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Early Access: Breachway

Si les deckbuilders envahissent nos écrans par grappes ces dernières années, on pourrait leur reprocher que malgré leur nombre ils tournent en général autour d’un ensemble de mécaniques similaires. Avec Breachway, Hooded Horse espère bien créer une brèche dans ce noyau solide qui les unit tous pour se frayer un chemin sur le podium du genre. Une initiative louable et au résultat intéressant, bien que perfectible à l’heure où j’écris ces lignes (jeu tout juste sorti en accès anticipé).

Dans Breachway, le joueur prend le contrôle d’un vaisseau spatial qu’il gère des modules installés jusqu’à son équipage. Dans la tradition du roguelike deckbuilder, il progresse au sein d’une galaxie composée de nœuds, des points de passage de types variés (mais essentiellement des combats), jusqu’au boss du secteur qu’il devra battre pour atteindre la seconde et dernière zone du jeu.

Première spécificité de Breachway, la galaxie ne se visite pas à la façon d’un roguelike traditionnel, où l’on « monte » un itinéraire à embranchements multiples menant au boss. Ici elle  s’explore librement, en empruntant gratuitement les itinéraires principaux, bleus, qui se dirigent vers le boss, ou en naviguant sur des itinéraires bis, en jaune, qui permettent de revenir en arrière moyennant un point de carburant. On fait tous l’erreur au début de se diriger directement vers le boss, stratégie vouée à l’échec faute de vaisseau et de deck suffisamment évolués. Pour gagner, il faut explorer. Ou… selon le point de vue de chacun, résoudre le puzzle de l’itinéraire idéal qui nous permettra de découvrir un maximum de zones et survivre aux ennemis rencontrés avec le peu de carburant à notre disposition.

Dans cette galaxie cohabitent 4 factions, avec lesquelles le joueur entretient des relations variables selon le vaisseau choisi au départ et les actions menées en cours de jeu. Ces factions contrôlent différents nœuds, placés aléatoirement et découverts en se rapprochant. Selon vos relations avec ladite faction du secteur, l’évènement ou le combat se verra modifié pour le meilleur ou pour le pire. Une idée plaisante sur le papier, mais qui d’une partie à l’autre peut nous offrir un tracé facile comme injuste et punitif en raison de l’aléa extrême qui le régit..

Au-delà de l’exploration spatiale, la progression dans Breachway tourne autour de deux pans : l’évolution de son vaisseau et la gestion de son deck. Quel que soit le vaisseau choisi parmi les quatre disponibles, vous aurez à améliorer ce dernier à la fois sur la génération d’énergie et sur les modules installés, qui influenceront le tirage de nouvelles cartes.

Sur la base d’un réacteur qui génère X énergies par tour, le joueur règle la distribution de ces dernières vers 3 types d’énergies qui correspondent –pour vulgariser- aux points d’attaque, de défense et de soutien. Selon votre style de jeu et votre deck, vous définissez un paramètre de redistribution modèle (ex : 3 points d’attaque, 2 de défense, 1 de soutien) réglable à chaque tour pour répondre aux besoins de votre stratégie et des cartes en main. Par exemple, si je prévois un enchaînement d’attaques le tour suivant, je ne vais pas attaquer ce tour pour conserver mes cartes et mon énergie puis allouer un maximum de points vers l’attaque et ainsi obtenir un capital important pour le tour suivant. Ce pan du jeu est aussi simple qu’intéressant, offrant une réelle gymnastique d’optimisation là où sur la majorité des roguelikes, l’énergie est une ressource unique perdue si non utilisée.

La partie modules se constitue d’un membre d’équipage possédant une capacité spéciale et d’un module amovible d’attaque, de défense ou de soutien qui n’est autre qu’un deck déguisé. En installant un module laser, vous obtenez les cartes attaques laser basiques et débloquerez des cartes laser lors de votre progression. Selon le vaisseau choisi les modules de départ diffèrent, vous pouvez ensuite en acheter lors de vos haltes sur les stations alliées ou, plus rare, en obtenir comme récompense après un combat.

L’idée est ingénieuse, seulement il est difficile de réellement personnaliser son vaisseau. Avec un peu de poisse, et je suis expert dans le domaine, vous ne verrez pas de récompense viable sur plusieurs parties d’affilée et obtiendrez au pire suffisamment d’argent pour choisir entre une amélioration de réacteur supplémentaire (la priorité) ou l’achat d’un seul module. Et ça, si un évènement totalement gratuit ne fragilise pas votre engin, qu’il sera nécessaire de réparer moyennant vos quelques deniers durement acquis.

