Nemesis
Aaaaaaah Nemesis (par Awaken Realms)… Un jeu que j’avais très envie d’essayer depuis longtemps. Mais son prix prohibitif lié à l’exclusivité de la distribution par Funforge, sa pléthore de matériel, sa notoriété, ainsi que la spéculation sur les versions Kickstarter en occasion m’ont toujours arrêté au moment de l’achat. Et pourtant, je l’ai attendu ma version KS a un prix raisonnable, avec tous ses SG dans le pledge de base. Le All-in, au prix proposé de l’époque, pouvait vraiment être qualifié de « bonne affaire ».
Il me restait éventuellement à me rabattre sur Nemesis Lockdown, que j’ai réussi à backer tardivement et qui reprend quasiment tous les Stretch Goals (SGs ou addons offerts durant la campagne de financement) du premier kickstarter. Mais Lockdown, malgré un gameplay semble-t-il plus léché, se passe sur une base martienne et j’avais vraiment envie de connaître le premier Nemesis, son ambiance « ridleyscottienne » (c’est mon article j’invente des mots si je veux). Un joli coupon Amazon via mon CE pour la fin de l’année et une remise chez un vendeur du marketplace m’ont enfin permis d’assouvir mon FOMO.
C’est un jeu qui a beaucoup fait parlé de lui. La promesse de parties épiques pleines de rebondissements et la retranscription d’une ambiance cinématographique. Rien que cela ! Ajouter une ambiance SF et vous m’avez accroché depuis longtemps. Le jeu tente de retranscrire l’ambiance et l’oppression du film d’horreur spatial Alien.
Vous vous réveillez à bord du vaisseau Némésis en ayant plus ou moins perdu la mémoire. En tout cas les mecs qui se réveillent à côté de vous ne vous sont pas spécialement familiers. Vous savez juste que vous avez une mission, c’est un poil trop calme et il y a des bruits bizarres autour de vous.
Nemesis se présente comme un semi-coopératif. Vous allez devoir collaborer avec les gens mais vous devrez surtout réaliser vos objectifs personnels qui peuvent très largement aller à l’encontre de ceux de vos petits copains d’hibernation :
- Récupérer un œuf d’alien pour l’étudier ou détruire le nid.
- Ramener le vaisseau sur terre, une autre destination ou bien le détruire.
- Aider une corporation qui aurait des trucs à cacher.
- Ou encore tout faire pour empêcher ces créatures d’arriver chez vous.
Ce ne sont que des exemples d’objectifs parmi tant d’autres. Le jeu propose également une variante solo/coop où les objectifs sont communs. D’après la plèbe, le jeu perdrait de sa saveur dans cette version. A titre personnel, tant qu’on prend très au sérieux la menace venant des Intrus (nom donnés aux petites bêtes qui se baladent dans les coursives du Nemesis), je trouve que le jeu offre de très belles sensations.
Niveau matériel, on a de belles figurines. J’ai une version retail qui contenait l’équipage dit « V2 », venant d’un moule donnant plus de détails. Je n’ai pas de point de comparaison mais on pouvait trouver cette image lors du dernier financement qui présentait les différences :
On est d’accord que c’est un poil mieux mais qu’à mon avis les anciennes versions faisaient déjà le taf. Les intrus ne sont pas en reste et son plutôt détaillés dans leur ensemble. D’ailleurs, je vous présente la Reine aka « Maman ».
Les plateaux de joueur, les cartes, tous les éléments en carton sont de très bonne facture. Sans vouloir relancer un énième débat sur les KSE (KickStarter Exclusif – addons exclusifs à une campagne de financement), de ce que j’ai compris la version retail de Nemesis et la KS partagent les mêmes caractéristiques techniques et ne sont donc pas différentiables sur ce point. Les seuls éléments KSE sont un personnage, le médic et deux bandes dessinés décrivant un mode de jeu en campagne qui n’étaient commandables (ou offerts) que pendant l’un des financements participatifs. Le jeu est donc riche, fourni en matos. Ça déborde de partout.
