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Wingspan Asie

Vous n’êtes pas sans savoir que si je veux mettre Madame Harvester devant un jeu de société, il faut que celui-ci présente bien. C’est donc pour cela que Wingspan est rapidement devenu le jeu qu’elle réclame le plus. A tel point que les extensions Europe et Océanie ont rapidement trouvé le chemin de l’appartement et ont vite été rajoutées au jeu de base. Mais quand Wingspan Asie est arrivé, une autre question s’est posée…

Parce que si les deux premières extensions rajoutaient principalement de nouvelles cartes et une nouvelle ressource (le nectar), rien ne venait vraiment bouleverser le gameplay. Rassurez-vous, Wingspan Asie non plus mais il apporte quelques spécificités sur lesquelles je vais m’attarder (scrollez un petit peu si vous connaissez déjà le jeu de base).

Mais avant cela, présentons quand même le bébé d’Elizabeth Hargrave, qui lui a permis de se faire connaître mondialement en 2019. Dans Wingspan, les joueurs vont devoir poser des oiseaux dans trois habitats différents qui leur permettront d’effectuer plusieurs types d’actions, sachant que tout oiseau posé dispose généralement d’un pouvoir amplifiant ces dernières.

Le but du jeu est d’avoir, au terme de la partie, le plus de points de victoire gagnés grâce à la valeur intrinsèque de chaque oiseau posé, aux objectifs de manche, au nombre d’œufs posés… Un engin building classique donc, mais diablement efficace grâce à son thème très fort et bien exploité. Les règles sont simples, la rejouabilité impressionnante grâce au nombre important d’oiseaux différents.

Chaque tour se déroule de la même manière : à tour de rôle chaque joueur joue une action parmi quatre. La première consiste à jouer un oiseau de sa main en payant son coût en nourriture (vers, souris, poissons…), éventuellement son coût en œufs. Chaque habitat est divisé en cinq cases permettant de poser autant d’oiseaux, sachant que plus on va vers la droite plus le coût en œufs augmente.

Le premier habitat – et donc la deuxième action possible – consiste à aller chercher de la nourriture dans la mangeoire (une tour à dés toute mignonne dans laquelle vous lancerez des dés customs). Et comme vous vous en doutez, plus vous avez placé d’oiseaux dans cet habitat, plus vous récupèrerez de dés.

Le deuxième habitat, quant à lui, permet de pondre des œufs sur les oiseaux déjà placés. Chaque oiseau peut accueillir plus ou moins d’œufs dans son nid. Chaque œuf non utilisé à la fin rapporte un point de victoire.

Le dernier habitat consiste à aller chercher un ou plusieurs oiseaux soit dans la rivière soit dans une pioche face cachée. Et comme toujours, plus il y a d’oiseaux dans l’habitat, plus on récupère de cartes.

Les stars du jeu sont donc les oiseaux, joliment représentés et disposant de plusieurs valeurs et autres renseignements. Tout d’abord, leur habitat. Certains oiseaux peuvent aller dans tous les habitats, d’autres ne pourront aller que dans le deuxième, certains se déplacent même d’un habitat à un autre. Savoir où les placer va dépendre de leur pouvoir.

Qu’il soit à la pose, entre deux rounds ou à l’activation, chaque pouvoir d’oiseau va vous aider à soit gagner plus de nourriture, soit plus pondre ou même de piocher. Les pouvoirs sont variés et il y a moyen, en réfléchissant un peu, de faire de très belles choses à chaque action. Comment ? Tout simplement parce que lorsque vous jouez une action, vous activez techniquement une ligne. Vous partez de la droite et remontez la chaîne des oiseaux de votre habitat en activant (ou pas) les pouvoirs de chacun.

Vous pouvez donc vous retrouver à aller chercher deux dés de la mangeoire, puis récupérer une souris de la réserve (pouvoir du premier oiseau), puis piocher 2 cartes pour en défausser une (deuxième oiseau)… C’est là la partie « engine building » qui vous permet de passer d’un tour misérable où vous piochez une pauvre carte à des combos où vous garnissez votre main tout en marquant des points. On n’est pas au niveau d’un gros eurogame bien sûr, Wingspan étant un jeu moyennement complexe, mais c’est toujours sympathique.

