jeu, héritée des premiers opus mais encore accentuée dans cette nouvelle version, vient du fait qu’il faut à la fois gérer le déplacement du personnage et le sens dans lequel on va tirer. Petit exemple : le vaisseau de Raiden (ou de 99 % des shmups) tirera toujours vers l’avant, qu’on oriente sa manette vers la droite, la gauche, l’avant ou l’arrière. Il est donc -relativement- aisé de se concentrer sur l’esquive en inondant l’écran de tirs.

Dans le cas présent, Pocky va aller vers la droite pour échapper aux pourritures mignonnes qui la poursuivent et, automatiquement, le tir va arroser le côté droit de l’écran, désert, alors que les malandrins gagnent du terrain sur la gauche. Résultat des courses : Pocky est encore morte. D’autant que les ennemis sont véloces et que certains réapparaissent plusieurs fois (arghh singes, je vous hais tellement !)

Ici, le gameplay, dont les origines antédiluviennes se ressentent bien, ne propose aucun blocage de la direction du tir comme des jeux plus modernes comme Shock Troopers ou même le vieux Cabal de Tad Corp (vous noterez la notion relative de modernité). On fuit, on loupe les ennemis, on meurt et on rage quit (mais on ne jette plus la manette contre le mur… on a gagné en maturité et les manettes coûtent cher). Saleté de jeu qui veut m’empêcher de tirer en diagonale… à moins que ça ne soit la manette ?

Quoi, c’est moi ?

Heureusement, on peut, comme dans tout bon shmup qui se respecte (ce qui, pour le coup, est parfaitement inexact) compter sur un allié de poids, Rocky le tanuki, hein ? Et bien non (mais oui… j’y viens).

Natsume a, en effet, eu la brillante idée (qui lui vaudra probablement une place en enfer à côté des types qui ont inventé les urinoirs et les DLC cosmétiques) de ne permettre le jeu à deux QU’APRÈS avoir suffisamment avancé en solo. Oui, l’aide n’est disponible que lorsque le joueur est assez bon pour ne pas en avoir besoin. Genius !

Bon, tout ceci n’est que moyennement rageant pour le joueur en déficit de réflexes puisqu’il existe, fort heureusement, un mode ultra facile. Et bien non (mais oui). Bis repetita.

Là encore, Natsume a inscrit ses initiales en lettres de feu au panthéon des idées pourries en proposant de ne débloquer ce mode qu’au bout d’un certain temps de jeu. Durant chaque partie, vous débloquerez quelques maigres piécettes. Du genre, pas beaucoup. Ces pièces s’accumuleront de partie en partie jusqu’à atteindre une somme rondelette qui, enfin, débloquera ce foutu mode. Je comprends bien la logique mais j’ai quand même un peu envie de les étriper.

Mais alors, me demanderez-vous, ce jeu a-t-il des qualités derrière ses vilains défauts ?

La réponse sera, fort heureusement, un peu plus positive. Non seulement Pocky & Rocky Reshrined (un point pour le jeu de mot) propose le même gameplay frénétique que ses ancêtres mais il est également beau à crever. Ça reste du pixel art, entendons-nous bien, mais la reprise du design tout en rondeur des personnages et la beauté des décors, animés, chatoyants et proposant plein de petits détails visuels, jouent à fond sur la fibre nostalgique du joueur.

Le jeu nous replonge littéralement dans cette période bénie du jeu vidéo dont beaucoup d’entre nous gardent des souvenirs impérissables ; une époque où les personnages étaient mignons (mais voulaient votre mort), les jeux étaient colorés (mais voulaient votre mort) et les musiques joyeuses (et voulaient… tuer vos oreilles). Bref, on était bien loin du shooter militariste en nuances de gris, de jaune pisse et de marron qui a pullulé sur les générations PS2/PS3 et Xbox/Xbox 360.

Etrangement, le charme de la série fait toujours son petit effet près de 40 ans après ses débuts. Le character design est soigné, quoique figé dans le temps, les sprites et les animations sont très réussis. Bref, Pocky & Rocky est une sorte de capsule temporelle qui nous ramène aux grandes heures du jeu 16 bits et ça, ça n’a presque pas de prix, hein ? La réponse à cette question est malheureusement assez nuancée.

La nostalgie et le respect de l’œuvre c’est très bien mais je peux m’empêcher de penser qu’un gameplay à la twin-stick shooter avec un stick droit permettant d’orienter ses tirs tout en se déplaçant dans une autre direction avec le stick gauche aurait parfaitement convenu à ce jeu. En espérant que ce soit pour la prochaine fois…

Au chapitre des menus regrets, je ne peux que déplorer et m’étonner que le jeu souffre, sur PS4 tout au moins, de légers ralentissements lorsque l’action s’emballe un peu. Sur SNES, je le comprenais parfaitement, sur PS4 beaucoup moins et je me demande ce que ça peut donner sur une machine comme la Switch.

Et puis, j’ai un peu honte de l’avouer… Pocky & Rocky Reshrined me semble dur. J’ai passé mon temps à me faire laminer et à rager sur les contrôles. La vieillesse est décidément un naufrage. Puis, saisi d’une intuition, j’ai relancé le premier opus SNES. Et là, surprise ! Je n’ai perdu mon premier crédit qu’au beau milieu du troisième stage alors que j’ai galéré pour atteindre le deuxième sur la version 2022.

Du coup, si je résume, ça nous fait : un jeu plus dur, un mode easy bloqué pendant une éternité et un mode deux joueurs accessible uniquement en ayant terminé le mode solo. La raison est évidente : on ne propose plus à la vente en 2022 un jeu qu’on termine en une partie. S’il faut grinder pour en en avoir pour son argent, alors grindons joyeusement.

Là encore, je peux comprendre la logique mais l’absence au lancement du mode deux joueurs, autrement plus convivial, me semble être une hérésie. Malgré tout, j’avais quand même bien envie de le relancer. Et pour l’avoir relancé, je l’ai relancé… jusqu’à l’overdose.

Entre les ennemis qui réapparaissent à tout bout de champ, ceux qui, justement, sont hors champ, ceux qui sont de vraies éponges à balles et cette maniabilité archaïque qui m’a, à plusieurs reprises, donné envie d’hurler, je dois bien avouer que j’ai fini par baisser les bras à mi-parcours.

Alors oui, la nostalgie ça a souvent du bon mais pas cette fois. Allez Pocky, allez Rocky, retournez donc dans cette étrange capsule dont vous avez émergé et, cette fois, ne revenez plus.

Genre : Shoot ’em up

Développeur : ININ Games & Natsume Inc

Editeur : Taito

Site officiel

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Baalim

Vieux joueur, atariste convaincu, collectionneur de trucs bizarres et hétéroclites, geek à ses heures perdues, pratiquement certain de n’avoir rien signé et de ne pas être payé, il se demande encore ce qu’il fait là.