Pour moi le plus gros défaut de Nemesis est la durée de sa mise en place. C’est assez long et son rangement idem. Mais proportionnellement à la durée d’une partie (j’ai fait une première partie en 1h45 en soluo découverte et une deuxième en coop à deux de 2h15, je pense qu’à 4 joueurs on peut vite arriver à 2h30 voire 3h), ça reste rentable.
Nemesis mélange des principes de dungeon crawler lite pour la partie exploration et de deck building pour la gestion des actions. Pourquoi dungeon crawler lite ? Du fait de la configuration du vaisseau et de la zone d’exploration : malgré un plateau double et une dose de hasard dans la disposition des tuiles représentant les salles, le jeu n’a pas la profondeur d’exploration d’un Machina Arcana, Massive Darkness ou d’un Erune.
De plus, j’ai du mal à classer Nemesis dans la case Ameritrash (comme Zombicide) de par ce hasard très bien dosé. On est pas dans la débauche d’ennemis. Il y a une vraie montée en puissance via le sac de pioche des rencontres qui va se renforcer au fur et à mesure de la partie. Vous aurez peu de chance de piocher une reine ou un hybride dès le premier tour, alors qu’à partir du 5/6ème vous devriez commencer à claquer des genoux à chaque fois que vous mettrez votre main dans le sac.
Et toutes les mécaniques du jeu aident à cette montée en pression progressive. Vous allez attirer des ennemis en vous déplaçant et plus vous vous baladerez dans la même zone (ce que j’ai eu tendance à faire par peur de trop séparer mes deux persos), plus vous aurez de chances qu’un ennemi apparaisse. Et plus l’intrus apparaît tard, plus il y a de chance qu’il soit gros. C’est franchement très bien pensé.
Via les objectifs, Nemesis propose une grosse dose de rejouabilité mais exit les scénarios à tiroir d’un Malhya. Ce n’était clairement pas le cahier des charges. On cherche la sensation cinématographique ici, on cherche le cliffhanger qui va vous faire mal, ou plutôt vous tuer !
A son tour chaque joueur complète sa main jusqu’à avoir 5 cartes depuis sa pioche et va jouer 2 actions parmi les actions standards ou les actions spéciales issues du deck de l’archétype qu’il a choisi. Dans les deux cas, le joueur paie le coût de son action en défaussant un nombre de cartes de sa main. Vous avez également, pour chaque salle, une action disponible qui se paye également en cartes.
Quand les joueurs n’ont plus de carte en main, ou qu’ils ont passé (souvent pour conserver une carte intéressante au tour suivant), on passe à la phase de l’ennemi : gestion de la temporalité via les différents compteurs, attaque et déplacements des intrus, application des événements spéciaux éventuels. Quand plus aucun joueur ne peut jouer car tous sont morts (ou dans une nacelle de sauvetage ou en hibernation ou si le vaisseau est détruit), on pratique un petit contrôle de victoire à tiroirs et on regarde qui est le ou les vainqueurs ayant rempli leurs objectifs.
Pour vous parler du jeu, j’aimerai vous raconter la petite histoire de ma première partie. Je crois que ça vaut tous les exemples.
Je pars en soluo, petite contraction pour signifier que je vais faire un solo mais avec deux personnages sous mon contrôle. Sur les conseil d’un vétéran du jeu, je choisis le soldat (perso le mieux armé du jeu) John Shepard et Maurice Bénichou, un scientifique qui possède des capacités lui permettant d’accélérer les aspects de recherche ou l’utilisation des ordinateurs (ces derniers permettent d’activer plus facilement les capacités des salles si vous avez des infinités microchipiennes).
Je pioche deux objectifs dont :
Qui sera celui que je garderai lors du déclencheur de choix de la première rencontre avec un intrus (une petite larve que je défonce à coup de fusil énergétique en une balle). De manière organisée, j’envoie donc John vers le moteur 3 et Maurice vers le moteur 1, avec l’objectif de faire péter le vaisseau. Il me faut pour cela au moins deux moteurs en panne et que mes persos s’enfuient à bord d’une nacelle.
Par chance je tombe avec le soldat sur le relais de transmission comme deuxième salle et fais une pause dans mon déplacement pour envoyer le signal. Les objectifs étant communs, un seul des deux personnages a besoin de valider cette étape.
