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Early Access: Eresys

Après bien des années d’études et de sacrifices, j’avais enfin atteint mon but. Je faisais partie du culte. La route avait été longue et laborieuse, mais elle en valait la peine. Et alors que je me retrouvais, plein de fierté et de dévotion devant le premier d’entre nous et grand serviteur de notre Dieu, je mesurais la chance qui m’était donnée. J’étais plus que ces simples mortels condamnés à une existence d’esclave. J’étais un éveillé, un choisi. Je peux maintenant témoigner de la folie qui s’est emparée de moi, de nous tous. Nous ne savions pas alors quelle funeste destinée nous attendait sur l’île de la sentinelle, l’île d’Eresys.

Va voir là-bas si j’y suis

J’ai été un peu étonné quand notre maître nous y a envoyés. « Allez et faites ce qu’on vous dit ! Iä Iä Ft’angh », nous avait-il craché, en secouant son bâton surmonté d’un crâne de bouc. C’est donc avec appréhension, mais également excitation que je revêtis mes plus beaux atours de disciple, et que je rejoignis les autres, au pied de l’avant-poste consacré à Sa Grandeur.

Comment décrire ce que je vis alors. Des immenses pylônes, gardiens cyclopéens datant d’éons oubliés. Des runes pulsatiles, d’un vert émeraude. Des autels sombres sur lesquels flottaient des statues plus anciennes que l’humanité. Et, dominant tout cela, entre deux gigantesques colonnes ouvragées, la figure majestueuse du grand Cthulhu, entouré de brume, qui nous regardait du plus profond des abîmes du temps.

Emporté par la munificence du lieu, j’avoue, à ma grande honte, que je ne m’attendais pas à rencontrer un de ceux des profondeurs dans ce cadre grandiose. C’est pourtant lui qui était chargé de nous faire traverser et de nous amener au rivage de cette île ténébreuse, c’est dire toute la confiance que notre ordre lui portait.

Fais pas ci, fais pas ça

En arrivant sur le rivage étrange de cette île hors du temps, le sentiment de menace sourde devint palpable. On me présenta trois parchemins, rédigés par le grand maître, et détaillant nos objectifs.

Mon devoir sacré était de bannir une entité abominable qui semblait hanter l’île d’Eresys. Grâce à ma formation, j’étais au fait des rituels qui repoussent de telles créatures, mais cette fois-ci la tâche était plus complexe. Je devais tout d’abord réunir les 30 pages manquantes du grand livre de notre ordre. Ces pages, disséminées un peu partout dans l’île, nous permettraient de compléter le rituel.

Je devais prendre garde, car partout à la surface de ce lieu maudit, se trouvaient des créatures démoniaques qui avaient franchi le portail et souillaient cet endroit de leur présence impie. Elles avaient massacré les habitants de l’île, et traquaient sans pitié ceux qui foulaient encore les lieux. Fort heureusement, elles étaient sensibles à la lumière du soleil et à celle, purifiante, de nos lanternes sacrées.

De plus, je devais recueillir dans des fioles le sang souillé de mes prédécesseurs, victimes à jamais hurlantes des supplices que leur corps avait subis. Ces fioles créeraient les sphères de sang, objets mystiques qui, combinés avec le livre complété, nous permettraient de bannir les créatures cauchemardesques de l’île et de clore le portail.

Si j’avais un marteau

Je tendis une main vers le livre de l’ordre, lourd, encombrant, dérangeant également. Il semblait animé d’une vie propre. Le parchemin était clair sur ce point : « à proximité des pages manquantes, les écritures du livre commenceront à luire ». Je me saisis également de la lanterne, quelques recharges d’huile et une fiole. Ainsi équipé, je commençais à gravir les marches de bois, menant tout droit à la forêt ancestrale qui recouvre l’ensemble de l’île.

« La lumière éloigne les créatures de la nuit, mais elle révèle ta position », me répétais-je comme un mantra. Je décidais de marcher accroupi. Ma progression était plus lente et laborieuse, mais je faisais également moins de bruit. Il ne s’agissait ni d’être vu ni d’être entendu par ceux qui rôdaient tout autour.

Une musique, éthérée, flottait dans l’air, accompagnant chacun de mes mouvements. Il n’y avait que très peu de bruits d’animaux, on entendait à peine les vagues sur le rivage. La forêt semblait retenir son souffle. Peut-être est-ce moi qu’elle attendait ? La chasse commençait, mais qui était le chasseur, et qui était la proie  ?

Attrape-moi si tu peux

Mes premiers pas dans cette forêt aux arbres tutoyant le ciel, me dirigèrent vers un trio de maisons à moitié détruites. C’est là-bas que je découvris les premières pages, mais aussi ma première vision d’horreur. Il y avait des cadavres, un homme à genoux et sans tête qui semblait fossilisé, et un autre couché qui offrait son sang vicié dans une posture d’éventration éternelle.

