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Big Helmet Heroes

J’imagine que, comme moi, vous vous êtes déjà dit que vous étiez trop vieux pour ça (non ? Allez, faites donc un effort et jouez le jeu), que vos goûts avaient changé, que ce n’était pas elle, c’était vous. Humm, je sens que je m’égare. Il faut bien avouer qu’avec ce Big Helmet Heroes, je me trouve devant un beau cas de conscience.

Visuellement, le dernier rejeton du studio Exalted Studio présente bien avec ses graphismes mignons tout plein et colorés, sa 3D rondouillarde  et ses personnages super déformés (ils ont de grosses têtes et de tous petits corps… vous voyez le genre ?). Du point de vue de la maniabilité, tout répond au doigt et à l’œil et même les esprits les plus chagrins (comme moi) ou les gros râleurs (comme la rédac de Dystopeek) n’y trouveraient rien à redire. Ce qui, soit dit en passant, rendrait l’exercice qui suit particulièrement ardu pour un journaliste encarté, digne de ce nom.

Heureusement, c’est tout de suite bien moins gênant pour un misérable pigiste mal payé (mon patron est un salaud d’exploiteur des masses opprimées). « Alors, il est où le problème ? » me demanderez vous. Et bien le problème, braves gens, c’est que je ne m’amuse pas tellement et qu’au bout d’un quart d’heure passé à taper sur les ennemis à l’aide des multiples armes récupérées un peu partout et des pouvoirs spéciaux déclenchés par une combinaison de touches, la lassitude gagne malgré la bonne volonté évidente des développeurs.

Oui, je suis face à un beat’ em all bien réalisé, rempli à ras bord d’armes en tout genre et je ne m’amuse pas. À vrai dire, je serais même en train de m’emmerder sérieusement. Est-ce parce que je n’ai pas réussi à convaincre quelqu’un d’autre de lancer une partie à deux joueurs ? Est-ce parce que j’ai passé l’âge de taper frénétiquement tout ce qui bouge à l’écran ? Ou bien serait-ce parce que le jeu n’est tout simplement pas assez fun ?

Le mystère reste entier à ce moment du test et pourtant, à part, les voix mignonnes mais très répétitives qui commencent sérieusement à me taper sur le système, le jeu ne commet pas d’impair manifeste. Comme je le disais plus haut, la réalisation est clairement de qualité.

Il n’y a rien qui vous décrochera la mâchoire mais ce Big Helmet Heroes propose des personnages bien modélisés, bien animés et des décors très agréables à l’œil. Et, bien entendu, le jeu tourne comme une horloge, sans la moindre saccade ou le moindre ralentissement à déplorer sur ma Playstation 5 de base. Du côté du gameplay, je ne devrais pas non plus avoir grand-chose à critiquer. Les différents décors dégueulent littéralement d’armes et il y a vraiment pour tous les goûts.

Les fans de Masterchef utiliseront les poêles à frire pour dézinguer leurs ennemis, tandis que les « Guillaume Tell » en herbe privilégieront les arbalètes qui traînent un peu partout. Pour les autres, on aura du fusil de paintball, du fusil à glaçon, des pelles, des marteaux, des lances, des sceptres, des trucs, pas tellement identifiables mais qui font bobo, etc. Bref, c’est clairement le pays de l’abondance aussi bien en termes d’armes que de scélérats à rectifier et à occire manu militari ; ce qui, reconnaissons-le, est plutôt une bonne chose dans ce type de production.

Mais alors, comment expliquer cette lancinante sensation d’ennui qui me susurre dans les oreilles qu’il est peut-être temps de lancer une série bidon sur Netflix, plutôt que de progresser à travers les niveaux ? Alors, très chère sensation d’ennui, j’entrevois bien quelques pistes qui pourraient expliciter cette fâcheuse situation.

La première, c’est que nous sommes hélas plus dans les années 80 et qu’on demande aujourd’hui plus à un jeu que de nous faire revivre une partie d’Arabian Fight, Crude Busters ou de Combatribes (parce que ça aurait été trop facile de citer Streets of Rage ou Final Fight pour le grand professionnel que je suis).

C’est tout con mais avec des jeux comme Elden Ring ou Skyrim qui sont passés par là en nous permettant de voguer à l’aventure tout en tabassant quiconque apparaissait à l’horizon, on a perdu l’habitude de gameplays aussi basiques que « avancer, taper, sauter, avancer, taper recommencer« .

Et c’est un peu le problème de cette catégorie de beat’ em all qui, en essayant de retrouver la substantifique moelle des classiques des années 80 et 90, se trouvent coincés dans une boucle de gameplay limitée et ne parvient plus à nous accrocher autant qu’avant, même si quelques bonnes surprises comme Streets of Rage 4 ont pu raviver nos vieux souvenirs.

Avouez que si la formule Beat em all vous amenait à fracasser tous ces sales punks et zadistes crasseux qui voulaient :
(i) Vous empêcher de vous prendre pour Anne Hidalgo et de libérer votre ville,
(ii) Vous voler la petite amie que vous partagiez avec votre frère tout en étant vraiment trop con pour le comprendre avant le dernier niveau,
(iii), Vous empêcher de sauver les gentils animaux,
(iv) Vous amener à remettre des génies dans leur lampe à grands coups de latte,
(v) Voler la pierre de rosette,
(Jeu caché : Saurez-vous reconnaître ces cinq jeux ?)