Mon scientifique tombe en deuxième salle sur le relais permettant de débloquer une nacelle et trouve, lors d’une fouille, une carte du vaisseau me permettant de révéler les deux prochaines salles sur son parcours. Bingo, l’accès aux nacelles de la section A sont juste à côté du moteur 1. Ça sent vraiment bon pour moi, je débloque la nacelle n°1 qui a été placée en Section A. Les nacelles sont numérotées et posées dans un certain ordre pendant la mise en place. Dans ma partie la nacelle 1 est en A et la nacelle 2 est en B.
Étonnamment, je me balade un peu tranquillement dans le vaisseau. Les déplacements avec des jets de bruits « silencieux » ou les rencontres assez faciles avec des larves dont je ne fais qu’une bouchée me mettent en confiance. Mais ayant compris le principe du sac de rencontre, je sais que j’ai de plus en plus de chance de tomber sur des adultes et consorts.
Shepard arrive au moteur 3 et le détruit via une carte démolition pour un coût de 2 sans même regarder son état (action de salle qui coûte 2 cartes). J’avais bien fait, le moteur était intact.
Pendant ce temps Maurice arrive au moteur 1 et, n’ayant pas de carte de démolition, décide de vérifier son état. Le moteur est HS. J’ai vraiment le cul bordé de nouilles.
J’arrive sans trop de difficulté à ramener mes deux personnages sur la salle permettant d’accéder à la nacelle n°1 qui est en section A et je finis mon tour. Pas d’intrus à déplacer, pas de combat, juste une petite carte évènement à tirer et au tour d’après, pour 2 cartes à défausser chaque perso pourra essayer d’entrer dans la nacelle qui comporte 2 places. Je jubile d’avance me disant que finalement Nemesis c’est plutôt calme comme une plage avec un drapeau vert sur les bords de la Costa brava.
Sauf que… sauf que… je tire ma carte événement de fin de round :
Si vous avez suivi mes précédentes explications, vous comprenez que là, c’est la décrépitude et la tristesse. Je relis la carte 10 fois pour être sûr de comprendre. J’ai envie de me pendre, j’ai envie de retourner la table. Tout ce qui me retient c’est que madame regarde le tennis et que si je la dérange durant la finale avec Djoko, je risque bien plus d’emmerdements.
Oui, la nacelle qui n’attendait que moi, ne m’a finalement pas attendu et un court-circuit l’a fait se barrer au moment où je devais monter dedans. Il faut donc revoir toute ma stratégie. J’avais dévoilé dans le bas du vaisseau l’accès à la section B des nacelles mais je vais devoir redescendre sur plusieurs salles. L’étau se resserre, la sueur me coule sur le côté du visage, mon cœur s’emballe. Oui je suis Ripley en petite culotte !
Maurice repart sur la salle d’activation des nacelles car je n’avais pas jugé nécessaire la première fois d’activer les deux sections. Là, je comprends la perfidie de l’auteur qui fait mettre les nacelles dans deux sections différentes. Quel fumier ! J’envoie le soldat en éclaireur avec une salle d’avance vers le sas d’évacuation pour les nacelles de la section B. Car je sais que je vais déclencher des rencontres, ayant laissé derrière moi, lors de la montée, un paquet de jetons Bruit.
John arrive dans la salle des nacelles et provoque une rencontre. Je plonge ma main dans le sac et dans ma tête je me dis : manquerait plus que je tire la Reine, tiens…
Je tire la Reine putain ! Je tire Maman !
Et évidemment je subis une attaque surprise car je n’ai plus de cartes en main (vous devez avoir plus de cartes en main que la force de l’adversaire qui apparaît lors de la rencontre).
Le Soldat récupère une belle blessure grave qui lui fait perdre l’usage d’un bras. je lâche le cadavre d’alien que je comptais ramener en souvenir, mais j’ai encore un bras valide pour essayer de lui faire la peau à la daronne !
Et là s’ensuit un combat mal engagé, où John vide ses chargeurs sans réussir à la blesser et prenant au passage deux contaminations sous les coups de la reine des intrus.