Je serrais les dents et recueillis le précieux liquide dans la fiole. Tout à mon ouvrage de précision, je n’ai entendu qu’au dernier moment les branches se briser un peu plus loin et, levant les yeux, je fis ma première rencontre avec une des entités de l’île. Il faut vous imaginer un arbre tentaculaire qui marche, pourvu de bouches, de pattes et de multiples yeux. Haut de cinq mètres, il passa en hurlant son impossible forme à la face de l’univers. Je n’eus que le temps de me cacher dans des fourrés et prier pour qu’il ne m’aperçoive pas.

Le temps passa et je décidais alors de reprendre ma route sans tarder. Je m’enfonçais un peu plus dans la forêt, ébranlé par cette créature d’un autre monde, je commençais à deviner d’autres formes aberrantes dans le sous-bois. Mais était-ce réel ou s’agissait-il du simple jeu de mon imagination enfiévrée ? Impossible à dire. Je redoublais donc de prudence et continuais ma quête.

Un nouveau départ

C’est plus tard que la véritable horreur se révéla. Alors que j’avançais vers ce qui semblait être une autre maison en ruine, je notais un étrange autel dressé non loin. Je m’approchais à pas de loup et visitais l’étrange masure. Là, un corps m’offrait le sang tant recherché dans sa gorge grande ouverte. Je pris le sang et commençais le rituel. Quatre fioles plus tard, une boule noire s’éleva de l’autel bordant la maison et une clameur retentit. Des bêtes de la nuit avaient entendu l’appel et se précipitaient vers moi. Je courus, paniqué, et dans ma confusion, je ne pensais que trop tard à me servir de la lanterne. J’en éloignais un ou deux, mais ils revinrent à la charge et me déchiquetèrent.

Je ressentis leurs morsures et le froid déchirant de la mort. Le coeur glacé et l’âme meurtrie par mon échec, je ne m’attendais plus à rien. Ce fut donc avec soulagement et horreur que je me retrouvais à l’avant-poste, secoué, mais bien vivant ! Je ne pouvais mourir, j’étais condamné à répéter le cycle, retourner sur l’île d’Eresys, réunir les pages, faire se lever les quatre globes et échapper aux monstres. À mon retour, certaines choses avaient changé. Les lieux étaient les mêmes mais des petits détails différaient. Les pages n’étaient pas exactement aux mêmes endroits et les monstres semblaient passer par d’autres chemins. Je pris conscience qu’il me faudrait du temps pour apprivoiser cette île, et pour en découvrir tous les secrets.

La dernière scéance

Depuis des jours, des mois peut-être, que je suis ici, j’ai enfin l’impression que tout m’est un peu plus familier. J’ai appris à mourir et à renaître. J’ai appris à observer et à prendre mon temps. J’ai appris à courir et à me cacher. Il existe un cycle, si je suis assez prudent, assez vif et un peu chanceux, je sais que je peux réussir. Je triompherai de l’île et de l’entité qui, je crois, en occupe le centre. Je ne connaitrai plus le repos, elle est mon horizon et ma finalité. Elle m’enserre, m’hypnotise, me hante et me hantera encore longtemps.

Quand Cekter m’a dit “faut qu’on teste ce jeu en coop, tu vas voir, c’est super”, je savais déjà dans quoi je m’embarquais. Une expérience de survie lovecraftienne en coop, où le but est de réparer des bouquins éparpillés sur une île, c’est le pitch d’Eresys. Comme notre expert en tentacules a couvert l’aspect créatif, je vais me contenter de vous parler de la technique. Bien qu’en early-access, le jeu est techniquement au point. La coop fonctionne très bien, on a plusieurs options d’accessibilité, la possibilité de rebinder ses touches etc…

Outre l’interface foutraque et surchargée, on est face à un jeu plutôt réussi visuellement, et bien optimisé. Le bémol se trouve dans son manque actuel de contenu, et à l’absence d’une roadmap claire. Si l’interface nous indique qu’une carte et des sorts seront disponibles, on est pour l’instant très dépourvus face aux créatures hostiles d’Eresys. Globalement, je vous conseillerais d’attendre, car le jeu n’est actuellement qu’un Slenderman avec un skin Cthulhu. Avec plus de moyens de se défendre et de se coordonner pour la coop, Eresys trouvera certainement son public.

P.S. Alors que je couche ces mots sur le papier, juste avant de repartir pour l’île, je dois vous dire que malgré la peur, malgré les difficultés et malgré la désorientation initiale, je suis heureux d’être devenu un adepte d’Eresys. Je vais placer cette lettre dans une bouteille scellée et la jeter à la mer, en priant pour que quelqu’un la trouve…

Genre : Exploration – Horreur – Coop

Développement : Ares Dragonis

Éditeur : Dragonis Games

Date de Parution : 20 avril 2023

Prix : 8.79€ sur Steam

Testé sur une version presse fournie par l’éditeur

CekterDown

Fasciné par Sherlock Holmes et le mythe de Cthulhu, j'aime également la science-fiction et tout ce qui s'y rapporte, je ne réponds qu'aux superlatifs et ne désespère pas qu'on me voue un culte un jour. J'aime surtout m'entourer de gens plus talentueux que moi.