Feria d’Arles
Je n’aime pas le pixel-art par nostalgie ou par conservatisme. J’aime ce style grâce à ces artistes qui savent donner une âme à des amas de pixels choisis dans un nombre restreint de couleurs.
Je vous ai parlé d’Octavi Navarro quand je vous présentais les Midnight Scenes, j’ai découvert Matt Frith à la même époque à travers de courts point&clicks gratuits. Ils sont toujours disponibles sur Gamejolt, « l’autre itch.io » et je vous invite à y jeter un œil, mais après avoir lu cet article, quand même. Pour vous situer le bonhomme, il travaille actuellement sur les jeux d’aventure Theropods et The Drifter.
C’est en suivant son travail que j’ai mis la main sur Feria d’Arles dont il est l’artiste principal. Sans surprise, j’ai beaucoup apprécié les graphismes et le style caractéristique de Matt, mais n’oublions pas le rôle la musique dans l’ambiance guillerette de cette aventure provençale.
Développé par Tom Simpson, ce jeu d’aventure nous met dans les souliers de la jeune Molly qui tient absolument à participer à la féria, et plus précisément à devenir toreadora.
Dès le début de l’aventure, j’ai eu du mal avec deux choses. La première, c’est de voir une ville française où tout le monde parle anglais. Regardez autour de vous ; si sur dix personnes que vous connaissez, trois parlent anglais correctement, vous explosez les statistiques.
Plus sérieusement mais moins rationnellement et sans chauvinisme mal placé, je ressens toujours un décalage quand le français n’est pas disponible dans un jeu qui se déroule en France. J’ai même l’impression que l’auteur me nargue quand il place quelques mots de français au milieu de ses dialogues.
Mais le deuxième point qui m’a fait tiquer dans Feria d’Arles, c’est de jouer un personnage, jeune de surcroît, qui glorifie la corrida. Évidemment, c’est la tradition, la lutte rituelle qu’elle loue ainsi et non pas la mise à mort d’un animal pour le divertissement d’humains. Mais ça ne rend pas la situation moins questionnable.
On va devoir trouver un moyen d’exaucer le rêve de Molly, malgré l’opposition de toute la ville et principalement du maire. Déjà, parce qu’elle est trop petite, ensuite, parce qu’elle n’a pas de costume, et enfin, parce que c’est une fille.
Oui, gagner le droit d’aller combattre un taureau devient un acte féministe. Je vous ai déjà dit que je trouvais le début de cette histoire inconfortable ?
Heureusement, le scénario dissipera une grande partie de mon appréhension sur le thème du jeu et nous mettra aux prises avec un coiffeur de zombies, une conspiration contre le maire et un vendeur de soda dépressif, sans oublier une fin qui part totalement en vrille sans avoir fait souffrir le taureau.
Au niveau du gameplay, sans surprise, c’est un point&click cartoonesque tout ce qu’il y a de plus traditionnel, avec ses objets à combiner, ses dialogues farfelus, ses personnages baroques. L’humour est très présent et s’il n’est pas inoubliable, il est divertissant.
Si on excepte certaines actions qui flirtent dangereusement avec la « moon logic », ce syndrome propre au genre qui symbolise les énigmes impossibles à résoudre sans accès à une solution, le jeu n’est pas spécialement difficile ni long puisqu’il m’a fallu moins de deux heures pour arriver à la conclusion.
La scène finale annonce une suite intitulée Bull out of Arles que Tom Simpson développe actuellement, toujours avec Matt Frith au dessin. Ah, j’ai failli oublier de vous dire que la représentation de l’inventaire est originale et très réussie.
Pour un prix dérisoire (surtout qu’à l’heure où j’écris ces lignes, il bénéficie d’une remise de 50%), Feria d’Arles est exactement le genre de petit jeu qui s’inscrit dans l’héritage des productions LucasFilm des années 90. Avec une ambition mesurée, mais avec talent et bienveillance, il apportera soleil et sourires aux amateurs de point&click, et c’est déjà beaucoup.
Genre : Point&click
Développeur indépendant : Tom Simpson
Prix : 3,29€
Date de sortie : 6 décembre 2019