Maurice, qui avait rejoint John dans la bagarre, lui faisant autant de mal qu’une séance d’acupuncture avec son pistolet, nous décidons de nous barrer. Lors de la fuite, John reprend une deuxième blessure grave qui limite sa main de carte à 4 au lieu des 5 habituelles et Maurice réussit à s’en sortir sans dégâts.
Nous laissons donc la Reine dans la salle d’accès aux nacelles avec l’idée d’aller activer le système anti-incendie, dont la console de contrôle est à deux déplacements de notre position. Elle sortira alors de la pièce. Et oui les Aliens, ça n’aime pas l’eau (c’est pas plus cons que le rhume chez HG Wells).
Je compte sur un bon tirage pour le déplacement de la reine. Celle ci-s’enfuit au niveau du moteur 3.
Sur le chemin du retour, John et Maurice déclenchent une fin de tour et donc un déplacement d’intrus, la reine part alors dans les conduits du chemin n°3.
Maurice et John pensent que le plus dur est fait mais il faut encore revenir au niveau du sas d’évacuation vers la section B. Avec beaucoup de prudence et quelques déplacements vigilants (qui permettent de placer un jeton bruit sur le couloir que l’on souhaite), ils avancent et ils en profitent pour effectuer une fouille là où il reste des objets. John tombe sur une charge énergétique qui lui permet de remplir son arme vide.
Ils arrivent enfin au bout de leur périple, au niveau du sas et tentent donc de monter dans la nacelle. C’est Maurice qui tente de monter en premier. Il faut payer 2 cartes et faire un jet de bruit classique. Il fait un jet « silencieux » et ne déclenche rien.
C’est au tour de John. Le pauvre n’aura pas la chance de son comparse et déclenche l’arrivée d’un adulte. Il ne veut pas fuir. Le chargeur fraîchement plein, il se dit qu’il va filer une rouste au fiston, mais le destin en aura décidé autrement. L’alien lui inflige une nouvelle blessure grave. John meurt dans d’atroces souffrances.
Mais le soldat qui a fièrement protégé la sortie de son coéquipier n’aurait de toute façon pas survécu au voyage, il était contaminé jusqu’à la moelle. Il serait mort dans la nacelle de sauvetage lors du contrôle de victoire.
Si techniquement, j’ai tenu mon objectif avec au moins un survivant, le vaisseau détruit et le signal lancé, j’ai fait une légère entorse à la règle. Le dernier jet de bruit de John ayant entraîné l’arrivée de l’adulte aurait dû faire ressortir Maurice de sa capsule. Mais l’erreur avait été faite de bonne fois (au moment de la partie) et surtout l’effet cinématographique était trop beau : Maurice pleurant le soldat qui s’est sacrifié pour lui, regardant le Nemesis s’éloigner depuis le hublot de la nacelle de sauvetage…
Pour conclure, vous comprendrez en lisant ce récit que j’ai vraiment adoré ma partie de Nemesis en solo et je n’ai qu’une seule hâte, c’est de le ressortir. Je dirais même que j’ai très envie de l’essayer en semi-coop car l’aspect « traître » doit être fun, si on a des joueurs compatibles. J’ai hâte de recevoir mon “All-In gameplay” de Lockdown afin de récupérer les personnages supplémentaires et de tester la version base martienne qui propose de nouvelles mécaniques autour de la gestion de l’énergie.
Quant à la suite Nemesis Lockdown, je vous préviens, vous n’allez pas être déçu niveau tarif. Hors campagne de financement, le jeu est annoncé avec un prix de vente conseillé de 190€ pour la boite de base et de 110€ pour la boite de contenu additionnel… Quand je vous disais que le prix de ce jeu pouvait paraître prohibitif.
En parlant de prix, j’ai fait une partie à 4 hier soir. Et j’ai reçu mon pimp ultime de Nemesis, les décors 3D du vaisseau. Je vous assure que l’ambiance était a son max !
Alors oui, quand on commence à se lancer dans ce genre « pimpage », on met le doigt dans un engrenage, mais c’est tellement agréable. Et puis, vous lamenter ne sert à rien car dans l’espace, on ne vous entendra pas crier !