Les dernières caractéristiques des oiseaux sont leur valeur en points de victoire, leur envergure et le type de nid qu’ils utilisent. Ces informations vont servir dans divers domaines, que ce soit pour le déclenchement des pouvoirs ou pour le calcul des objectifs de fin de manche. Par exemple, Mme avait lors de notre dernière partie dominicale un oiseau prédateur dont le pouvoir faisait piocher de un à trois oiseaux. Il fallait que l’envergure totale des oiseaux piochés ne dépasse pas son envergure à lui, sinon tout était défaussé. Un petit peu de push your luck en plein milieu d’une phase de récolte de ressource…

Ce sont tous ces petits trucs qui font que les parties de Wingspan sont uniques. Faut-il jouer cet oiseau sans pouvoir mais qui rapporte énormément de points de victoire ? Ou vaut-il mieux mettre rapidement cet autre qui n’en rapporte guère mais dont le pouvoir permet de pondre plus souvent ? Rajoutez à cela la composante « oh non mais il est trop moche lui je ne le veux pas sur mon plateau » et vous aurez une idée des choix cornéliens que vous aurez.

Wingspan Asie

Mais donc dans tout ça, qu’en est-il de Wingspan Asie ? A part de proposer des oiseaux originaires d’Asie ? Et bien tout d’abord – et c’est ce qui m’a poussé à rédiger cet article – c’est un stand-alone. Dans une boîte bien plus petite que le jeu de base, il propose 90 nouveaux oiseaux, les dés customs et jetons nécessaires, les plateaux pour deux joueurs et deux nouveaux modes de jeu. Le mode Nuée, pour les parties à 6 ou 7 joueurs (dont je ne parlerai pas, n’ayant ni les joueurs ni l’envie de l’essayer) en le combinant au jeu de base et surtout le mode Duo.

Dans ce mode, les objectifs de manche, qui étaient d’avoir le plus d’oiseaux dans tel habitat, ou le plus d’œufs pondus, sont remplacés par d’autres utilisant un nouveau plateau. Au début de la partie, les joueurs ont, sur chacune de leurs cases habitat, un jeton qu’ils prendront en main lorsqu’ils poseront un oiseau. Ledit jeton pourra être posé sur un des emplacements du plateau dédié au mode duo, où il faudra remplir deux conditions (habitat + nourriture dépensée, ou type de nid…). A la fin de chaque manche, le joueur ayant par exemple le plus de jetons sur la même ligne ou qui aura le plus de jetons sur les bords du plateau gagnera des points. C’est une mini course au placement qui, sans renouveler foncièrement le gameplay, apportera un peu de fraicheur pour les vieux briscards.

Rien dans Wingspan n’est bien compliqué et c’est d’ailleurs pour cela qu’on l’aime. On choisit une action, on remonte la ligne en activant – ou pas – les pouvoirs et on s’extasie devant les jolis oiseaux. Il y a un peu de compétition qui vient, et c’est une autre originalité, de bonus que vous donnez à vos voisins. Oui, vous allez vous demander si ça vaut le coup que vous pondiez si ça autorise vos concurrents à faire de même gratuitement… Ça change d’autres jeux où on pille allègrement la personne en face ! Autant vous dire que l’ambiance autour de la table est plutôt joviale et que c’est pour cela que le jeu a du succès. Un zeste de compétition, énormément de contemplation et des parties courtes sans temps mort ni analysis paralysis.

Oui forcément si on intimide les adversaires…

Mais la vraie question – et elle m’a d’ailleurs été posée – est : lorsque l’on veut débuter dans Wingspan, vaut-il mieux acheter le jeu de base ou peut-on se contenter de Wingspan Asie ? Personnellement, je pense que si on (croit qu’on est) est vraiment certain de ne pas se laisser happer par l’envie d’acheter le reste des extensions et qu’on cherche un jeu au faible encombrement, alors oui on peut économiser quelques euros et se contenter de ce stand-alone. Même si franchement la différence n’est pas si importante que ça et que le jeu de base offre bien plus de tout.

Par contre, et en étant un minimum lucide, il est quasiment certain que vous voudrez investir dans le reste par la suite. Je ne vois pas des gens se dire que si, Wingspan Asie se suffit à lui-même. Vous allez forcément vouloir plus de cartes, profiter de la belle mangeoire, tester le nectar et les oiseaux spécifiques, vouloir plus d’objectifs de fin de manche. Donc dans ces cas-là Wingspan Asie n’aura servi qu’à confirmer qu’on accroche au jeu et on craquera pour le reste.

Dans tous les cas, vous vous retrouverez avec la totale, comme les drogués que ma femme et moi sommes. Alors oui, pour vous donner bonne conscience, commencez par Wingspan Asie. Et dans une petite dizaine de parties, revenez lire cette conclusion que vous aviez lue avec dédain et passez commande du reste…

Auteur : Elizabeth Hargrave

Artiste : Ana Maria Martinez Jaramillo, Natalia Rojas

Editeur : Matagot

Un à deux joueurs

De 40 à 70 minutes

A partir de 10 ans

Harvester

Collectionneur compulsif et un peu trop passionné, accumule jeux et livres en essayant d'entraîner un maximum de gens dans ses vices...