L’essentiel du temps de jeu sur Breachway se passe cependant en combat. En duel face à un autre vaisseau, que nous chercherons à détruire avec nos cartes et dont nous connaissons les intentions. En effet, nos ennemis fonctionnent également avec un système de modules, dont nous voyons la prochaine carte jouée par chacun et le délai de lancement de ladite carte s’il n’est pas instantané.  Au-delà de la simple réponse à chaque question envoyée, comme activer un bouclier avant l’attaque ennemie, ce qui est intéressant ici c’est la possibilité de détruire pour quelques tours un module si on lui occasionne suffisamment de dégâts.

Votre ennemi à la fâcheuse tendance à activer un bouclier tous les deux tours ? Vous pouvez lui péter son module et le laisser sans défense pendant trois à quatre tours. Son artillerie vous irrite ? Détruisez-là avant que les missiles partent, dans trois tours. S’il apparait inévitablement un côté puzzle, l’idée de pouvoir mettre en place des stratégies et de viser le module de son choix reste séduisante.

Le deckbuilding est également pensé de façon différente. À la place d’une pioche et d’une défausse, le jeu intègre une notion de « cooldown » propre à chaque carte. La jouer ou l’utiliser rendra cette dernière indisponible pour un minimum de tours, même si la pioche est vide. La gestion de sa main devient plus mathématique, et si ça plaira aux férus du genre je peine pour l’instant à trouver le concept amusant. En contrepartie, et pour appuyer cette idée, le joueur peut conserver autant de temps que souhaité les cartes en main et défausser à sa guise celles qui ne l’intéressent pas. L’idée, mieux gérer la répartition des cartes mais surtout préparer des combinaisons destructrices.

Sans rentrer dans les détails, le jeu intègre une tripotée d’éléments et de mécaniques secondaires à considérer, comme l’installation d’améliorations diverses ou la génération de chaleur en jouant avec le réacteur ou certaines cartes, qui endommagera le vaisseau à chaque tour passé un certain seuil. Breachway est un jeu relativement complexe et il sera nécessaire de maîtriser ses mécaniques originales pour espérer en voir le bout. C’est également un jeu difficile, à tel point qu’un patch est sorti peu après la sortie pour le rendre légèrement plus accessible. Mais à titre personnel, si je salue le travail effectué, dont je n’ai aucun doute sur ses capacités à plaire à un grand nombre de joueurs exigeants, je ne m’y amuse pas.

Ma première critique concerne la trop grande impression de jouer à un puzzle complexe. Pour gagner, il faut « cracker » les codes établis et s’engouffrer dans cette méthode particulière et bien plus efficace que les autres. Cette critique est valable pour la plupart des jeux, mais ici elle saute trop aux yeux pour être ignorée. L’expérience y est moins organique et l’expérimentation de builds punie.  Seconde critique, l’aléatoire est mené de façon maladroite, avec la génération d’itinéraires déséquilibrés ou, plus gênant, de nombreuses armes qui occasionnent des dégâts variables (mention spéciale à la carte qui tape entre 0 et 8 points) et compliquent la planification.

Enfin, le jeu manque pour le moment cruellement de contenu. On y affronte les mêmes ennemis dans les mêmes lieux, on rencontre les mêmes évènements pièges dont on ne se fait plus avoir, et surtout il n’y a que deux actes. Un sentiment de lassitude s’installe rapidement et ce n’est pas tout…  Je m’y ennuie, tout simplement. Les combats manquent de rythme, de dynamisme, et s’ils ne sont probablement pas plus longs qu’un affrontement sur Slay the spire, ils donnent l’impression de durer une éternité en plus de se ressembler.

Rien n’est fichu pour autant. La base est bonne, le jeu audacieux, et l’accès anticipé commence à peine. Je salue en outre le travail acharné des développeurs, qui ont publié en moins d’une semaine 8 patchs et restent à l’écoute de la communauté pour parfaire leur titre. Pour cela, Breachway mérite de rester dans le radar des amateurs, d’autant plus que Hooded Horse suit les jeux de son catalogue avec un œil attentif et passionné. Mais à moins de vouloir encourager les développeurs ou d’être en manque de roguelike spatial, il est préférable selon moi d’atteindre que le titre mûrisse.

Genre : Roguelike deckbuilder

Développeur : Edgeflow Studio

Editeur : Hooded Horse

Date de sortie en Early Access : 26 Septembre 2024

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Krev

Passionné par le jeu de stratégie sous toutes ses formes. Aime y jouer... et joue à écrire dessus !