Fonctionnait remarquablement bien en arcade et bouffait vos pièces de 5 et de 10 francs à la vitesse de la lumière, elle est nettement moins pertinente sur nos machines modernes sur lesquelles l’offre s’est considérablement étendue, diversifiée et complexifiée.

Difficile aujourd’hui de se contenter d’un gameplay aussi redondant quand on a accès à des The Witcher 3, Zelda: Breath of the Wild, Cyberpunk 2077, Starfield, Manor Lords, etc. dans lesquels le champ des possibles est incomparablement plus étendu. Et là, c’est imparable : le jeu, aussi bon soit-il, est condamné de par son principe même. Et ce constat nous amène d’ailleurs à une deuxième explication potentielle.

Compte tenu du type de jeu et du visuel qui rappelle régulièrement Castle Crashers, je suis un peu surpris que le titre se contente de deux joueurs quand Street of Rage ou le classique de The Behemoth proposaient tous deux une action bien plus frénétique, bordélique et hystérique à trois ou quatre joueurs et ravivaient le souvenir du mythique Guardian Heroes (Ouais, niveau name dropping, je suis assez satisfait de moi).

C’est un peu ce qui ressort des quelques parties que j’ai pu faire avec Big Helmet Heroes. Tout ici est bien trop propre, trop sage et, finalement quelque peu ennuyeux alors que les recettes employées sont pourtant issues des vieux classiques et ont normalement fait leurs preuves. Dernière explication possible, c’est moi qui devient vraiment trop vieux et trop lassé pour apprécier à sa valeur ce type de jeu et de gameplay.

J’en ai un peu marre de traverser, en ligne droite, un niveau, deux niveaux, trois niveaux avant de tomber sur le sempiternel boss qui me donnera certes du fil à retordre mais permettrait également l’accès aux niveaux suivants. Et bis repetita. Bref, il me manque l’illusion du choix, le goût de l’aventure et une ambiance qui me donnerait vraiment envie de m’y plonger.

À l’arrivée, Big Helmet Heroes n’est pourtant pas un mauvais jeu et devrait probablement satisfaire les amateurs du genre. si tant est que ses graphismes trop mignons ne les dissuadent pas (faut dire que s’il sortent d’une partie de Mother Russia bleeds, ça peut leur faire un choc émotionnel).

À l’arrivée, vous l’aurez compris, le principal écueil de ce test est que je n’étais probablement pas (plus ?) l’homme de la situation et qu’il aurait vraisemblablement fallu confier ce test à un amateur de beat’ em all qui n’aurait pas perdu le feu sacré. Ça, c’était la conclusion que j’avais écrite avant de forcer quelqu’un à jouer au jeu en duo.

Et soudain, ce fut l’épiphanie. Après avoir enfin réussi à trouver un autre joueur, je relance le jeu et c’est d’un tout autre angle que je le vois. Non, non, toujours pas de déferlante d’adrénaline, de gros filets de sueur bien dégueux qui dégoulinent sur ma manette pendant un combat contre un boss mais une simple évidence : Big Helmet Heroes est un jeu chill qui permet de se faire une partie sympa entre potes tout en discutant tranquillement.

De l’avis de deux vieux cons… Humm… de deux papas dans la force de l’âge, c’est également le jeu idéal pour initier un jeune enfant aux jeux d’action. Tout est mignon, tout est rondouillard, tout est rigolo, rien n’est susceptible d’effrayer un jeune garçon ou une jeune fille et la difficulté en mode normal est suffisamment peu élevée pour pouvoir triompher peinard malgré un léger challenge.

Dommage d’ailleurs de ne pas avoir prévu de friendly fire dans les options (en gros, les joueurs ne peuvent pas se blesser entre eux). À l’arrivée et comme je le pressentais, la principale erreur pour aborder Big Helmet Heroes serait d’y jouer en solo et en le prenant pour ce qu’il n’est pas.

Si vous êtes nostalgique d’un jeu de combat à la difficulté assez relevée et au gameplay à l’ancienne, Fight n’ Rage, déjà testé en ces pages, est clairement le jeu qu’il vous faut. 

Si vous êtes plusieurs assis sur le canapé du salon, vous serez priés de vous orienter vers Streets of Rage 4 qui prend toute son ampleur dès lors que 3 ou 4 joueurs se retrouvent devant la console.

Hardcore gamers et joueurs solo, vous pouvez passer votre chemin tandis que les joueurs occasionnels et les familles trouveront probablement leur compte chez ce mignon et bien réalisé Big Helmet Heroes.

J’espère seulement qu’Exalted Studio reprendra sa copie et proposera, à l’avenir, une suite qui intégrera enfin un mode à trois ou quatre joueurs, des attaques coordonnées et une gestion des dégâts entre eux.

Genre : Beat’em all

Développeur : Exalted Studio

Editeur : Dear Villagers

Date de sortie : 6 février 2024

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

Baalim

Vieux joueur, atariste convaincu, collectionneur de trucs bizarres et hétéroclites, geek à ses heures perdues, pratiquement certain de n’avoir rien signé et de ne pas être payé, il se demande encore ce qu’il fait là.